J’ai eu l’occasion d’enseigner quelques années en fac de médecine (rien de médical, je te rassure : mes capacités à prodiguer des soins s’arrêtent au niveau du brevet de secouriste !)
Pour ce qui est du cours de Michael Sandel, en effet, la situation est factice (il ne l’invente pas et ne fait que reprendre le Trolley problem de Foot, 1967). Et oui, tout à fait d’accord pour remarquer la brillante remarque de cet étudiant qui attend la mort du premier patient !
En effet, peu de risque que la situation décrite se produise, mais la psychologie sociale est pleine d’expériences loufoques qui pourtant font sens en ce qu’elles révèlent de notre manière de penser et d’agir (même s’il faut souvent se contenter d’un % pas toujours énorme qui va dans le sens attendu).
D’ailleurs, pour moi, ce qui est intéressant dans ce cours (au-delà de la performance d’acteur de Sandel !) ce sont justement les réactions du public : c’est de voir qu’à la louche, 90% des gens pensent qu’il est juste de sacrifier un homme pour en sauver 5 , mais que 5% (toujours à la louche) sont prêts à commettre un acte moralement répréhensible pour ce faire…
Alors, ça n’a finalement pas grand-chose à voir avec le conditionnement, sauf que si l’immense majorité des étudiants ne pousseraient par le « très gros monsieur » sur les rails pour arrêter le tram, c’est parce qu’ils ont intériorisé des valeurs. On peut donc intérioriser et s’approprier des manières de penser et d’agir sans conditionnement (sans abdiquer son esprit critique) et je trouve cela plutôt rassurant.
Après, ta question reste entière : si l'on estime qu’on choisit délibérément du fait de son libre arbitre un mode de conditionnement qui nous est favorable, pourquoi pas… Libre à chacun, mais à condition d’en comprendre les tenants et aboutissants.
Mais là encore, je vois que tu admets (à juste titre je pense) que ton libre arbitre est en fait le résultat d’interactions sociales (donc qu'il est socialement situé et en partie déterminé, autrement dit, que tout ce que tu es toi ne vient pas que de toi).
Puisque tu es dans le médical au plus haut niveau de qualification (mais si tu ne sais pas ce qu’est le behaviorisme, j’imagine que tu n’es sans doute pas psychiatre !) on pourrait effectivement se poser la question suivante face à un gamin farci de TOC ou TED : est-ce qu’un « conditionnement » qui l’en débarrasserait ou l’aiderait à mieux vivre avec n’augmenterait pas sa liberté ? Probablement que la réponse est oui. Mais, à condition d’accepter de ne jamais comprendre ce qui l’a conduit vers ces TOC/TED…
Je trouve dommage par contre que tout cela se soit développé ces dernières années contre la psychanalyse, devenue une sorte d’épouvantail-repoussoir, mais c’est un autre débat.
Et puis, au risque de me contredire, comme l’écrivait Rawls (un des plus grands philosophes américains du XXe siècle qui a justement dirigé la thèse de Sandel) : « La liberté ne peut être limitée qu’au nom de la liberté ». Tu vois, cela va clairement dans ton sens, même si je resterai pour ma part le gaulois réfractaire à tout conditionnement !
Alors, très sincèrement, encore une fois, je ne me pose pas en donneur de conseils, mais je cherche simplement (ici en tous cas) à exprimer ce qui me semble bon pour moi et je n’ai pas envie d’extrapoler, car les Sciences humaines m’ont appris que l’humain, plus que des lois générales, c’est avant tout une somme d’exceptions qu’il faut essayer de comprendre. Et ici, le seul objet d'étude, c'est chacun de nous, pour lui-même...
Bonne soirée, et au plaisir de te lire,
Pour ce qui est du cours de Michael Sandel, en effet, la situation est factice (il ne l’invente pas et ne fait que reprendre le Trolley problem de Foot, 1967). Et oui, tout à fait d’accord pour remarquer la brillante remarque de cet étudiant qui attend la mort du premier patient !
En effet, peu de risque que la situation décrite se produise, mais la psychologie sociale est pleine d’expériences loufoques qui pourtant font sens en ce qu’elles révèlent de notre manière de penser et d’agir (même s’il faut souvent se contenter d’un % pas toujours énorme qui va dans le sens attendu).
D’ailleurs, pour moi, ce qui est intéressant dans ce cours (au-delà de la performance d’acteur de Sandel !) ce sont justement les réactions du public : c’est de voir qu’à la louche, 90% des gens pensent qu’il est juste de sacrifier un homme pour en sauver 5 , mais que 5% (toujours à la louche) sont prêts à commettre un acte moralement répréhensible pour ce faire…
Alors, ça n’a finalement pas grand-chose à voir avec le conditionnement, sauf que si l’immense majorité des étudiants ne pousseraient par le « très gros monsieur » sur les rails pour arrêter le tram, c’est parce qu’ils ont intériorisé des valeurs. On peut donc intérioriser et s’approprier des manières de penser et d’agir sans conditionnement (sans abdiquer son esprit critique) et je trouve cela plutôt rassurant.
Après, ta question reste entière : si l'on estime qu’on choisit délibérément du fait de son libre arbitre un mode de conditionnement qui nous est favorable, pourquoi pas… Libre à chacun, mais à condition d’en comprendre les tenants et aboutissants.
Mais là encore, je vois que tu admets (à juste titre je pense) que ton libre arbitre est en fait le résultat d’interactions sociales (donc qu'il est socialement situé et en partie déterminé, autrement dit, que tout ce que tu es toi ne vient pas que de toi).
Puisque tu es dans le médical au plus haut niveau de qualification (mais si tu ne sais pas ce qu’est le behaviorisme, j’imagine que tu n’es sans doute pas psychiatre !) on pourrait effectivement se poser la question suivante face à un gamin farci de TOC ou TED : est-ce qu’un « conditionnement » qui l’en débarrasserait ou l’aiderait à mieux vivre avec n’augmenterait pas sa liberté ? Probablement que la réponse est oui. Mais, à condition d’accepter de ne jamais comprendre ce qui l’a conduit vers ces TOC/TED…
Je trouve dommage par contre que tout cela se soit développé ces dernières années contre la psychanalyse, devenue une sorte d’épouvantail-repoussoir, mais c’est un autre débat.
Et puis, au risque de me contredire, comme l’écrivait Rawls (un des plus grands philosophes américains du XXe siècle qui a justement dirigé la thèse de Sandel) : « La liberté ne peut être limitée qu’au nom de la liberté ». Tu vois, cela va clairement dans ton sens, même si je resterai pour ma part le gaulois réfractaire à tout conditionnement !
Alors, très sincèrement, encore une fois, je ne me pose pas en donneur de conseils, mais je cherche simplement (ici en tous cas) à exprimer ce qui me semble bon pour moi et je n’ai pas envie d’extrapoler, car les Sciences humaines m’ont appris que l’humain, plus que des lois générales, c’est avant tout une somme d’exceptions qu’il faut essayer de comprendre. Et ici, le seul objet d'étude, c'est chacun de nous, pour lui-même...
Bonne soirée, et au plaisir de te lire,