J'ai passé l'équivalent de mon BTS avant de partir étudier à New York dans une université privée. Ils n'ont pas accepté mon équivalence de diplôme – c'est pourquoi j'ai dû passer trois années pleines là-bas. Les frais s'élevaient à environ 53 000 $ par an. Ma mère et moi avons demandé un prêt auprès d'une banque privée nommée Sallie Mae. Tous les Américains connaissent cette banque.
En 48 heures, j'avais 30 000 $ sur mon compte en banque. C'était dingue, je n'avais jamais possédé autant d'argent. Je me rappelle qu'après avoir payé mes frais, il ne restait plus rien, comme si je n'avais jamais vraiment eu tout ce blé. Je n'en ai pas du tout profité. À la place, j'ai eu un job à mi-temps que j'ai poursuivi pendant toutes mes études.
Je suis partie m'installer à Berlin le jour de ma cérémonie de remise des diplômes. Mon échéance a été repoussée d'un an, puis mes parents l'ont repoussée encore un peu, grâce à ce qu'on appelle la short grace period [où l'on autorise à décaler le début de remboursement du prêt] qui dure en général entre six mois et un an. Quand nous avons demandé à prolonger cette période, nous avons rencontré pas mal de réticence, parce que mes prêts venaient de plusieurs banques en simultané. Je n'ai jamais remboursé les prêts fédéraux. Heureusement, mes parents n'ont pas cosigné. La seule chose qui m'inquiète dans mes dettes, c'est que mes parents puissent un jour être impliqués. Pour être franche, j'en ai rien à (mot censuré merci de rester poli) des prêts à mon nom.
L'année dernière, je travaillais dans un restaurant chic à Berlin et me suis fait pas mal de fric en pourboires. Pendant dix mois, j'ai remboursé certains des prêts. Je ne travaille plus là-bas aujourd'hui – donc j'ai dû arrêter.
Les collecteurs de dettes ne sont pas venus me chercher à Berlin. Ils ne m'ont pas trouvée. Quand je rentre chez mes parents, le téléphone sonne sans arrêt. Je me dis toujours que c'est un ami à moi qui veut qu'on aille boire un verre, mais c'est toujours Sallie Mae. Dès que je suis sur le territoire, ils appellent toutes les heures.
J'ai honte d'avoir mis mes parents dans cette situation. Je ne voulais vraiment pas ça pour eux. Quand j'ai voulu aller à l'université, je ne pensais pas que ça se passerait comme ça. Je me disais qu'ils seraient fiers de moi. Je suis la première de ma famille à être sortie diplômée d'une université. Aujourd'hui, je me dis qu'aller étudier dans une fac privée new-yorkaise n'était peut-être pas la meilleure idée du monde. J'aurais pu aller ailleurs et décrocher un diplôme en sciences politiques ou en histoire et emprunter genre 50 000 dollars.
Quand je ne gagne pas d'argent, je ne peux tout simplement pas rembourser mon emprunt. Je dois aussi manger et vivre, pas seulement être l'esclave de cette dette. Quand j'y repense, je ne vois pas ce que j'aurais pu faire différemment.