Le Prince de Nicolas Machiavel, analyse du traité politique

6 4 2022 - 4 commentaires
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Le Prince de Nicolas Machiavel

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Le Prince de Nicolas Machiavel

L’ouvrage que vous avez en main est un traité politique rédigé en 1513 par Nicolas Machiavel.  Depuis plus de 6 siècles son succès ne se dément pas. Analysé, décortiqué, loué ou blâmé, interdit par les autorités religieuses de son époque, étudié à l’université, il ne cesse de susciter la curiosité, la fascination ou le dégout.

Des penseurs et des philosophes aussi divers que Montaigne, Francis Bacon, Descartes, Rousseau, Diderot, Spinoza, Hegel etc. ont noirci des pages pour soutenir ou réfuter les directions prises par ses écrits.

Cependant, à l’origine, cet ouvrage avait deux objectifs beaucoup plus modestes. Banni par suite du retour des Médicis au pouvoir à Florence en 1512, Nicolas Machiavel essaye de rentrer dans les bonnes grâces de Laurent II de Médicis en lui dédicaçant son ouvrage. Il essaye aussi de lui fournir matière à penser et des conseils pour se maintenir au pouvoir dans un contexte de troubles et d’instabilités politiques en Italie.

Le contexte historique et politique de l’époque de Machiavel

Pour comprendre le Prince de Machiavel, il faut comprendre le contexte historique de cette époque. L’Italie est fragmentée en de nombreuses cités aux régimes politiques instables et très divers. Elles se font la guerre en permanence, s’affaiblissant stérilement. Les prétentions territoriales étrangères de la France et de l’Espagne de Charles le Quint sur l’Italie en sont facilitées.

Nicolas Machiavel a vu ainsi les Français chasser les Médicis en 1494 de Florence pour les réinstaller au pouvoir en 1512. Dans ce bouillonnement de trahisons et de guerres, et pour complexifier la situation, la Papauté a aussi des prétentions territoriales avec les Etats du Pape qui occupent toute l’Italie centrale. Le pape n’hésite pas à utiliser son pouvoir temporel par le fer de ses mercenaires suisses et son pouvoir spirituel en menaçant ses adversaires d’excommunication.

Une révolution dans la pensée politique

Nous devons voir Le Prince comme un manuel de combat pour permettre à un Prince ou un Roi de prendre le pouvoir et surtout de le conserver quoiqu’il en coûte. Machiavel est avant tout un pragmatique et il analyse la vie politique tirée de faits réels et non de façon utopique comme les Anciens.

Il est à l’opposé de la pensée d’Aristote ou de Tite-Live qui mettaient en avant les vertus de prudence, de sagesse et de grandeur morale. Le Prince de Machiavel ne s’encombre pas de cela et nous sommes face à une rupture majeure dans l’histoire de la pensée politique.

Le modèle politique idéal du philosophe roi de Platon disparait au profit du réel ou toute action est jugée par son efficacité tangible. La morale passe au second plan et seul le résultat compte pour Nicolas Machiavel.

Une remise en cause de la vision chrétienne de l’Homme et de la place du Prince

Mais Le Prince va plus loin en s’opposant à la vision chrétienne de l’Homme. Nicholas Machiavel qualifie les Hommes de naturellement « méchant ».Il ne cherche nullement à essayer de les éduquer ou à les restreindre dans leur méchanceté. Il la considère comme un état naturel de l’Homme qu’il faut accepter et s’y adapter.  Il n’y a aucune notion de repentance des péchés qui est promue par la religion chrétienne dans Le Prince.

De plus, Machiavel prend pour exemple le pape Alexandre VI pour montrer que l’Eglise se détourne de sa mission originelle spirituelle en s’imposant militairement comme puissance temporelle. Le pape devient un rival temporel dangereux pour les Princes et les Rois car il est le détenteur unique d’une arme d’une grande puissance dans la chrétienté, il possède la puissance spirituelle.

Les Princes et les Rois chrétiens justifient leur autorité sur leur territoire et leur peuple par la volonté de Dieu. Dans la rhétorique monarchique française par exemple, le roi est le « lieutenant de Dieu » sur Terre. Dieu a choisi le Roi de France, il l’a « élu » pour gouverner son Royaume. S’opposer au Roi est donc impensable car ce serait s’opposer à la volonté de Dieu.

Mais comment être certain que le Prince sur le trône est bien le lieutenant de Dieu sur Terre ? Par le sacre de Reims où le pape joue le rôle majeur dans cette consécration et reconnaissance.

Pendant plusieurs siècles, lors de grandes fêtes religieuses ou après leur sacre, tous les rois de France ont touché les écrouelles en prononçant la phrase : « Le roi te touche, Dieu te guérit »

Machiavel dans le Prince essaye de détacher la soumission des Princes à l’autorité papale et à sa reconnaissance. Les Princes peuvent prétendre à une légitimité qui ne sera pas donnée, concédée et éventuellement reprise par le Pape via l’excommunication. Sa légitimité vient de son action et de son efficacité et non de Dieu.

En condamnant les prétentions temporelles du pape et en essayant de détacher les Princes à la soumission et l’autorité spirituelle du pape, Machiavel déclenche les foudres de la Papauté. Son ouvrage est mis à l’index par la papauté en 1559.

Un patriote romain

Mais que recherche Nicolas Machiavel avec cet ouvrage, quel est son but véritable ?

Ce florentin apparaît, dans ses écrits, profondément nostalgique de la grandeur passée de l’empire romain. Il voit dans l’avènement de Laurent II de Médicis la possibilité de retrouver la grandeur romaine si son prince fait preuve de ruse, de patience et s’il se débarrasse de la moralité de son temps. Seule l’efficacité prévaut pour Nicholas Machiavel.

Toutefois Laurent II de Médicis ne sera pas le Prince qu’attendait Nicolas Machiavel, il ne réussira pas à unifier l’Italie malgré ses efforts. Quelques siècles plus tard, un lecteur passionné de Machiavel, duc de Savoie et roi du Piémont Sardaigne, Victor-Emmanuel II réussira à unifier l’Italie en conquérant les Etats Pontificaux et en laissant au pape, comme seule jouissance de son pouvoir temporel, un petit quartier de Rome qui s’appelle encore aujourd’hui le Vatican.

Le Prince, un ouvrage qui traverse les siècles

Le Prince est l’ouvrage de référence de la pensée politique car sa conception est radicalement moderne. Il réussit à dissocier le réel et l’action de la moralité en considérant qu’une politique juste et bonne est une politique efficace quelle qu’en soit les détours pour y arriver.

Voltaire écrira que le Prince est « fait pour être éternellement lu par tous les politiques et par tous les ministres ».

Nicolas Machiavel est tout simplement l’inventeur de la Realpolitik dissociant l’idéologie et le religieux du réel dans la politique. Son seul tort est d’avoir eu cinq siècles d’avance sur ses contemporains.

Ce précurseur de notre politique moderne subira des procès et haines post-mortem pendant des siècles. Au point que son nom passe dans le langage courant pour y être associé à des adjectifs comme sournois, trompeur, manipulateur… Ceci n’est que le reflet de l’ignorance et de la méchanceté humaine que Machiavel accueillait avec bienveillance car tellement naturelle.

Benoist Rousseau

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Auteur de l'article :

Benoist Rousseau est diplômé de l'université Paris-Sorbonne en histoire économique contemporaine et de la Certification Professionnelle des Acteurs des Marchés Financiers de l'AMF. Il a été professeur d'histoire pendant 12 ans avant de devenir trader en compte propre. Ancien Conseiller en Investissements Financiers, il est aussi écrivain. Son ouvrage "Devenez Trader Pro" est numéro 1 des ventes dans la catégorie bourse depuis de nombreux mois. Intervenant régulier sur TV Finance et divers médias, il est suivi par plus de 150.000 personnes sur les réseaux sociaux.

4 Commentaires pour Le Prince de Nicolas Machiavel, analyse du traité politique

  1. Christelle Puyraud dit :

    merci beaucoup Benoist pour cet article passionant.

  2. Anonyme dit :

    Remarquable préface.
    Merci Benoist 🙂

  3. Wu Wei dit :

    Remarquable préface. Elle aussi intemporelle je trouve

  4. bobb dit :

    "Gouverner, c'est mettre vos sujets hors d'état de vous nuire et même d'y penser."

    "Les principaux fondements de tous les États, nouveaux aussi bien qu'anciens ou composites, sont de bonnes lois et de bonnes armes"

    "Plus le sable s'est échappé du sablier de notre vie, plus nous devrions voir clair à travers."

    "Tout le mal de ce monde vient de ce qu'on n'est pas assez bon ou pas assez pervers."

    "Le paysan ne demande qu'à être seul pour prospérer en paix."

    "Comme il est périlleux de libérer un peuple qui préfère l'esclavage."

    "L'homme désarmé n'est pas seulement sans défense, il est aussi méprisable."

    "Les hommes sont toujours méchants au fond, à moins qu'ils ne soient réparés par quelque contrainte."

    Machiavel

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