Encore un sujet où je me sens concerné....
Et il est hautement d'actualité en janvier, période classique d'augmentation, ou pas, des salaires.
Mais allons y doucement, avant d'écrire un pavé. (A posteriori, finalement c'est fait
)
Etape par étape pour parvenir à une compréhension du sujet
Fondamentalement un salaire est le partage d'une valeur ajoutée, au sens commun et au sens comptable (je te conseille d'aller voir sur le net ce qu'est a valeur ajoutée dans un compte d'exploitation).
Dans une structure organisée parfaite, la question se posera donc de savoir où se crée la valeur.
Normalement elle se crée partout dans l'entreprise. Chaque job est important pour la réalisation complète d'une prestation, d'un service, d'un produit.
La question suivante sera donc de savoir quel est le poids proportionnel de chaque contribution dans l'ensemble.
Par exemple: Imaginons un secteur de vente où, pour simplifier, nous n'aurions que deux personnes qui travaillent à son développement, un vendeur terrain et une assistante commerciale sédentaire. Le secteur fait 100 de chiffre d'affaire et il génère une valeur ajoutée de 30. Comment répartir la valeur entre ces deux personnes ?
Une première chose apparaît, sauf à être subventionnée ou à terme faire faillite, le salaire sera au maximum de 30. Moins les charges sociales, frais directs et indirects.
Intervient à ce moment dans les facteurs limitants, la notion d'espace concurrentiel.
Combien mes concurrents payent ils pour réaliser la même prestation ?
Si je paye beaucoup plus, soit je ne suis pas compétitif et mon entreprise à terme disparaîtra au profit des concurrents, soit j'ai trouvé pour d'autres raisons (souvent complexes, restons dans le cas d'école) d'autres moyens de générer plus de valeur ajoutée, ce qui est l'hypothèse favorable.
Quoiqu'il en soit les variations de cette nature ne peuvent être élevées (max +/-40 pourcents).
En effet, intervient ici aussi la notion de prix de marché, comme pour n'importe quelle autre ressource. Combien le marché, et pas uniquement mes concurrents, rémunèrent ils les fonctions. Si je suis au dessus du marché, je recruterais plus facilement et pourrait mieux mener les projets etc et en-dessous= difficulté de recrutement, turn-over du personnel, qualité moindre et divers effets négatifs.
Intervient aussi une autre force de rappel, la force collective, qui prend parfois une forme syndicale, mais pas que.
J'oublie à chaud très certainement d'autres facteurs, mais l'important ici est de considérer que plusieurs forces de diverses natures vont contribuer au final à définir un salaire de façon finalement assez objective.
Tu évoques dans ta question initiale l'une des forces qui est réellement à l'oeuvre et qui a façonné, depuis fort longtemps, le paysage salarial en France, celle de l'égalitarisme.
Cette force est clairement très présente dans les entreprises, notamment lorsqu'elles grandissent, peu dans les TPE (moins de 20 personnes).
C'est ainsi que sont nées les grilles salariales.
Une grille salariale prédéfinit le salaire d'une fonction. Lorsqu'elles sont publiques il faut savoir qu'elles ont fait l'objet d'âpres négociations.
Les salaires ont donc
tendance à être codifiés et lissés.
Il faut avoir conscience qu'il y a des marchés de l'emploi à l'étranger où ceci est moins le cas et où pour une même fonction les écarts peuvent être de 10 sur l'ensemble du marché ! impensable en France.
Comme ces systèmes aboutissent, pour les multiples raisons expliquées, à des niveaux de rémunération assez figés. Toutes les structures disposent, y compris dans l'administration publique, de la notion de hors grille (en Allemagne, cela s'appelle le Ausser Tarif, la notion d'exception est universelle, car nécessaire).
Certaines personnes vont sortir des grilles à un moment de leur carrière lorsqu'elles sont considérées senior dans leur job, dont le patron n'est que le cas éventuellement le plus spectaculaire.
Pourquoi ?
- parce que chacun aime l'égalitarisme pour tous, sauf pour lui même. Il l'adore et la revendique lorsqu'il a le sentiment d'être sous la barre, puis son sentiment évolue lorsqu'il l'a franchie...
- Et une réalité difficile à entendre, fort contestée (notamment par ceux qui sont sous la médiane). La performance d'une entreprise est déterminée par environ 10% des personnes.
Cela pourra être un ingénieur développeur d'exception, un commercial hors norme, un financier talentueux etc...ce sont les ressources clés de l'entreprise. Celles qu'il faut conserver car c'est là que se crée l'essentiel de la valeur ajoutée de l'entreprise.
Qui fait partie des ressources clés et qui est ressource standard est du ressort de la direction générale et consorts. Evidemment ceci est confidentiel, les individus eux mêmes parfois ne le savent pas. A contrario beaucoup estiment en faire partie, cela va de soi.
Il se trouve que ceux qui décident in-fine sont le plus souvent les actionnaires (pas toujours), notamment pour le salaire du boss.
Et le marché considère, dans son ensemble, que de tous les jobs présents dans une entreprise, c'est le plus crucial. De ce job principal dépendra la performance globale de l'entreprise.
En effet sur une société qui réalise par exemple 500 millions de chiffre d'affaire, son job sera de l'entraîner vers le milliard et de tripler la rentabilité. Si le choix n'est pas le bon, il pourra aussi la réduire à 400 millions et en perte. L'
Effet de levier sur ce job est souvent très important (et des fois nul ou négatif).
Est-ce une fausse croyance ou est-ce une réalité? parfois oui, parfois non. Ce que l'on constate est que les marchés valident cette hypothèse et décident d'attribuer aux pdg de société côté des émoluments très élevés.
Ainsi parfois un boss pourra gagner 10 fois, 50 fois, 100 fois le salaire moyen de ses collaborateurs.
Les structures salariales ne sont pas linéaires parce que les sources de la performance ne le sont pas également. Les marchés (actionnaires) veulent toujours maximiser leur retour sur investissement et ils décident par conséquent d'attirer ceux qu'ils considèrent, à tort ou à raison, comme les meilleurs et ils sont prêts à investir pour cela.
Ces notions sont hautement pragmatiques et on retrouve le même comportement que sur d'autres marchés. Exemple commun: le mercato de football. Pourquoi un joueur star gagnera t'il autant que tout le reste de l'équipe ? certains pensent qu'il sera la ressource clé pour emporter un championnat, la différence avec les autres, sans doute fort talentueux également, quelques buts en plus ?
Autre exemple: le marché de l'art, absolument non linéaire. Pourquoi un mètre carré de peinture de tel artiste vivant vaudra 100 fois plus que celui d'un autre, des raisons complexes de marché.
La morale, la justice sociale etc n'ont ici pas droit de citer, au même titre que la plupart des consommateurs ne s'interrogent pas de où et comment a été fabriqué le T shirt désiré.
Sauf si cela devient l'un des critères pour assurer la performance globale (ce qui arrive un peu plus)
Maintenant, s'extraire des grilles n'est pas chose facile...
Créer son entreprise est effectivement une option qui peut se révéler très efficace (ou pas, un très grand nombre de patrons de tpe/pme gagnent moins que s'ils étaient salariés)
Ce qui me parait essentiel dans ton cas pour l'instant est de ne pas trop te préoccuper de ces questions d'écarts salariaux, mais bien plus de la valeur ajoutée que tu pourras créer rapidement (ou pas), car pour progresser il te faudra dès la sortie des études prendre un bon départ, rapide et puissant.