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Illusion groupale (D. Anzieu)

par fxbravo » 16 févr. 2018 14:32

Suite aux échanges avec Benoist sur la file du jour je vous mets quelques informations sur l'illusion groupale:

Source: http://www.cpgf.fr/Vocabulaire/Items/illusion_groupale_Anzieu.pdf

Vocabulaire de psychanalyse groupale et familiale - Tome 1 1998

ILLUSION GROUPALE
Didier ANZIEU

L'illusion groupale est un état psychique collectif que les membres du groupe formulent ainsi : « nous sommes bien ensemble, nous constituons un bon groupe, et (si le chef ou le moniteur du groupe partage cet état) nous avons un bon chef (ou un bon moniteur) ».

Historique
Ce concept a été créé en 1971 par D. Anzieu. Il s'inscrit dans la ligne des réflexions psychanalytiques de S. Freud sur la vie culturelle et sociale. Freud, dans Totem et tabou (1912-1913) au chapitre 2, a décrit l'illusion artistique, l'illusion religieuse, l'illusion philosophique, dont les « caricatures » lui paraissaient respectivement fournies par l'hystérie, par la névrose obsessionnelle et par la paranoïa. Dans « Psychologie et analyse du moi », au chapitre 5 (1921), il a précisé, à propos de deux « groupes artificiels », l'Église et l'Armée, le rôle cohésif de l'illusion selon laquelle le leader (Dieu, le commandant en chef) aime d'un amour égal tous les membres du groupe, qui, à leur tour, s'aiment les uns les autres comme des frères. Cette illusion, que l'on a proposé de dénommer « sociétale », reproduit le renoncement infantile des frères et sœurs au désir d'être chacun le préféré du père. Elle fonde l'essence du groupe sur un double lien libidinal à l'imago paternelle et à ce que Béjarano a appelé l'imago fraternelle. La mise à jour de cette illusion a contribué à permettre à Freud de concevoir une nouvelle instance psychique, l'Idéal du Moi (dont il différencie ensuite le Surmoi) et de modifier sa conception du dualisme pulsionnel (en opposant ultérieurement aux pulsions de vie, groupées sous le terme d'Éros, les pulsions de mort).
D. Winnicott a repris le terme d'illusion en lui donnant un sens particulier dans la psychogenèse de l'enfant. Ayant découvert l'existence d'« objets et phénomènes transitionnels » (1953) chez le tout-petit, il a montré l'importance de l'« aire d'illusion », ou « espace potentiel », pour le développement du jeu, de la créativité, de l'expérience culturelle. Si l'environnement primaire (qui est ici surtout envisagé comme maternel) favorise l'établissement de cette aire, le bébé acquiert le sentiment d'une continuité « transitionnelle » entre la réalité psychique interne et la réalité extérieure, et prend confiance dans sa capacité d'agir sur cette dernière. (L'étape suivante, celle de la désillusion, l'amène à renoncer à une omnipotence magique, tout en préservant la croyance en son pouvoir de maîtriser le monde externe, à condition d'en observer les lois.) Une des techniques favorites de Winnicott dans la cure psychanalytique des enfants, le jeu du « squiggle » (griffonnage ou dessin commencé par le psychothérapeute, continué par l'enfant et accompagné de verbalisations mutuelles) vise à explorer les failles anciennes qui ont perturbé l'expérience d'illusion et à rétablir une aire transitionnelle dans sa plénitude et sa fécondité.

Commentaires
1. L'illusion groupale survient au second temps de l'évolution d'un groupe, aprèsune première phase généralement dominée par l'angoisse persécutive. D'où le sentiment réactionnel d'euphorie d'être délivré de cette angoisse. L'illusion groupale cimente alors l'unité du groupe, ce qui est une source de jubilation supplémentaire pour les membres. Elle est à l'évolution d'un groupe ce que le stade du miroir est à l'évolution de l'enfant : une étape nécessaire mais aussi aliénante, fondatrice du narcissisme groupai.
2. L'illusion groupale est un état non un processus. Si elle se prolonge, elle devient une résistance au processus groupal et à la phase suivante de désillusion.
3. Si elle est interprétée trop tôt, voire dénoncée par le leader ou par certains membres, l'illusion groupale n'a pas le temps de faire du groupe un objet libidinal commun, intériorisé par chacun sur le modèle du premier objet d'amour individuel de l'enfant : d'où le déni de la perte de cet objet et l'exaltation de ses retrouvailles.
4. Dans les institutions sociales, la tentative de constituer des petits groupes spontanés, et la tentation de l'illusion groupale sont souvent des compensations à la désillusion institutionnelle (G. Testemale, J.B. Chapelier, 1984). L'illusion groupale émerge sur le fond d'une méfiance réciproque entre les groupes et les institutions.
5. L'illusion groupale apporte aux membres une confiance de base dans leur groupe, qui est proprement « transitionnelle » au sens Winnicottien : confiance en une double continuité entre la réalité psychique interne individuelle et la réalité psychique interne groupale ; entre celle-ci et le secteur de la réalité externe, physique et sociale, où le groupe poursuit ses objectifs. Elle apporte aux membres du groupe la capacité de jouer, d'imaginer, de se cultiver, de créer ensemble.
6. Trois phénomènes accompagnent le moment de l'illusion groupale : a) un membre du groupe devient la victime émissaire de celui-ci ; il fixe ainsi sur lui l'agressivité collective latente ; b) une idéologie égalitariste affirme la similitude des membres entre eux, en niant les différences de sexe, de génération, etc. ; (c) un roman groupai des origines apparaît qui soutient l'utopie d'une parthénogenèse groupale selon laquelle « nous ne devons la conception et la naissance de notre groupe à personne qu'à nous-même ; notre groupe s'autoengendre », dans une création continue, par un acte renouvelé de commencement absolu.

Métapsychologie
1. L'illusion groupale est une défense hypomaniaque collective contre les angoisses, avivées par la situation de groupe, de morcellement (l'unité moïque de chacun étant mise en question par la co-présence d'un assez grand nombre d'autres personnes) et de persécution (le groupe étant vécu comme une hydre à têtes multiples, sur le mode dévorant-dévoré).
2. L'illusion groupale repose sur un clivage collectif des investissements pulsionnels de l'objet. Les pulsions libidinales sont concentréessur l’objet groupe; les pulsions destructrices sont clivées des précédentes et projetées soit sur une victime émissaire interne ou périphérique au groupe soit sur l'out-group. A. Béjarano (1971) a décrit, dans les séminaires de formation alternant les situations de petit groupe et de groupe large, un clivage du transfert, négatif sur le groupe large (voué ainsi au silence, à l'apathie, à la manipulation, l'autodestruction), positif sur le petit groupe (voué ainsi à l'illusion groupale). D. Anzieu (1975) a montré que les fantasmes de casse constituent la contrepartie, propre aux situations plurielles, de l'illusion groupale.
3. L'illusion groupale est l'illusion - nécessaire à un certain stade du processus groupal - que le groupe puisse constituer un objet total. C'est une illusion-écran contre la régression à la relation aux objets partiels, suscitée par la situation de groupe. L'illusion groupale se fait l'héritière d'une relation massive au sein idéalisé, clivé comme M. Klein l'a montré, du sein persécuteur.
4. L'illusion groupale propose pour organisateur psychique inconscient du groupe, une imago (non plus paternelle comme dans les groupes étudiés par Freud) mais maternelle, l'imago d'une mère toute-puissante et toute bonne pour ses enfants, qui, par fusion en elle, s'imaginent participer de son omnipotence narcissique. L'illusion groupale provient de la substitution, au Moi idéal de chacun, d'un Moi idéal unique, partagé et a-conflictuel (à la différence des groupes étudiés par Freud et s'organisant autour d'un Idéal du Moi commun).

BIBLIOGRAPHIE
ANZIEU D., L'illusion groupale, Nouvelle Revue de Psychanalyse, 1971, n° 4, pp. 73-93. Texte repris in : Le groupe et l'inconscient, Paris, Dunod, 1975, Nouvelle édition refondue, 1981.
BÉJARANO A., Résistance et transfert dans les groupes, in D. Anzieu et coll., Le travail psychanalytique dans les groupes, tome 1, Dunod, 1972.
BÉJARANO A., 1.e clivage du transfert dans les groupes, Perspectives psychiatriques, 1971, n° 33. pp. 15-22.
FREUD S., Totem et tabou, 1912-1913 ; G W IX, p. 91 ; SE, XIII, p. 73; trad. fr, Payot, 1971, p. 88.
FREUD S., Psychologie des masses et analyse du moi, 1921, Nouv. trad. fr. in : Essais de Psychanalyse, Payot, 1981, p. 154.
TESTEMALE G. et CAPELIER J.B., Groupes thérapeutiques et institutions soignantes, Bulletin de Psychologie, 1983-1984, 77, n° 363, pp. 195-204 (voir p. 202).
WINNICOTT D., Objets transitionnels et phénomènes transitionnels, 1953, trad. fr. in : Jeu et réalité, Paris, Gallimard, 1975.

Re: Illusion groupale (D. Anzieu)

par Benoist Rousseau » 16 févr. 2018 14:38

Livre indispensable pour un trader, un cadre qui se tape des réunions, pour comprendre la société par exemple pourquoi le trader est un bouc émissaire etc

Re: Illusion groupale (D. Anzieu)

par fxbravo » 16 févr. 2018 14:47

D'ailleurs, je vais le relire, car depuis j'ai un peu plus de connaissance en psycho et en systémique. Je le lirais avec des yeux neufs ;)

Re: Illusion groupale (D. Anzieu)

par pierrep » 16 févr. 2018 14:50

Doit-on mettre dans cette catégorie le travail de groupe?
Dans mon ancien boulot, nous avons conçu un système de A à Z sur avions composites, et tout le travail s'est fait à partir d'un travail en groupe, groupe réduit...mais un groupe.

Suis-je à la rue? la psycho n'est pas mon fort.... :musique:

Re: Illusion groupale (D. Anzieu)

par Benoist Rousseau » 16 févr. 2018 14:52

On analyse le groupe son fonctionnement pas son travail. Cela s’applique pour tout groupe humain. Ils ont le même fonctionnement inconscient.

Re: Illusion groupale (D. Anzieu)

par fxbravo » 16 févr. 2018 14:56

Pierre: dans ton exemple, le groupe avait un but commun. Donc synergie.

En trading, c'est chacun pour soi. D'où le frein qu'est le groupe pour le développement individuel.

Dans un groupe tu es "prisonnier" d'une fonction dans le groupe. Seul, tu fais ce que tu veux.

:mercichinois: Habi

Re: Illusion groupale (D. Anzieu)

par fxbravo » 17 févr. 2018 14:11

Petit rajout sur le sujet ;)

Article de Max Dora dans Le Monde Diplomatique sur "Télévision et Illusion Groupale, la traversée des apparences" (Juin 1996)

Source: https://www.monde-diplomatique.fr/1996/06/DORRA/5580



L’ESPACE et le temps ne sont pas les formes a priori de la perception. Notre vision, déjà parasitée par nos fantasmes, est aussi en grande partie conditionnée par l’idéologie d’un groupe. Ces fausses évidences nous structurent et, par là, s’interposent invisiblement entre notre regard et le monde.

Nous avons toujours été à notre insu « sous influence », mais, depuis quelques décennies, un événement considérable a porté cette situation à un point critique : l’explosion de la télévision et les trois ou quatre heures quotidiennes (souvent inavouées, curieusement : « J’ai un poste, mais je ne le regarde pas ») qui lui sont communément consacrées. Qui peut actuellement jurer que dans cinq ans, dans dix ans, comme cela a été le cas pour certains drames (sang contaminé, « vache folle »), on n’adressera pas d’amers reproches aux responsables politiques et à tous ceux intellectuels, journalistes, experts qui ont la possibilité de s’exprimer publiquement ? Pourquoi, leur demandera-t-on, n’avoir pas dénoncé avec suffisamment de force ou d’insistance les méfaits possibles du petit écran sur plusieurs générations de téléspectateurs ? Qui peut être certain, en effet, que l’absorption à haute dose des niaiseries qui constituent 90 % des programmes n’aura pas, à moyen ou long terme, un effet délétère irréversible sur la conscience même des téléspectateurs (1) ? Un biologiste allait jusqu’à se demander, en 1993, dans une revue scientifique anglaise (2), si l’habitude de regarder passivement chaque jour de façon prolongée la télévision avec son cortège de violences et de meurtres ne pouvait pas, en lésant certaines structures cérébrales impliquées dans le mécanisme fragile de la remémoration, contribuer au développement d’une démence de type Alzheimer. Parler des « méfaits de l’Audimat », de la « dictature du marché » ou et de la « responsabilité des directeurs de chaîne » ne suffit pas : encore faut-il essayer d’expliquer la fascination qu’exerce le petit écran. A quel désir, à quelle souffrance cette drogue visuelle peut-elle bien répondre ? Quoi de commun aux séries et feuilletons télévisés, sinon qu’ils donnent au téléspectateur l’impression d’appartenir à un groupe imaginaire, souvent une famille, dont il ne sera jamais exclu, qui lui offrira toujours des pôles d’identification ? En prison ou à l’hôpital, actuellement on souffre, on délire, on meurt devant la télévision, cette prothèse vénéneuse de toutes les solitudes. Impossible de rien comprendre à l’efficacité pernicieuse des idées reçues, qu’elles soient recensées dans un dictionnaire, récitées par un présentateur ou mises en scène dans un téléfilm, si l’on ne saisit pas que les idées reçues peuvent procurer un plaisir. Celui de se fondre incognito dans la masse. Le plaisir mimétique de l’illusion groupale.

A qui n’est-il pas arrivé d’être surpris, et rétrospectivement un peu agacé, en constatant qu’il venait involontairement d’imiter quelqu’un d’autre, personnage réel ou fictif ? Geste ou vêtement, locution ou simple intonation, un trait mimétique, un miméton, permet, en s’identifiant à un individu admiré et en croyant lui emprunter son style, d’incorporer ses manières, celles de son groupe réel ou imaginaire, auquel, grâce à ce parrain, on pourra peut-être s’intégrer. Le miméton est l’accessoire d’un tour d’illusion qui escamote la différence, efface l’isolement. Sans en avoir l’air, il dit : nous. Là est le piège.

Le miméton est une particule (sorte de « prion idéologique ») on ne peut plus contagieuse et, sous son apparente insignifiance, un opérateur magiquement efficace. Une pratique qui mène à la croyance. Gare aux mécréants alors. Invisible mais toute proche, la violence est là, dont l’aveuglement, l’illusion fusionnelle favorisent la méconnaissance. Sans compter l’abjecte passion d’obéir (3). « Heil Hitler ! », au début, avait été présenté comme une innocente façon de se reconnaître entre soi et de se dire bonjour dans un club de jeunes. « Vous êtes fou, qu’est-ce que vous allez chercher là ? », a-t-on dû répondre à cette époque aux rares Cassandre, rabat-joie allergiques aux mimétons. Enoncés momifiés devenus signes de reconnaissance, mots de passe aux airs intimidants, n’est-ce pas aussi le secret même de la « langue de bois », la clé de son insidieuse violence : minimum de sens, maximummum de code ?

La télévision, sous cet angle, est une dangereuse caisse de résonance pour mimétons en tout genre. « On est bien. Tous ensemble. Si proches. Sans passé, sans avenir : le miracle de l’instant. L’immortalité. Nous. La fine équipe. Les meilleurs. Quelle chance de nous être rencontrés. Nous ne nous quitterons plus. Nous garderons cette chaleur, ce bien-être. Cette griserie. Les autres ? bof… plus à plaindre qu’à blâmer… » « Moi » fragment>et « nous » mythique L’ILLUSION groupale. Un concept du psychanalyste Didier Anzieu (4). Le phénomène est difficile à appréhender en raison de la rigidité du découpage universitaire (sociologie, psychologie…). Mais aussi parce qu’il laisse peu de traces. Même dans la mémoire. Comme tout ce qui se passe dans les groupes et dans les rêves… , l’illusion groupale est en effet souvent l’objet d’une sorte d’amnésie.

Cette articulation décisive entre les idéologies, d’une part, le fantasme des individus, d’autre part est pourtant une clé indispensable si l’on veut réfléchir aux causes de la violence. Les individus déstabilisés dans leur identité notamment lorsqu’ils sont affrontés à l’événement qui surgit, au radicalement neuf , plutôt que d’inventer, se réfugient volontiers dans le passé, se cramponnent à leur groupe. Ils y trouvent, dans la sécurité provisoire d’un rôle, un moi fragment d’un nous mythique. Une prothèse : le traitement palliatif de leur angoisse. C’est dire la dépendance que crée, pour ceux qui y sont « accrochés », cette drogue dure : l’illusion groupale. Et la force de leur agrippement aux opinions ou aux croyances du groupe. Mais aussi, plus insidieusement encore, aux messages diffusés par les Big Brothers de la grande famille cathodique.

Le danger, c’est l’effet de brouillage que l’illusion groupale procure. Savamment manipulée par les dirigeants conservateurs et les grands médias, elle est constamment utilisée pour entretenir la méconnaissance à l’égard de tout ce qui pourrait déranger. A dénier notamment la réalité de l’exploitation, de sa reproduction et de la formidable inégalité des chances au départ dans nos sociétés (5). Groupes à géométrie variable, les Français (« ils ne comprendraient pas que… » ), les jeunes (« il faut les écouter ») sont tour à tour convoqués. Or présenter les « jeunes » précisément, ou les « vieux » comme des ensembles homogènes, c’est masquer les vrais clivages amalgamer les pauvres et les riches par exemple. La télévision étanche ainsi chez chacun, à domicile, une immense soif non avouée, celle de ne pas savoir. N’y voyait-on pas le premier ministre français, M. Alain Juppé, présenter les graves conflits sociaux de décembre 1995 comme une simple « querelle de famille (6) » ?

Le nous peut même être meurtrier parce qu’il fonctionne comme une logique, niant la contradiction, éliminant férocement toute différence. Traversant les classes sociales et occultant leurs luttes, les phénomènes de groupe sont, dans une certaine mesure, redoutablement autonomes. Il y a un maillon manquant dans les analyses d’Hannah Arendt : le totalitarisme pulvérisé des groupes, ciment invisible des Etats totalitaires. Que l’on songe au dérapage meurtrier des révolutions en Europe de l’Est, en Chine, au Cambodge. Au sauvage « en avoir ou pas » (de l’argent), chaque fois s’est substitué le terrorisant « en être ou pas » (du Parti, du groupe dominant). Chaque fois, quelque chose d’essentiel sens, réel ? semble avoir été oublié, dans l’illusion groupale, même par ceux qui avaient un moment voulu « changer la vie pour libérer des êtres ».

Que l’on songe, en outre, à l’expression même de « purification ethnique » : il suffisait pour attester la présence (amplifiée par les médias locaux) de la folie groupale dans la récente guerre des Balkans entre des gens hier encore bon voisins (7).

Les nouvelles technologies de la communication, la « globalisation » (8) et Internet (9) faisant de la planète un « grand village » où règne la « liberté » (celle du commerce), mettent plus que jamais à l’ordre du jour les ruses de l’illusion groupale. De ce point de vue, les partis progressistes, dans l’avenir, auront à se battre sur deux fronts : il leur faudra faire face aux tirs croisés de leurs adversaires, et en même temps déjouer un piège : le sentiment de solidarité chaleureuse, fraternité précaire toujours à l’affût d’une trahison, qui naît immanquablement au sein des groupes menacés. Il ne faut jamais oublier l’expérience classique du professeur Solomon Asch : dans un groupe, pour ne pas se sentir « dissident », 36,8 % de sujets testés à leur insu, faute d’avoir eu le courage de ne pas être dans le ton du groupe, en viennent à nier les données mêmes de leur perception : ils affirment, contre toute évidence, l’égalité de deux segments manifestement inégaux, imaginant qu’ils sont victimes d’une « illusion d’optique » (10). Un groupe politique qui n’est pas prêt à analyser son propre fonctionnement risque de se couper du réel, d’entrer dans l’ère du soupçon et, manipulé par des « porte-parole », obsédé par son « image médiatique », amusant par des « conseillers en communication », de prendre des décisions délirantes. Au-delà des images et des mythes, le projet réel d’un groupe politique est entièrement lisible, jusqu’au moindre détail, dans le fonctionnement même de ce groupe et dans sa capacité à contrer le discours médiatique dominant. En le démasquant.

(1) Cf. « Médias et contrôle des esprits », Manière de voir , no 27, septembre 1995.

(2) M. Aronson, « Does excessive television viewing contribute to the development of dementia ? », Medical Hypotheses, 41

(3) Cf. Max Dorra, « Transerelles et mimétons », in Le Masque et le rêve, Flammarion, 1994, p. 123.

(4) Didier Anzieu, « L’illusion groupale : un Moi idéal commun » in Le Groupe et l’Inconscient. L’imaginaire groupal, Bordas, Paris, 1984, p. 67.

(5) Déni qu’illustre bien la suppression du Centre d’étude des revenus et des coûts (CERC) sous le gouvernement de M. Edouard Balladur. Cf. Laurent Mauduit, « Le thermomètre cassé des inégalités », Le Monde, 9 janvier 1996.

(6) Au cours de l’émission de TF 1 « 7 sur 7 », le 17 décembre 1995.

(7) Bozidar Jaksic, « La faiblesse des élites nationales », Le Monde diplomatique, juillet 1995.

(8) Cf. Armand Mattelart, « Prêt-à-porter idéologique », Manière de voir, op. cit. p. 65.

(9) Lire le dossier : « Internet, l’effroi et l’extase », Le Monde diplomatique, mai 1996.

(10) Ce que le « dissident » ne sait pas, c’est que les autres membres du groupe sont en réalité des compères chargés de donner unanimement à certains moments des réponses fausses. Cité par Paul Watzlawick, La Réalité de la réalité, Coll. « Points », Le Seuil, Paris, 1984, pp. 89-91.

Re: Illusion groupale (D. Anzieu)

par Brnz » 15 avr. 2018 07:28

fxbravo a écrit :
En trading, c'est chacun pour soi. D'où le frein qu'est le groupe pour le développement individuel.

Dans un groupe tu es "prisonnier" d'une fonction dans le groupe. Seul, tu fais ce que tu veux.

:mercichinois: Habi
D'où l'importance d'être son propre employeur. On devrait tous tendre vers cet idéal la. Que ça devienne notre objectif personnel prioritaire.
Mais les peurs créées par les médias nous pousse à rechercher le réconfort du chef de groupe (armée, police, employeur/salaire) etc...
Je pense que le gouvernement a potassé le sujet. Le nombre de pubs sur l'armée :lol2:

Re: Illusion groupale (D. Anzieu)

par Vir2 » 09 juil. 2019 20:55

Bonjour, je suis en train d etudier les differentes phases de la creation d un appareil psychique groupal décrit par Kaes. Je participe à un groupe et je dois illustrer les differents moments par des exemples reels. Est ce quelqu un pourrait m'aider s il vous plait pour me donner une illustration de la phase mythopoeitiques.merci

Re: Illusion groupale (D. Anzieu)

par Amarantine » 09 juil. 2019 21:27

Bonjour , avant de participer au forum, il faut se présenter dans présentation des membres comme l'exige la nétiquette. Cela permet aux membres de mieux répondre à tes questions en connaissant ton niveau, ton expérience et ton compte sera débloqué.

Re: Illusion groupale (D. Anzieu)

par Vir2 » 10 juil. 2019 20:03

Bonjour. Je narrive pas à m enregistrer. Pourriez vous m expliquer sil vous plait comment faire.
Merci.

Re: Illusion groupale (D. Anzieu)

par Benoist Rousseau » 10 juil. 2019 20:17

tu cliques là et tu crées une présentation : présentation des membres

Re: Illusion groupale (D. Anzieu)

par Amarantine » 10 juil. 2019 20:42

Et tu cliques sur "Ecrire un nouveau Sujet" en haut, à gauche de la page.
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