Je suis fermement convaincu qu'on ne change jamais par choix, seulement quand la douleur de ne pas changer est supérieure à la peur de changer.
Cela fait plusieurs mois que je me suis imposé une frugalité absolue dans tous les domaines de ma vie, y compris en trading. Je voulais tester ma capacité à (sur)vivre et me contenter d'aussi peu que possible, et en tirer un enseignement sur ce qui m'est vraiment absolument nécessaire plutôt que puiser dans une corne d'abondance, qu'elle soit financière, sentimentale ou même intellectuelle. Incidemment, je suis également devenu végétarien dans la foulée, moins par choix que par cet objectif de frugalité. Je ne peux que le recommander, devenir végétarien est quelque chose que le corps approuve, mais je ne suis pas un zélote, chacun est libre de ses préférences.
Mon objectif était de découvrir ce qui reste quand on fait taire nos désirs, la plupart conditionnés par un mimétisme social ou nos hormones.
A ce stade de mon récit, j'aimerais pouvoir dire à quel point cette expérience est fantastique et que je suis définitivement convaincu par le mérite d'une vie ascétique. Au lieu de cela, je dirais que ce type d'expérience est nécessaire pour se rappeler de la vanité des choses, mais que la volonté de vie, le Der Wille Zum Leben tel que décrit par Schopenhauer, cette pré-programmation biologique de vouloir vivre, aimer, consommer, s'expanser, ne nous quitte jamais.
Je me suis surpris à acheter la dernière G-Shock de Casio ce matin après avoir feuilleté un GQ. Je n'ai pas réfléchi, 100€ c'est rien et la montre est jolie. Et puis, j'ai ouvert mon tiroir où je
range mes montres (oui, il me faut un tiroir), et je me suis dit que j'étais encore tombé dans le piège. Je n'arrive toujours pas à retrouver une Breitling que j'ai égaré dans un déménagement, et je vais m'encombrer d'une n-ième montre, et en plastique en plus? J'ai annulé ma commande...
Si, finalement, on peut vivre de peu sans souffrance, si la simplicité et la frugalité sont les clés de la libération de l'esprit, comment concilier cela avec une activité qui, 8-10 heures par jour, vise à maximiser l'augmentation d'un capital qui, somme toute, est probablement la façon la plus dérisoire de dépenser son existence si l'argent n'est pas la solution?
Tout simplement parce qu'on se fait chi*er avec une vie raisonnable.
Schopenhauer est un grand esprit, il est le premier vulgarisateur du bouddhisme en Europe, j'adore son "L'art d'avoir toujours raison" dont j'use et abuse, mais il a vécu toute sa vie seul dans une grande maison avec des chats, et il est mort seul. La vie se doit d'être furieuse, elle doit déborder tel un fleuve en colère, on doit devenir tout ce qu'on peut devenir, en jouant des coudes quand il le faut. La vie est une fête, un moment d'existence entre deux éternités de néant, il faut goûter à tout et garder seulement ce qu'on aime en refusant activement ce qui nous déplaît ou nous fait souffrir.
Une chute à cheval ne doit pas nous inciter à devenir piéton, simplement à remonter en selle, apprendre ce qu'il faut éviter, et continuer à chevaucher avec joie et rage.
Comme le disait un de mes boss, "ça fait déjà chi*er d'être pauvre, si en plus il fallait se priver..."
Et cela fait avancer et éviter les certitudes, qui seraient mon pire ennemi.
