L’euro bondit de plus de 2 % alors que la bourse de Paris chute de 1,8 %. Le marché mettait beaucoup d’espoir dans la réunion de la Banque centrale européenne. Mais les annonces sont jugées insuffisantes.
Le 22 octobre dernier, les propos de Mario Draghi avaient enthousiasmé les marchés . Il avait annoncé que le degré d’assouplissement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne allait être réexaminée en décembre. Cela avait entraîné une chute de 1,84 % de l’euro et un rebond de près de 5 % de l’indice CAC 40 en deux jours. Depuis le 22 octobre, les marchés financiers s’étaient laissés bercer par cet espoir d’un nouvel assouplissement monétaire, imaginant 1001 façons de relancer la machine dans la zone euro pour réveiller l’inflation et soutenir la croissance. Les attentes du marché étaient donc très élevées, gonflées notamment par les discours des colombes de la BCE, sur l’air de « vous allez voir ce que vous allez voir ». Et les marchés ont attendu, ils ont vu et ils ont été déçus.
L’euro s’envole à plus de 1,08 dollar
Avant même la fin de la conférence de presse de Mario Draghi , les marchés actions européens se sont effondrés. L’indice CAC 40 qui gagnait jusqu’à 1,43% ce matin, recule actuellement de 1,82% à 4.816 points. Il est même descendu jusqu’à 4.747 points (-3,22 %) en pleine conférence de presse. L’euro Stoxx 50 perd de son côté 1,9 %. Surtout, l’euro s’envole à plus de 2 % à 1,0803 dollar, son plus haut depuis le 5 novembre. Il s’est même approché de 1,09 dollar. On observe aussi un net regain de tensions sur les marchés de la dette en zone euro. Le taux d’emprunt allemand à 10 ans a ainsi vu son rendement passer de 0,470 à 0,568 %, alors que le dix ans français est remonté de 0,785 % à 0,916 %. Les rendements des pays périphériques ont aussi bondi de plus de 20 points de base.
Il y a quelques jours, Lucy O’Carroll chez Aberdeen AM, remarquait que « les banques centrales sont susceptibles de rester d’avis, huit ans après le déclenchement de la crise financière que le risque d’en faire trop peu excède le risque d’en faire trop ». Visiblement la BCE pourrait avoir pris le risque d’en faire trop... peu. Certes, la BCE a décidé, comme attendu d’abaisser son principal taux directeur, le taux de dépôt au jour le jour à -0,30 %. En taxant, à hauteur de 30 centimes pour chaque tranche de 100 euros, les banques qui déposent de l’argent dans ses coffres d’un jour à l’autre, elle espère les inciter à prêter davantage aux ménages et entreprises pour revigorer l’économie. Mais elle n’a dit mot d’un mécanisme à deux niveaux permettant de taxer les banques en fonction de leur niveau de réserve auprès de la BCE.
Doutes sur l’effet du QE
Elle a aussi annoncé un prolongement de ses rachats de dette, mais sur une durée de six mois, là où certains espéraient une durée supérieure. Cela représente tout de même un volume d’achat supplémentaire de 500 milliards d’euros. Mais le problème pour les investisseurs vient plutôt de ce qu’elle n’a pas fait. Certains espéraient une hausse du montant des achats mensuels. Le statu-quo pourrait ainsi être perçu comme un signe de la difficulté de la BCE à agir et à trouver du papier sur le marché obligataire.
La BCE a pris le risque de ne pas en faire trop, alors même que les investisseurs continuent d’avoir des doutes sur les effets du QE sur l’économie de la zone euro et notamment sur l’inflation. En novembre, l’inflation a stagné à 0,1 %, bien loin de l’objectif moyen terme que s’est fixé Francfort. Lors de la réunion de son comité monétaire, la BCE a même légèrement abaissé ses prévisions de hausse des prix pour la zone euro en 2016 et 2017! Pas sûr dans ces conditions que le message de Mario Draghi, « Nous en faisons plus parce que ça marche, pas parce que c’est un échec », soit remonté jusqu’aux oreilles des marchés pas unanimes
Les investisseurs se demandent aussi si cette frilosité de la BCE ne symbolise pas aussi les dissensions à l’intérieur de l’institution, même si la Bundesbank s’est moins faite entendre ces dernières semaines, « Non, elles n’ont pas été unanimes mais il y a eu une très large majorité en faveur de ce paquet (de mesures). Très large », a d’ailleurs tenu à souligner le patron de la BCE. Les prochaines minutes de la BCE seront peut-être révélatrices des doutes d’une partie des membres du FOMC.
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