Je suis désolé de ne pas prendre ni donner de nouvelles mais je suis super occupé par une sorte de reset initié à mes yeux par l'irruption du trading et d'Andlil dans ma vie, en 2014.
Les changements que je vis sont bouleversants (psycho, couple, boulot), j'ai parfois l'impression d'enfin devenir qui je suis, parfois celle de me perdre complètement. Je pense, je crois, que cette crise est très très positive et je suis extrêmement reconnaissant envers Benoist, c'est beaucoup grâce à lui que je suis ce chemin.
Voici un petit texte que j'ai envie de partager ici.
J'espère que vous allez bien, Benoist, ZeBlob, Chad, Florine, Miju, Scoualpinge, Sobear, Amarantine, AirOne... je me sens loin mais je ne vous oublie pas.
Merci pour votre passage ici !
Renaud-C
La crème de la crème
Je souffre d'une maladie de peau bénigne mais très impressionnante. Elle n'est pas douloureuse, je ne sens pratiquement rien, au plus de vagues démangeaisons, ce n'est pas contagieux. Mais comme j'aimerais à la place un truc douloureux invisible ! Ou au moins à un endroit facilement recouvrable d'un vêtement, soit partout sauf au visage. Souvent je m'imagine des marchandages avec je ne sais qui : ok, un truc qui fait mal, qui saigne, qui empêche de dormir ou qui fait boiter, mais ailleurs : sur la poitrine, les jambes, le dos, n'importe où, même sur le cou, avec un foulard je me débrouillerais. En fait je préfèrerais souffrir de n'importe quoi d'autre, mais c'est peut-être ce que pensent tous les malades de leur maladie.
J'ai vu cent médecins, pris tous les médicaments possibles, essayé toutes les crèmes, c'est peut-être ce qui me réussit le moins mal, les crèmes, une certaine notamment qui, appliquée très régulièrement, fait parfois un peu d'effet. Cette dermatite serait hautement psychosomatique, ce qui me fait une belle jambe car j'ai également consulté mon lot de psychothérapeutes. Une belle jambe, deux même, pas une rougeur, pas un bouton, rien, le nez et les mains c'est autre chose. Suivant des circonstances que j'ai du mal à identifier mais qui, grosso-modo, je m'en suis quand même rendu compte, sont liées à mon état de stress et au taux de l'humidité de l'air (plus il est sec, moins ça va), les ailes de mon nez et les articulations de mes doigts présentent un mélange de zones ultra sèches (avec desquamation : des espèces de pelures qui partent au grattage) et, croyez-le ou non, de zones hyper grasses et suintantes, avec des pustules rouges que je perce et désinfecte. C'est totalement dégoutant et au plus fort des crises (le tout marche par crises), j'ai le pif littéralement explosé. Les gens dans la rue doivent se demander à quel âge j'ai dû me mettre à boire pour être aujourd'hui dans cet état. Les crises apparaissent globalement en cas de fort stress (travail, famille, amour quand j'en ai) et de climat sec, pour autant elles sont imprévisibles, un excellent voyage d'un mois en Inde avec un ami, et en période de mousson, n'avait par exemple eu que très peu d'effet positif. Bref, j'ai renoncé à comprendre le truc et suis assez fier, en fait, de commencer à accepter les choses : j'ai un nez répugnant et tant pis si c'est le premier organe que les autres voient chez moi, c'est la vie. Quant à mes mains, j'arrive à les cacher dans mes poches, sous les tables, dans des gants bien sûr dès qu'il fait froid. Notez que si elles étaient montrables, je pourrais m'en servir pour me cacher le nez, de temps en temps, en faisant semblant de me masser les tempes par exemple, ce que je fais souvent quand il fait assez froid pour pouvoir porter des gants.
Côté vie amoureuse, cela ne donne évidemment rien de folichon. Pour aller vite, rares sont les femmes qui peuvent supporter cette énormité et j'ai tendance à ne pas supporter celles qui le pourraient. Et contrairement à ce qu'on pourrait penser, à ce que j'ai espéré aussi, une relation sentimentale et sexuelle suivie, j'en ai eue tout de même, s'étalant même sur plusieurs semaines, ne change rien à l'affaire. Au contraire, mon état empire en général quand les choses semblent s'installer.
Jusqu'à ce que je rencontre Lætotoa. Ah, le très rare e dans l'a ! Lætotoa est une fille incroyable, elle fait l'unanimité, tous mes copains, je dis bien tous, la détestent. Elle serait profondément égoïste, ne penserait qu'à elle et me mènerait par le bout du nez se désolent-ils avant de s'excuser pour l'expression. Je suis assez d'accord avec eux. Lætotoa est égoïste, c'est sûr, elle a autant de cœur qu'un rail d'autoroute, c'est probable, elle s’intéresse principalement à elle et ne fera jamais rien passer avant sa brillante carrière, surtout pas une relation amoureuse : tout le monde en convient, elle la première, et sans la moindre gêne. Un jour, au début de notre relation, je lui disais que je lui trouvais un côté princesse, que, petite fille, je l'imaginais ultra gâtée par son père, que celui-ci devait tout lui passer, la couvrir de cadeaux à chacun de ses caprices. J'adoptai un ton moqueur mais pas trop, avec Lætotoa, je suis souvent dans mes petits souliers. Elle m'avait répondu, pas du tout impressionnée par tant de perspicacité : Bien sûr mon père est comme ça, et c'est toujours le cas.
C'est une égocentrique infinie mais je lui trouve un côté honnête qui fait qu'elle ne s'en cache pas.
Eu égard à ma maladie, j'ai cru au départ qu'elle s'en fichait complètement, que le nez n'était pas un truc auquel elle prêtait attention chez un homme, et bien pas du tout. J'ai eu peur ensuite qu'elle exige de moi que je fasse absolument quelque chose pour me débarrasser de cette horreur : pas du tout non plus. Lætotoa a abordé une seule fois le sujet : elle m'a dit qu'elle trouvait mon nez vraiment dégoutant et qu'elle se demandait comme je faisais pour le supporter. Je n'ai rien répondu, elle se posait la question à elle-même, pas à moi… Lætotoa d'une manière générale ne pose pas beaucoup de questions aux gens. Dans cette même discussion, elle m'a dit qu'elle se savait extrêmement maigre, sans me demander non plus ce que j'en pensais. C'est vrai qu'elle est très maigre et n'a pas beaucoup de formes, cela ne me dérange pas du tout. Je crois même que j'aime bien les femmes légères. Pour elle ai-je pensé, dire ça à ce moment, c'était peut-être dresser ce constat : Je n'ai ni (mot censuré merci de rester poli) ni sein, tu as un nez horrible, celui qui n'est pas content peut se barrer. C'est comme ça que j'ai pris les choses.
Niveau sexe, tout va plutôt bien avec Lætotoa, plutôt très bien même, avec un accord tacite : elle ne m'embrasse pas le visage, elle sait pourtant que je ne suis pas contagieux.
Je n'ai jamais été avec une femme aussi légère, c'est troublant, elle n'est pas très grande et je peux la déplacer facilement, la soulever, la tourner. C'est très troublant. Troublant aussi : dans la vie de tous les jours, Lætotoa est très dominatrice, j'en suis maintenant tout à fait conscient, c'est elle qui décide, presque tout et tout le temps, mais, la nuit, elle aime se laisser faire et je me suis découvert un côté dominateur. Vraiment troublant. Je n'ai pas fini d'explorer cette nouveauté. Oui, le sexe marche bien entre nous.
À ce stade on pourrait penser que nous formons un beau couple. J'ai écrit « beau » ! Pourtant ni elle ni moi ne sommes beaux. Un beau couple, c'est ce que j'ai pensé, assez longtemps même, contre l'avis de tous ceux à qui j'ai présenté Lætotoa. Pourtant il ne faut pas que je reste avec elle, aujourd'hui je le sais. Si je regarde la vérité en face, et il faut absolument que je regarde enfin la vérité en face, cela donne ça : nous nous voyons très peu, et uniquement quand Lætotoa le décide. Tout simplement, c'est Lætotoa qui décide tout : quand, où, combien de temps nous nous voyons. Moi je pourrais la voir tous les soirs, je suis libre tous les soirs. Lætotoa elle, peut rarement, elle a du travail, des réunions qui se terminent tard, des « gens à voir ». Elle est capable d'annuler une visite au dernier moment ou au contraire de passer chez moi sans prévenir pour ensuite retourner dormir chez elle « car c'est plus pratique ». À chaque fois je lui trouve des excuses : ok, elle est un peu spéciale et pas vraiment disponible, mais c'est tellement bien quand on se voit… Il faut que j’arrête, la vérité en face c'est ça : je suis une marionnette qui mendie le bon vouloir de Madame. Mes copains, ma sœur ont raison, il faut que j'arrête, il faut que je quitte « ce sac d'os égoïste » qui n'a aucune intention de construire quoi que ce soit de sérieux avec moi. Ils ont raison, Lætotoa me mène en bateau.
Oui mais il y a un problème.
Depuis que je la vois, mon nez et mes mains vont mieux, beaucoup mieux, je crois même – je ne me suis jamais dit ça de ma vie – que je peux guérir.
Vous, vous feriez quoi ?