L'enfant se sent avant tout étranger. Il est un aventurier.
Dans les oiseaux, il y a des migrateurs et il y a de faux-migrateurs.
Il y en a qui se baladent toute leur vie, mais on trouve des tas de races qui ne se baladent qu'à un certain âge de la vie.
Et je crois que l'enfant est nomade. Donc aventurier. Je préfèrerais d'ailleurs le mot "nomade". Et il vit dans un monde qui est installé.
Et l'enfant, qui est nomade, ne comprend pas pourquoi les troupeaux ne vont pas chercher là où il y a de l'herbe et il ne comprend pas pourquoi les adultes s'entêtent à brouter de l'herbe là où il n'y a que des cailloux.
Et on lui apprend petit à petit à être prudent, à être sage, à être économe.
Je ne parle même pas dans le sens « argent », mais dans le pire sens du mot, c'est-à-dire d'être économe de ses forces.
On lui apprend des tas de choses abominables : l'espoir, mais le mauvais espoir, en disant : « il va t'arriver des choses ».
Or il ne nous arrive jamais rien.
Moi, dans ma vie, il ne m'est arrivé que moi.
On leur apprend à attendre des choses. On dit rarement aux enfants que ce qu'ils vont avoir c'est ce qu'ils vont faire.
Il faudrait leur dire : « N'attendez rien que de vous."
Parce que c'est terrifiant tous ces gens qui attendent.
On dit aux filles : « vous allez rencontrer
Le Prince charmant, il y aura le grand amour".
Mais c'est très rare, le grand amour !
Sur 100 filles, il n'y en a peut-être que 3 ou 4 qui sont faites pour le vivre, le grand amour.
Et chez les amis aussi.
Or il y a encore des tas de filles qui sont élevées dans l'espoir de rencontrer une espèce de prince charmant. Les princes ne sont pas charmants. Ils ne sont pas princes, mais c'est à l'amour de les rendre princes et charmants. C'est à elles de faire le travail.
On se fabrique ses cadeaux, on est donc responsable de sa vie
Pour moi, Dieu ce sont les hommes.
Et un jour ils sauront.
Jacques Brel. (Interview)