Les propos de Pierre Rabhi sont sains et justes. La question que tu soulignes des contraintes de la croissance infinie va modeler notre futur. En effet comment gérer l'aspiration des peuples et plus précisément des 7,5 milliards d'entre nous à mieux vivre ?
Cette notion de mieux vivre bien que très diverse, contient le plus souvent une nécessité de ressources accrues, et parfois selon les régions dans des proportions extrêmes, x10, x20, x50... compte tenu du niveau de dénuement initial.
Vouloir réduire cette demande globale est envisageable mais extrêmement difficile lorsque l'on parle des sociétés sophistiquées (en gros les pays occidentaux), mais les efforts de quelques millions de citoyens, utiles et nécessaires, ne pèseront qu'extrêmement peu face aux milliards qui aspirent aux "standards occidentaux".
Je ne suis plus étonné, lors d'entretiens de recrutement avec des indiens, pakistanais, philippins etc issus de bonnes universités, d'entendre la sempiternelle question/attente lorsque nous abordons les conditions salariales "as per your group standards".
Le fameux "standard" qu'il soit européen, américain, canadien, australien... objet de tous les rêves, de toutes les convoitises, de tous les efforts.... et de toutes les illusions.
Disons le brièvement, cette quête ne s'assèchera jamais à l'échelle de la planète. Ou, image inverse, c'est un tsunami d'une énergie incommensurable. Ils ont faim et soif de quantité de choses... d'ailleurs très variées; consumérisme, équilibre démocratique, sexualité, rupture partielle de traditions, accomplissement personnel etc
Et c'est face à cette énergie globale débordante que nous nous situons.
Vouloir réduire cela sera en revanche peine perdue
(Dans le livre de J Tirole, voir le chapitre sur les problématiques internationales de la réduction du CO2)
L'idée de la décroissance relève du néo-malthusianisme. Face à elle, c'est celle d'un productivisme intelligent qui s'érige, comment faire plus avec moins, le développement durable. C'est partiellement une course à l'innovation technologique, au changement des consciences puis des habitudes.
En termes de marché, si l'on ne peut agir sur la demande, tentons de modifier et d'adapter l'offre.
C'est une approche pragmatique.
En second point, et ce n'est pas pour défendre un clocher, mais je m'inscris en faux sur la quête primaire des entreprises à TOUJOURS privilégier le profit au détriment des hommes.
Il y a trois raisons de natures différentes pour lesquelles ceci n'est que partiellement vrai (qu'à contrario on pourra inverser dans certains cas pour démontrer le contraire)
1. Les entreprises sont parfois dirigées par des hommes et des femmes, des vrais, à qui l'on peut donner une poignée de mains ou un coup de poing. Ces entreprises là, le plus souvent de petite taille mais cela va jusqu'à michelin et équivalent, ont un véritable sens du devoir social.
Si, si... je ne plaisante pas. Hélas, dans les boîtes patrimoniales, on trouve quand même aussi une bonne proportion de dirigeants "profiteurs".
Ces entreprises sont gérées sur des générations et elles sont fortement ancrées dans leur territoire, quand bien même certaines se sont développées fortement à l'international. Dans certaines de ces boîtes, il y a un attachement émotionnel important de l'actionnaire, des dirigeants à tous leurs collègues.
Cela peut même parfois aller jusqu'à couler la boîte, faute d'avoir pu prendre des décisions humainement trop difficiles.
Dans ces boîtes, le profit est bienvenu et son augmentation est plutôt vécue comme une métrique d'une performance nécessaire. Lorsqu'elles sont bien gérées les profits sont pour bonne part réinvestis dans la continuité, la préparation du futur, de la croissance comme source d'équilibre... C'est une forme de partage commensal.
(Je suis dans un tel environnement, groupe patrimonial. A contrario, je connais un jeune ingé qui souffre beaucoup de diriger une usine dans un groupe dirigé par des "financiers" )
2. La quête du bien-être des salariés comme source de performance
C'est l'apanage de nombre d'entreprises leaders. Cette catégorie est intéressante car le bien être des salariés n'y est pas une finalité mais un moyen ! C'est une solution rationnelle au développement des profits qui effectivement est la véritable finalité.
Ces entreprises là ont compris, mieux que d'autres, que la clé des performances se trouvait dans les équipes, le savoir faire etc...
La clef pour intégrer et rester dans ces entreprises élitistes: les compétences individuelles fortes.
(On en revient à la notion des "1%"....)
3. La pression du marché (pas des actionnaires)
Parfois, c'est minoritaire et ne s'adresse qu'aux marques fortes sensibles à leur image globale et grand public, le marché pourra exercer une pression salutaire (cela ne concerne donc pas les sous-traitants, toutes les entreprises "no -name" etc). Un traitement correct des ressources humaines sera alors de bon ton, comme dans le point précédent afin de satisfaire à d'autres objectifs intermédiaires, eux mêmes nécessaires pour parvenir à la finalité, le développement des profits.
La quête du profit, bien qu'indispensable à toute entreprise qui veut survivre sur le long terme, est donc une réalité complexe qui ne saurait se réduire à un antagonisme actionnaire/employé ou argent/bien être. Tous les profils d'entreprise se côtoyent, des vampires sans vergogne aux altruistes humanistes, en passant par toutes les couleurs intermédiaires. Malheureusement force est de dire que celles qui ont une vision étroite de leur finalité sont surnuméraires.
Toutefois, face à l'âpreté de la compétotoon cela a tendance à évoluer progressivement dans le bon sens (mais de nouveau pour des happy fews), les dinosaures doivent s'adapter ou s'éteindre et disons-le, on ne sera pas mécontent que certains meurent.
NB: bien que membre d'un Medef régional, je ne participe pas aux réunions, trop de dinosaures à la cervelle figée et rabougrie.