Voilà….l’aventure est finie.
Un an de préparation. Un an de doutes, d’entrainements, parfois à la limite du
raisonnable.
Un an à attendre ce départ hallucinant, avec 2700 autres fous furieux à la « Ravine Blanche » à St Pierre.
Un an à espérer pouvoir arriver au stade mythique de « la Redoute » à St Denis et arborer le non moins mythique t-shirt « J’ai survécu ».
Jeudi 19 octobre, 22h00, le départ est donné, ambiance indescriptible. Les premiers parcourront les 15 premiers km en 1h13mn, 12,5 km/h et avec un sac à dos ! À cette allure, un marathon est bouclé en moins de 3h30mn !! Seulement là, il faudra encore faire plus de 150km et 10000m de dénivelé…….
J’avais prévu de partir à 8km/h Impossible, ça pousse tellement, que je me retrouve à près de 10km/h, la chaleur est accablante….. À 2 reprises, je prendrais un méchant coup de coude en me faisant doubler par un amusant, qui peut être lui aussi n’a pas fini……..pitoyable !
Après 7km, nous arrivons à la sortie de St Pierre, nous allons prendre 600m de dénivelé jusqu’au km 15. Beaucoup beaucoup de monde encore à nous encourager.
1er ravito : plus grand-chose à se mettre sous la dent, on prend ce qu’il reste….dur.
Le rythme s’est assagi et déjà les premiers sont loin, on voit leurs frontales loin au-dessus de nous, annonçant le dénivelé impitoyable de la première grosse difficulté : 10km, 1000m de dénivelé.
Des passages dantesques, constitués de « marches » faites de rondins et/ou de pierres d’une hauteur de 20 à plus de….. 80cm de hauteur et bien sûr, pas horizontales.
Après le départ, où il a fallu courir beaucoup plus vite que prévu, 2ème galère, ça bouchonne. Nous sommes sur un sentier très étroit, avec des passages acrobatiques, parfois dans une pente extrême. Résultat, 2km parcourus en 2h, à l’arrêt parfois près de 10mn…. Le chrono continue, cependant de tourner, nous approchons dangereusement des barrières horaires. Plus question de trainer, il faut rattraper le temps perdu et se reconstituer un petit capital temps de sécurité.
Les 800m de dénivelé suivant seront « avalés » en un peu plus d’1h30. Epuisant….mais nous aurons remonté plus de 500 concurrents. Grosse grosse erreur, nous allons nous en apercevoir au ravito suivant…..
2ème ravito, dur dur, pareil, plus grand-chose à manger. Je suis trempé de sueur, à 5h du matin à 1600m d’altitude, la température a chuté de façon spectaculaire et là, on nous annonce qu’il n’y a plus d’eau et plus de soupe. Reste que du Coca…..3h avant le prochain ravito à boire ce breuvage infâme !
Il faut repartir, de nouveau 800m de dénivelé. Nous continuons à bonne allure. Je sais qu’après le prochain ravito, on pourra lever le pied.
Le jour se lève, très vite à cette longitude. Le spectacle est magique, nous apprécions, sporadiquement, le paysage, nous arrivons, tout de même à en prendre plein les yeux.
Nous arrivons au 3ème ravito en aillant refait une belle partie notre retard. On décompresse un peu. Là, j’ai la mauvaise idée d’avoir la tête qui tourne et de chanceler…..début des e.m.m.erdes !
Je me retrouve allongé par terre, vous connaissez la suite. Le médecin ne voudra jamais me laisser repartir.
Comme convenu, avant le départ avec ma chérie, je lui dis de continuer seule. Au moins qu’un des 2 arrive à St Denis. Un gros bisou, un grand sourire et je la pousse hors de la tente médicale en lui disant de filer, que tout va bien, que je serai au stade de la Redoute pour l’accueillir à l’arrivée. Je sais, déja, qu'elle n'ira pas au bout...
Je lis la tristesse sur son visage et vois ces yeux s’embrumer….. de plus, elle a peur du vide. La reconnaissance que nous avions faite, 4 jours plus tôt au Maïdo, 2ème grosse difficulté, avait été impitoyable, 15km avec près de 2000m de dénivelé sur un chemin faisant, parfois, tout juste un mètre de large avec le vide, de plusieurs centaines de mètres, au bord, sans moi, à qui elle fait une confiance aveugle, je savais qu’elle ne passerais si je n'étais pas là……qu’importe, je lui fais des grands signes d’encouragement. Elle se retourne une dernière fois, je lui souffle un baiser sur ma main avec mon plus beau sourire, elle disparait sur le chemin….
Je retourne à la tente médicale, on me coupe mon bracelet de course du poignet, on m’enlève mon dossard ainsi que la « puce » accrochée à mon sac à dos…….je me sens sali, humilié.
Ma tête explose, je sais que la course est finie pour nous 2, je suis seul, au milieu de nulle part, livré à moi-même….on ne s’occupe pas des loosers. Je termine à genou derrière la tente médicale à sangloter comme un môme et finirais par vomir les restes de Coca bu les 3 dernières heures et que mon estomac n’a pas pu digérer !
Ma chérie abandonnera quelques heures plus tard. La fatigue, la tristesse et le vide auront eus raison de son courage.
Bilan :
Nous avons vécu une expérience formidable. Nous avons puisé dans des ressources que nous ne savions pas exister en nous.
Nous avons rencontré des gens formidables, des bénévoles fabuleux, d’un dévouement sans bornes.
Nous avons fait la connaissance et sympathisé avec des personnes de qualité.
Nous sommes allés au stade de la Redoute, à l’arrivée, pour récupérer nos sacs de course. Nous avons croisé et parlé avec d’authentiques champions, dont un qui finissait sa 8ème « Diag », d’une modestie et d’une simplicité sans pareil.
Des héros anonymes, discrets. Autant en arrivant sur ce stade j’ai eu un pincement au cœur, autant je suis reparti apaisé d’avoir vu ces femmes et ces hommes qui après 40, 50, 60 heures et plus d’efforts dantesques, ne se la « pétait » pas.
Le dépassement de soi, l’effort gratuit, rien d’autre qu’un rendez-vous avec soi-même. J’ai vu des gens en grande souffrance sur le parcours, j’en ai fait partie et toujours, une parole d’encouragement, une tape dans le dos de celui ou celle qui me doublait à ce moment-là.
Le premier a terminé la course en un peu plus de 23h, le dernier en 66h10mn. Ils ont connu la chaleur écrasante, le froid dans les hauteurs, la soif, la fatigue, le doute. Je vous admire et vous respecte profondément.
Le seul point noir ? Des carences, assez graves au niveau de l’organisation et de l’agence de voyage qui nous a vendu le « package » (nous avons loupé l’avion du retour). Je n’en dirais pas plus, ce n’est ni le lieu ni l’objet de cette file.
Serions-nous allés au bout de cette course sans certains avatars ? La probabilité est très faible pour poser une réponse affirmative tellement cette épreuve est dure, mais qui sait ? Entre la reconnaissance 3 jours avant la course, la course par elle-même et la rando que nous avons fait la semaine suivante, nous avons fait la moitié de cette « Diagonale »
Sinon, ce séjour Futures un enchantement. Des gens gentils partout, des paysages à couper le souffle. Les photos de mes 2 « relayeurs » ne donnent qu’un modeste aperçu de la réalité.
Nous revenons « différents » de ce séjour et l’expérience que nous avons vécue nous laissera des souvenirs indélébiles.
Nous avons souffert un an pour nous préparer, nous avons réussi à prendre le départ, nous sommes allés au bout de nos forces, au bout de nos rêves.
Tant que l’Homme sera capable de tels dépassements, de telles abnégations, je continuerai à croire en un monde meilleur pour tous.
Retournerons-nous à la Réunion ? Nous en avons très envie.
Retenterons-nous notre chance sur la diagonale ? Nous ne nous posons pas la question aujourd’hui, mais demain qu’en sera-t-il ? Forcement que nous nous la poserons un jour, d’autant que nous venons, aujourd’hui, de nous inscrire au « Grand raid du Morbihan 2018 » et ces 177km……
Enfin, pour conclure, un grand grand merci à tous pour vos encouragements et pour vos messages de soutien dans les moments difficiles. Vous nous avez été d’une aide incroyable !
Nous vous remercions du fond du cœur !
Pedro, Laurent C et Sylvain P un grand merci spécial pour avoir été nos messagers tout au long de cette file.