Il se peut que par soucis de vulgarisation ou de mauvaise interprétation de ma part, je puisse faire des erreurs. Mon but n’est évidemment pas de travestir la pensée des auteurs et je serais plus que ravi d’en discuter avec vous afin que l’on puisse s’enrichir mutuellement.
A mon sens, le stoïcisme est sans doute la philosophie la plus adapté au trading, c'est pourquoi je vais essayer de développer ce courant davantage.
Responsabilité et impuissance
Ce courant de pensée met un point d’honneur à différencier ce qui dépend de nous de ce qui ne dépend pas de nous. En d’autres termes, on peut voir cela comme une dichotomie entre ce qui fait partie de notre responsabilité, et ce qui n’est pas notre faute. Je suis responsable de mon comportement, de mes actes. Mais il ne dépend pas de moi, d’être grand ou beau par exemple.
La nuance entre ce qui n’est pas notre faute et ce qui est de notre responsabilité n’est pas forcément évidente. En outre, il peut s’avérer plus facile de fuir sa responsabilité, de considérer que cela n’est pas notre faute, afin de protéger son égo. Et pourtant, la compréhension de cette nuance est primordiale.
Certains aspects du trading ne sont effectivement pas de notre responsabilité, à l’instar des cygnes noirs qui ont un caractère imprévisible. Toutefois, même si ces décalages de cours ne sont pas notre faute, il est tout de même de notre responsabilité d’en avoir conscience et de prendre des mesures pour s’en protéger. C’est notamment le rôle du Money Management.
Dans le même temps, le trading étant un univers probabiliste, le résultat d’un trade ne dépend pas de nous une fois qu’il est ouvert, mais bien du marché. C’est le marché qui décide s’il nous donne tort ou raison. En ce sens, on ne devrait ni s’enorgueillir d’un trade au résultat positif, ni s’apitoyer d’un trade au résultat négatif si celui-ci a été pris selon sa propre méthode. En effet, d’après les stoïciens on ne devrait pas être affecté par ce qui ne dépend pas de nous, puisque par définition, nous n’avons pas d’emprise dessus.
C’est alors en comprenant ce qui n’est pas de notre faute et ce qui fait partie de notre responsabilité qu’il est possible de l’accepter. Puisque reconnaître sa responsabilité permet de comprendre que nous avons un impact sur la situation. Il est alors dans notre capacité de modifier cette situation afin de la rendre satisfaisante. Au contraire, quand cela n’est pas de notre faute, il est totalement inutile de s’apitoyer sur son sort, de s’énerver. Il convient alors d’accepter ses propres limites, son impuissance.
Faut-il pour autant considérer le Stoïcisme comme une philosophie de la passivité ? Dans le sens où il faudrait accepter que parfois nous sommes impuissants. Faut-il pour autant accepter les injustices, que quelqu’un nous manque de respect, etc ?
Ainsi, cela va à l’encontre d’une philosophie de la passivité et donc qu’il ne faut pas tout accepter. Il convient selon les Stoïciens de déterminer notre impact sur la situation dans un premier temps. Puis dans un second temps de s’activer à changer ce qui peut l’être, et cela, à notre propre échelle.« Que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre»
Croire que l’on puisse changer le monde tout seul est ainsi potentiellement irréaliste. Toutefois, ne pas agir pour changer son environnement proche va à l’encontre de la philosophie Stoïcienne. Je trouve qu’une citation de Tupac illustre bien cette nuance
Par conséquent, nous avons le choix d’agir à notre propre échelle, ou bien laisser tomber. Mais dans ce deuxième cas, je ne fais pas ce qui dépend de moi, j’abandonne. C’est alors un renoncement par égo, dicté par ses émotions, un aveu d’impuissance. Or, les personnes qui accomplissent de grandes choses, qui se dépassent, ne s’embarrassent pas de ce qu’elles ne sont pas capable de faire. Elles ne se préoccupent que de ce qu’elles sont capable de faire et investissent toute leur énergie dans cette direction.« Je ne suis pas celui qui changera le monde, mais je suis peut être celui qui déclenchera le déclic chez celui qui le fera »
C’est d’ailleurs en se concentrant sur ce qu’on ne peut pas faire que l’on risque de se contenter d’être passif, tout en souffrant de la frustration lié à cette passivité.
En somme, les Stoïciens nous incitent à agir sur notre environnement tout en restant réaliste sur la portée de nos actions. En outre, ce n’est pas parce que notre impact nous parait limité que nous ne devrions pas le faire malgré tout, ce n’est pas une excuse.
La distinction entre notre responsabilité et notre impuissance ne concerne pas uniquement nos actions, mais également nos émotions. Ressentir des émotions ne dépend pas de nous, et il n’est pas possible de ne pas en ressentir. Cependant, il est de notre responsabilité de choisir de se laisser aliéner par ses émotions ou au contraire de chercher à les maîtriser.
La maitrise de ses émotions
Par exemple, si je suis jaloux de mon voisin, car il a fait construire une magnifique piscine carrelée par Baechler, cela n’est dû qu’à une projection de mon esprit. En l’absence de voisin, ou s’il n’avait pas quelque chose que je ne possède pas, je ne ressentirai pas cette jalousie. La responsabilité de cette émotion, cette jalousie, n’est donc imputable qu’à moi.
Pour les Stoïciens, cette manière de pensée est erroné. Si on est en colère, c’est car on est incapable de se maitriser, de maitriser ses émotions. Le « chauffard » n’est alors qu’une excuse pour se cacher derrière notre incapacité à maitriser nos émotions.Je ne suis pas d’accord avec cela. Si par exemple on me fait une queue de poisson sur l’autoroute, et que cela me met en colère. Cette colère ne dépend pas de moi, mais de ce chauffard qui ne sait pas conduire !
D’ailleurs, les émotions en soit sont des aberrations logiques, puisqu’elles ne résolvent jamais les problèmes qui en sont la cause. Ces émotions nous rendent esclave, car nous ne choisissons pas de les avoir. En outre, nous les subissons, car avec le prisme de nos émotions nous ne voyons plus la réalité de manière lucide. Ainsi, il est indispensable de faire l’effort de les maitriser.
C’est par ce travail permanent qui consister à lutter contre ses émotions que l’on peut parvenir à la sagesse et donc connaitre le bonheur.
Adéquation désir - bonheur
Les Stoïciens estime d’ailleurs que le bonheur n’est pas lié à la satisfaction des désirs, c’est même l’inverse, car nos désirs ne dépendent pas de nous, ils ne sont pas de notre responsabilité. Le désir se traduit par un manque d’un objet extérieur, je désir ce que je n’ai pas. En désirant, je prouve que mon bonheur dépend de cet objet et donc qu’il ne dépend pas de moi. Or, le bonheur dépend bien de nous.
En fumant une cigarette, à la suite d’une envie pressante de m’en griller une, je n’assouvi pas réellement ce désir. Puisque peu de temps après, ce désir se fera à nouveau sentir. Fumer cette cigarette ne me rend donc pas heureux, elle est juste là pour combler un manque. Ainsi, le véritable bonheur, c’est de ne plus dépendre de ses désirs. Le bonheur, c’est de ne plus désirer. Le bonheur c’est d’être libre.
Ainsi, en ce sens, on ne devrait pas laisser place à ses pulsions dans le trading, à son désir de prendre un trade. On ne devrait agir que lorsque cela respecte notre méthode, et non pas à chaque fois que nos désirs nous le dicte.
Ce qu'il faut retenir
Pour résumer, le stoïcisme incite à l’humilité. Il convient de déterminer ce qui dépend de nous, de ce qui ne dépend pas de nous. Il convient alors de faire de notre mieux quand cela est de notre responsabilité, et d’accepter son impuissance quand nous n’avons aucun impact. Par ailleurs, il est nécessaire de maitriser ses émotions et de ne pas être aliéné à ses désirs pour être heureux.
Pour faire le parallèle avec le trading, il est conseillé également de museler ses émotions afin de rester lucide et d’être capable d’observer de manière objective les graphiques. Or, tout ceux ayant tradés en réel savent à quel point le trading fait surgir des émotions (colère, frustration, peur du manque), etc. C’est ainsi un travail, une discipline quotidienne pour s’en émanciper.
En outre, notre réussite dans le trading va dépendre de notre capacité à mettre notre égo de côté. Si je perds de l’argent, ce n’est pas la faute des marchés, mais bien de ma responsabilité, il faut donc que je travaille sur mes lacunes pour pouvoir m’en affranchir.
Enfin, c’est en se débarrassant de ses désirs monétaires qu’il sera par exemple possible de se libérer de la pression que l’on se met et par extension de la peur du manque, source importante de perte. De plus, il convient de ne pas trader impulsivement, à chaque fois que l'on en ressent le désir, ce qui revient au final à faire du trading casino, aux antipodes du trading rentable.