La poésie a évolué au cours des siècles. On est passé d'une poésie en rimes, avec des vers réguliers, à une poésie plus moderne, sans rime ni vers.
L'image du poète a aussi changé. Il était une sorte de personnage maudit, habité par une fureur de créer. Il est devenu un artiste, dont les créations sont reconnues par la société.
L’histoire du genre de la poésie raconte une libération progressive.
En voici un très bref aperçu, le plus marquant étant celui du XVIème au XXème siècle.
– Au XVIème siècle :
Les genres étaient très codifiés avec des règles très strictes par exemple : le sonnet, l'alexandrin.
Un exemple avec Joachim Du Bellay (1522-1560)
Regrets, XXXI
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison,
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province et beaucoup davantage ?
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine;
Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la douceur angevine.
Un siècle plus tard, Boileau dans son Art poétique fait l'éloge du sonnet:
"On dit, à ce propos, qu'un jour ce dieu bizarre, (Apollon)
Voulant pousser à bout tous les rimeurs françois,
Inventa du Sonnet les rigoureuses lois ;
Voulut qu'en deux quatrains, de mesure pareille,
La rime, avec deux sons, frappât huit fois l'oreille ;
Et qu'ensuite six vers, artistement rangés,
Fussent en deux tercets par le sens partagés.
Surtout, de ce Poème il bannit la licence ;
Lui-même en mesura le nombre et la cadence ;
Défendit qu'un vers faible y pût jamais entrer,
Ni qu'un mot déjà mis osât s'y remontrer.
Du reste, il l'enrichit d'une beauté suprême
Un sonnet sans défaut vaut seul un long Poème."
- Au XVIIIème siècle:
Les Romantiques effacent la césure et libèrent le vers en utilisant de nombreux enjambements, rejets et contre-rejets afin de donner du rythme au poème.
Un exemple avec Pierre de Ronsard
Sonnet à Hélène
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
"Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle !"
Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s'aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.
Je serais sous la terre, et, fantôme sans os,
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.
Au XVIIIème siècle, on commence à prendre conscience que la prose peut être poétique.
– Au XIXème siècle:
* Le vers libre apparaît ainsi que le poème en prose.
Le vers libre se libère de la rime au profit des assonances et allitérations, il prend des libertés avec les règles).
2 exemples avec Arthur Rimbaud (1854-1891) qui s’est non seulement illustré dans le style de la prose poétique, mais il a également écrit deux poèmes que beaucoup considèrent comme des vers libres dans ses Illuminations, composées de 1872 à 1875 : « Marines » et « Mouvement »
Un extrait de "Marines" illustre la forme libérée de Rimbaud :
Marines
Les chars d'argent et de cuivre
Les proues d'acier et d'argent
Battent l'écume,
Soulèvent les souches des ronces
Les courants de la lande,
Et les ornières immenses du reflux,
Filent circulairement vers l'est,
Vers les piliers de la forêt,
Vers les fûts de la jetée,
Dont l'angle est heurté par des tourbillons de lumière.
* Le poème en prose est un poème qui n’est pas en vers mais disposé en paragraphes.
Un exemple avec toujours Arthur Rimbaud [1854] - [1891]
Illuminations (1886)
Une matinée couverte, en Juillet. Un goût de cendres vole dans l'air ; - une odeur de bois suant dans l'âtre, - les fleurs rouies, - le saccage des promenades, - la bruine des canaux par les champs - pourquoi pas déjà les joujoux et l'encens ?
* * *
J'ai tendu des cordes de cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse.
* * *
Le haut étang fume continuellement. Quelle sorcière va se dresser sur le couchant blanc ?Quelles violettes frondaisons vont descendre ?
– Au XXème siècle
C'est la libération formelle et la recherche graphique prime.
* Le calligramme est un poème dont la disposition des vers est faite de manière à dessiner le sujet du poème. (le poème d’Apollinaire, « La Fontaine et le jet d’eau » est disposé en forme de fontaine avec des vers qui jaillissent)
* Des poèmes-fragments (très courts)
Le haïku, poème japonais de quelques vers qui évoque brièvement une sensation, une situation éphémère …
À titre d'exemple, voici l'un des plus célèbres haïkus japonais, écrit par le premier des quatre maîtres classiques, Basho :
« Un vieil étang
Une grenouille qui plonge,
Le bruit de l'eau. »
L'original japonais est :
« ??? (furu ike ya?, fu/ru/i/ke ya?: 5)
???? (kawazu tobikomu?, ka/wa/zu to/bi/ko/mu?: 7)
??? (mizu no oto?, mi/zu no o/to?: 5) »
« Chantre » est un poème d’Apollinaire qui ne comporte qu’un seul vers :
« Et l’unique cordeau des trompettes marines »
L'image du poète a aussi changé. Il était une sorte de personnage maudit, habité par une fureur de créer. Il est devenu un artiste, dont les créations sont reconnues par la société.
L’histoire du genre de la poésie raconte une libération progressive.
En voici un très bref aperçu, le plus marquant étant celui du XVIème au XXème siècle.
– Au XVIème siècle :
Les genres étaient très codifiés avec des règles très strictes par exemple : le sonnet, l'alexandrin.
Un exemple avec Joachim Du Bellay (1522-1560)
Regrets, XXXI
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison,
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province et beaucoup davantage ?
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine;
Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la douceur angevine.
Un siècle plus tard, Boileau dans son Art poétique fait l'éloge du sonnet:
"On dit, à ce propos, qu'un jour ce dieu bizarre, (Apollon)
Voulant pousser à bout tous les rimeurs françois,
Inventa du Sonnet les rigoureuses lois ;
Voulut qu'en deux quatrains, de mesure pareille,
La rime, avec deux sons, frappât huit fois l'oreille ;
Et qu'ensuite six vers, artistement rangés,
Fussent en deux tercets par le sens partagés.
Surtout, de ce Poème il bannit la licence ;
Lui-même en mesura le nombre et la cadence ;
Défendit qu'un vers faible y pût jamais entrer,
Ni qu'un mot déjà mis osât s'y remontrer.
Du reste, il l'enrichit d'une beauté suprême
Un sonnet sans défaut vaut seul un long Poème."
- Au XVIIIème siècle:
Les Romantiques effacent la césure et libèrent le vers en utilisant de nombreux enjambements, rejets et contre-rejets afin de donner du rythme au poème.
Un exemple avec Pierre de Ronsard
Sonnet à Hélène
Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
"Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle !"
Lors, vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s'aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.
Je serais sous la terre, et, fantôme sans os,
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie.
Au XVIIIème siècle, on commence à prendre conscience que la prose peut être poétique.
– Au XIXème siècle:
* Le vers libre apparaît ainsi que le poème en prose.
Le vers libre se libère de la rime au profit des assonances et allitérations, il prend des libertés avec les règles).
2 exemples avec Arthur Rimbaud (1854-1891) qui s’est non seulement illustré dans le style de la prose poétique, mais il a également écrit deux poèmes que beaucoup considèrent comme des vers libres dans ses Illuminations, composées de 1872 à 1875 : « Marines » et « Mouvement »
Un extrait de "Marines" illustre la forme libérée de Rimbaud :
Marines
Les chars d'argent et de cuivre
Les proues d'acier et d'argent
Battent l'écume,
Soulèvent les souches des ronces
Les courants de la lande,
Et les ornières immenses du reflux,
Filent circulairement vers l'est,
Vers les piliers de la forêt,
Vers les fûts de la jetée,
Dont l'angle est heurté par des tourbillons de lumière.
* Le poème en prose est un poème qui n’est pas en vers mais disposé en paragraphes.
Un exemple avec toujours Arthur Rimbaud [1854] - [1891]
Illuminations (1886)
Une matinée couverte, en Juillet. Un goût de cendres vole dans l'air ; - une odeur de bois suant dans l'âtre, - les fleurs rouies, - le saccage des promenades, - la bruine des canaux par les champs - pourquoi pas déjà les joujoux et l'encens ?
* * *
J'ai tendu des cordes de cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse.
* * *
Le haut étang fume continuellement. Quelle sorcière va se dresser sur le couchant blanc ?Quelles violettes frondaisons vont descendre ?
– Au XXème siècle
C'est la libération formelle et la recherche graphique prime.
* Le calligramme est un poème dont la disposition des vers est faite de manière à dessiner le sujet du poème. (le poème d’Apollinaire, « La Fontaine et le jet d’eau » est disposé en forme de fontaine avec des vers qui jaillissent)
* Des poèmes-fragments (très courts)
Le haïku, poème japonais de quelques vers qui évoque brièvement une sensation, une situation éphémère …
À titre d'exemple, voici l'un des plus célèbres haïkus japonais, écrit par le premier des quatre maîtres classiques, Basho :
« Un vieil étang
Une grenouille qui plonge,
Le bruit de l'eau. »
L'original japonais est :
« ??? (furu ike ya?, fu/ru/i/ke ya?: 5)
???? (kawazu tobikomu?, ka/wa/zu to/bi/ko/mu?: 7)
??? (mizu no oto?, mi/zu no o/to?: 5) »
« Chantre » est un poème d’Apollinaire qui ne comporte qu’un seul vers :
« Et l’unique cordeau des trompettes marines »