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Aperçu : Le Biomimétisme (ouvertures du 23-27/03/20)

par Taylor » 20 mai 2020 10:17

Bonjour à toutes et tous,

Je regroupe ici les 5 ouvertures réalisées pour ouvrir les files de la semaine du 23 au 27 mars 2020.

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« Va prendre tes leçons dans la nature, c’est là qu’est ton futur ».

Il y a 500 ans, Léonard de Vinci s’exprimait en ces termes. Il était en train de créer une machine volante, l’Ornithoptère, après une observation minutieuse des oiseaux et de chauves-souris.
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Bien que restée au stade du croquis, c’est, de ce que j’ai pu en voir, la toute première formalisation réelle du concept de biomimétisme.
Spoiler:
Biomimétisme : ce terme a été théorisé bien plus tard, en 1997, par la scientifique américaine Janine Benyus. Son ouvrage, « Biomimicry : Innovation Inspired by Nature », en anglais, est un écrit fondateur de ce concept. Impossible de parler de biomimétisme sans la citer !
//// C’est quoi le biomimétisme ? ////

Le biomimétisme n’est pas une nouvelle science, mais une approche, un état d’esprit, voire une philosophie, qui consiste à étudier la nature sous toutes ses formes : animaux, plantes, micro-organismes ou écosystèmes.

Cela part d’un constat : au bout de 3.8 milliards d’années d’évolution (de R&D devrait-on dire !), la nature a appris à reconnaître ce qui marche, ce qui est approprié, ce qui dure. Ce qui a échoué est devenu fossile, et ce qui nous entoure est le secret de la survie.

Il est important ici de noter que le biomimétisme ne se borne pas à vouloir copier la nature, mais qu’il rentre dans une vraie démarche de progrès et d’innovation pour améliorer nos matériaux et procédés. Le vivant a déjà beaucoup inventé. Nous devons tirer parti intelligemment de la nature, sans arrogance, avec respect et partage.

Car le biomimétisme, c’est bien une toute nouvelle façon de considérer et d’apprécier la nature. Il ouvre une ère fondée non pas sur ce que nous pouvons extraire du monde naturel, mais sur ce que nous pouvons en apprendre.

//// Est-ce que ce n’est pas déjà ce qu’on fait ? ////

Nous tirons déjà parti des actifs de plantes pour la médecine, nous optimisons les rendements de nos cultures en agriculture, nous tenons compte de la course du soleil parmi tant d’autres choses pour construire des maisons « bioclimatiques » etc… Oui, mais non. Ce n’est pas du tout ça le biomimétisme.

En voulant façonner le monde à notre seul usage, nous avons cessé de vivre en équilibre avec les autres entités (animales, végétales, microbiennes…) qui partagent avec nous la planète. Nous sommes pourtant tous en interrelations, en interdépendances, et c’est certainement ce que nous avons trop perdu de vue aujourd’hui.

Les inventions de la nature sont des systèmes agiles qui « font le job » et sont autonomes, efficients. En tant que tel, le recyclage est la norme, les déchets sont inexistants ; ce qui fonctionne perdure, ce qui ne marche pas s’en va. La nature reste le seul ingénieur capable de créer des multitudes de cycles de production sans consommer d’énergies fossiles ni produire de déchets.

//// Un système qui a fait ses preuves, jugez plutôt… ////
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Durant 3.8 milliards d’années, la vie a appris à voler, à faire le tour de la planète, à vivre dans les profondeurs de l’océan et sur les plus hauts sommets, à fabriquer des matériaux miraculeux, à éclairer la nuit, à capter l’énergie du soleil et à développer un cerveau capable d’introspection. Lorsque nous plongeons aussi profondément notre regard dans celui de la nature, il y a parfois de quoi en avoir le souffle coupé.

En architecture, nos poutres et nos étais les plus sophistiqués sont déjà présents dans les feuilles de nénuphar et les pousses de bambou. Les termitières possèdent une température constante de 30° malgré des variations très importantes, et y arrive sans chauffage central ni climatisation. Notre radar le plus performant est dur d’oreille si on le compare à la transmission multifréquence des chauves-souris. Quant à nos nouveaux « matériaux intelligents », ils ne sauraient rivaliser avec la peau des dauphins ou la trompe des papillons.

Alors :
  • > Comment les colibris traversent-ils le golfe du Mexique avec moins de trois grammes de carburant ?
    > Comment une petite libellule, qui a 340 millions d’années, vole à 80 km/h avec quelques watts ?
    > Comment certaines éponges peuvent-elles fabriquer du verre à température ambiante, soit 2 à 3°, ou comment une petite algue marine se fait un squelette de verre ultraperformant à 20°, alors que les industriels le produisent de 700 à 1 400° ?
    > Comment une moule se colle à un rocher avec des colles biologiques incroyables ?
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Heureusement, depuis une quinzaine d’années, le biomimétisme commence à intéresser les entreprises. Total, Veolia, GDF Suez, Renault ou Saint-Gobain ont bien compris que l’avenir est là, puisqu’on épuise les matières premières de cette planète. Le lanthane ou les terres rares disparaissent. Comment continuera-t-on à faire des téléphones ou des iPads ? Il faut bien qu’on apprenne.

C’est ainsi qu’on peut citer quelques exemples. Saviez-vous que :
  • - la coquille Saint-Jacques est à l’origine de l’invention de la tôle ondulée ?
    - les yeux antireflets des mouches ont permis la création de panneaux photovoltaïques ?
    - la première montre-réveil s’est inspirée du grillon (la Cricket, de Vulcain) ?
    - la cigogne, la chauve-souris, le canard et même le thon ont inspiré autant de modèles d’avions ? etc…
Autrement dit, les êtes vivants ont accompli tout ce que nous voulons faire, sans épuiser les combustibles fossiles, sans polluer la planète ou hypothéquer leur avenir. Quels meilleurs modèles pourrions-nous imaginer ?

Voilà le cadre de la semaine ainsi posé.
Spoiler:
Oh je sais que j’écris des pavés, mais quand un sujet me passionne, voilà ce que ça donne (et puis tout le monde étant en confinement, voici donc un bonus bienvenu :lol: :arrow: haha) !

Je me permets donc de rajouter ici, pour les courageux, un petit aparté (une tribune de Coralie Schaub, journaliste) :

Comme disait un pharmacien, « Je plains ceux qui, en 2050, devront mettre au point des médicaments à partir de plantes qui auront disparu il y a trente ans ». C’est une vraie question. En 2007, en Inde, un virus a attaqué le riz. Les agronomes ont testé 6 400 variétés avant d’en trouver une, perdue dans les vallées de l’Himalaya, qui résiste au virus. C’est ça, la biodiversité. Face à un changement, vous avez la réponse quelque part. Ce qu’on détruit, c’est cette capacité à répondre. En 2007 aussi, disparaissait le dernier Beiji, le dauphin du Yang-Tse Kiang, en Chine. Il avait le plus fabuleux sonar qu’ait jamais inventé la nature. Eh bien, on l’a perdu, dans l’indifférence totale. Autre exemple : au Kenya, un animal très bizarre, le rat-taupe nu, vit cinquante ans. C’est fabuleux pour un rongeur. On découvre alors qu’il ne développe jamais de cancers. Du jour au lendemain, cette bestiole très laide arrive au firmament des espèces. Elle a eu de la chance.
[…]
Mais ne vouloir sauver que ce qui sert à quelque chose est d’une stupidité inouïe. Comme si la nature avait inventé des espèces pour aider ou gêner les humains il y a 300 millions d’années ! Ce n’est d’ailleurs pas la planète qu’on veut sauver, c’est le bien-être de l’humain.
[…]
Laisser entendre qu’un jour l’humain sera affranchi de la nature est l’idée la plus terrible de l’époque. Elle pose d’énormes questions éthiques. On revient à la maxime « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». Il faut ramener l’humain à ce qu’il est.
Oublions l’expression « dominer la nature ». Le biomimétisme, c’est l’inverse de cette arrogance.

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Sur ce, quelques ouvrages intéressants sur lesquels j'ai pris appui pour cette ouverture :

Biomimicry: Innovation Inspired by Nature, de Janine M. Benuys (1997), Ed. William Morrow (en anglais)
Biomimétisme : quand la nature inspire des innovations durables, de Janine M. Benuys (2011), Ed. Harmonia Mundi (en français)
Quand la nature inspire la science, de Mat Fournier (2016), Ed. Plume de Carotte

Re: Aperçu : Le Biomimétisme (ouvertures du 23-27/03/20)

par Taylor » 20 mai 2020 10:22

Jour 2

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Avant d’en venir demain aux applications pratico-pratiques du biomimétisme et de ce que l’homme a pu améliorer dans ses procédés en fonction de son observation de la nature, je vous propose de nous arrêter un instant pour constater via quelques exemples ce que la nature a déjà su créer avant nous. Et c’est parfois réellement surprenant !

LA NATURE L’A FAIT AVANT NOUS :

L’araignée argyronète qui plonge avec son oxygène
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Bien avant que les premiers plongeurs humains réussissent à transporter leur oxygène sous l’eau, l’argyronète avait déjà inventé le principe de la cloche de plongée. D’abord, quand elle plonge, cette petite araignée (aux caractéristiques bien terrestres, il faut le noter !) bénéficie d’un vrai scaphandre car son corps est entouré de soies épaisses et complètement hydrofuges qui emprisonnent ainsi l’air autour d’elle. Elle se crée auparavant une bulle d’air, sa réserve, qu’elle porte sur son abdomen durant sa plongée. Et, cerise sur le gâteau, elle sait aussi tisser une toile étanche où elle peut décider de se fabriquer une bulle d’air, plus grande, dans laquelle elle peut vivre. Pour augmenter la taille de la bulle (jusqu’à celle d’une noisette environ), elle va effectuer quelques aller-retours à la surface pour y apporter de l’oxygène supplémentaire en y déposant sa réserve !

En vidéo :
La vie aquatique de l'argyronète

Spoiler:
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Pour info, les premières « cloches à plongeur » datent du 17e siècle, quant aux premiers scaphandres, il faut remonter au 19e siècle et encore, à cette époque les plongeurs ne pouvaient pas encore transporter leur oxygène sur eux (ils respiraient grâce à un tube relié à la surface). Il faudra attendre l’apparition du détendeur pour cela, dont l’inventeur n’est autre que le commandant Cousteau, qui a travaillé quelques années plus tard au projet d’un sous-marin géant nommé… L’Argyronète !
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Les guêpes qui ont créé les premières le papier
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Eh oui, autant rappeler que les nids de guêpes ou de frelons sont composés en pâte à papier car ces derniers ne produisent pas de cire, contrairement aux abeilles. Ce faisant, des guêpes vont collecter quelques morceaux de bois dur sur les arbres puis les mastiquer (on les appelle à juste titre les guêpes papetières). Grâce à leur salive ceci devient une pâte qui prend d’abord la forme d’une petite boulette. Ces guêpes vont ensuite revenir les étaler en fine couche pour protéger leur nid (elles feront plusieurs couches). A l’intérieur, les alvéoles pourront être plus épaisses et se rapprocher d’une matière cartonnée. Selon les essences de bois récoltés, le papier des nids pourra prendre des teintes diverses.

Vidéo :
« Autopsie » d’un nid de guêpes : l’intérieur du nid

Spoiler:
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Pour info, et même si nous avons voulu l’inventer pour un tout autre objectif que celui des guêpes, la technique du papier-chiffon a été mise au point par les Chinois vers le 2ème siècle avant JC. C’est seulement vers le 12ème siècle que les Génois mettront au point la technique du papier que nous connaissons aujourd’hui. Quant au papyrus, ancêtre de tous ces supports et qui correspond à un autre procédé, il nous vient évidemment des Egyptiens et aurait été élaboré pas moins de 2500 ans avant notre ère.
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La grenouille des bois/le spermophile arctique/les tardigrades qui ont recours ou survivent à la congélation
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Oui, cette petite grenouille assez commune a développé une faculté bien surprenante mais fort utile pour sa survie à long terme : la capacité à se déshydrater, se congeler puis revenir à la vie sans séquelle ! Pourtant ce n’était pas gagné, sa peau très poreuse la rendait normalement particulièrement sensible au gel et à toutes ses conséquences… Pour réussir cette prouesse, elle accumule en fait beaucoup d’urée dans ses tissus et fait en sorte que son foie puisse convertir assez de glucose à partir de ses réserves de glycogène. Quand le froid arrive et que le gel commence à s’immiscer sous sa peau, elle va se déshydrater à hauteur de 60% de ses organes durant les 12 premières heures. Le gel ira jusqu’à atteindre son cerveau ou le cristallin de l’œil, son cœur, sa respiration, ses mouvements musculaires s’arrêtent complètement… et pourtant au redoux elle se réveillera en parfait santé !

Et pour tout vous dire, cette petite grenouille n’est pas la seule à pouvoir se cryogéniser ainsi :

Il en va de même avec le spermophile arctique, animal à sang chaud contrairement à notre grenouille, qui lui n’utilise pas sa fourrure pour se protéger du froid comme on s’y attendrait pour un mammifère, mais qui va geler son cerveau pour arrêter toutes les connexions et les synapses nerveuses. Il maintient ainsi une température corporelle de -2.9° (!) et peut se recongeler ainsi plusieurs fois par cycle de 3 semaines sans causer de dommages à ses fonctions vitales.

Et comment ne pas citer les tardigrades, ces invincibles qui vivent toujours passés les -273°, qui résistent à la déshydratation extrême, aux radiations à des concentrations létales, à des températures insupportables (l’eau bouillie ne lui fait rien), et même au vide de l’Espace ! Selon une étude récente, des tardigrades congelés en 1983 ont pu être ramenés à la vie 30 ans plus tard en réussissant à se reproduire ensuite !

En vidéo :
La Grenouille Congelée - Castor Mother #17 - String Theory

Spoiler:
Quant à nous, s’il existe nombre d’applications en médecine de la gestion du froid extrême, la cryogénisation pour nous ramener à la vie des années plus tard reste encore bien du domaine de la science-fiction et est très loin d’être maîtrisée… Des volontaires pour faire progresser la science :joker: ?!
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Les arbres qui ont un internet végétal, le Wood Wide Web
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Eh oui, saviez-vous que les arbres ne nous ont pas attendu pour mettre en place leur propre réseau de fibre optique ?

Pour communiquer, et notamment s’avertir d’un danger, on savait que les arbres diffusaient des « odeurs ». Mais la voie des airs est parfois incertaine, et les arbres ne peuvent comprendre l’alerte que s’ils sont de la même espèce parfois. Alors ils ont fini par trouver une autre voie, bien plus stable et fiable, sous terre.

Leurs racines sont un formidable messager, ils se sont arrangés pour tisser une toile qui les connecte entièrement, et transmettent alors leurs informations chimiquement, mais aussi électroniquement, à la vitesse d’un centimètre par seconde.

Mais vous me direz que les racines ne courent parfois pas si loin, ou qu’il est aussi démontré qu’il existe des arbres « solitaires », « réfractaires » et « individualistes » qui refusent d’entrelacer leurs ramifications souterraines. C’est alors qu’entrent en jeu des champignons appelés à la rescousse pour garantir la continuité de la transmission. Ils développent ainsi des filaments, et croyez-moi notre réseau paraît bien modeste à côté. Pour reprendre l’exemple souvent cité à ce sujet : une cuillerée à café de terre forestière contient plusieurs kilomètres de ces filaments, appelés hyphes. Ce sont ces champignons qui assurent, connectent et mettent en réseau des forêts entières entre elles.

Attention, ce réseau connaît les mêmes failles : virus, « darknet » etc… !

En vidéo :
INCROYABLE WOOD WIDE WEB (No 161)

Spoiler:
Il est encore aujourd’hui difficile de comprendre quelles informations se transmettent les arbres par ce réseau (alerte en cas de danger, types d’insectes en présence et état de sécheresse ont pu être déterminés a priori), mais quoi qu’il en soit, cette coordination à grande échelle date de la nuit des temps et est peut-être plus élaborée qu’on ne peut le penser… De quoi nous donner à réfléchir pour optimiser notre propre modèle d’organisation ?

Re: Aperçu : Le Biomimétisme (ouvertures du 23-27/03/20)

par Taylor » 20 mai 2020 10:32

Jour 3

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Venons-en aujourd’hui aux faits : qu’est-ce que l’homme a-t-il réellement bien pu tirer du biomimétisme ? Jetons-y un œil ! Si vous en connaîtrez peut-être certains, j’espère pouvoir vous en faire découvrir bien d’autres…

Et tant qu’à faire tout est en spoiler, comme ça vous choisissez votre niveau de lecture si vous avez besoin d’éviter le trade d’ennui !



Pour les transports

Du martin-pêcheur, au Shinkansen
Spoiler:
Le Shinkansen est le TGV japonais. Il a une énorme qualité : il roule très vite, à plus de 300 km/h. Sauf que plus un train va vite, plus il fait du bruit. Si bien que le bruit du Shinkansen a longtemps dépassé les normes acoustiques. Une très mauvaise nouvelle, puisque ce train traverse de nombreuses villes et zones urbaines japonaises. Pire, il passe aussi de nombreux tunnels très étroits. Or à chaque traversée, l’air du tunnel se trouvait brutalement comprimé puis relâché, ce qui provoquait d’énormes explosions sonores.

En quoi est-ce bio-inspiré ?

La solution est venue de Eiji Nakatsu, un ingénieur ferroviaire qui a la particularité d’être aussi passionné de biologie. C’est lui qui fit le rapprochement entre ce train et un oiseau en s’interrogeant : pourquoi tant de tapage au passage du Shinkansen dans les tunnels alors que le martin-pêcheur parvient lui à plonger pour attraper ses proies dans l’eau sans aucune éclaboussure ? Les deux phénomènes sont comparables : le train comme l’oiseau rencontrent brusquement une forte résistance. Mais l’oiseau traverse l’eau comme une fleur grâce à son bec tranchant.

Résultat : plus aérodynamique, le TGV japonais demande 15% d’énergie en moins et va encore plus vite. Et il n’y a plus d’explosions au passage du TGV dans les tunnels.
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Des avions plus performants, grâce aux rapaces, aux cigognes et même aux requins
Spoiler:
La prochaine fois que vous prendrez un avion, peut-être constaterez-vous que le bout de leurs ailes est légèrement relevé. Evidemment, il y a une raison à cela : réduction de la consommation (3.5 à 7% quand même), de la taille des voilures et augmentation de la portance des ailes notamment.

En quoi est-ce bio-inspiré ?

Les grands rapaces aussi ont leurs ailes recourbées au bout pour voler plus vite et consommer très peu d’énergie en même temps. Pour ses gammes d’avions, les ingénieurs de la compagnie Airbus ont ainsi développé les extrémités de voilure « winglets », directement inspirées de leurs ailes. Ils ont aussi développé les « sharklets », imaginées à partir des ailerons de requins, qui améliorent la stabilité et permettent de réduire les émissions de CO2.
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Le constructeur ne s’arrête pas là dans son approche biomimétique et a présenté en novembre 2019 son dernier projet : le fello’fly. Ce projet entend faire voler deux avions de même type en formation, à la manière des oiseaux migrateurs. Cela se traduit concrètement par un avion de tête, suivi à trois kilomètres de distance par un avion suiveur.
Objectif : diminuer de 5 à 10% sa consommation de carburant sur un vol long-courrier, et ainsi alléger ses émissions de CO2.

« Scientifiquement, le vol en ‘‘v’’ des oiseaux migrateurs permet de réduire leurs efforts. C’est la même chose qu’entre deux voitures ou deux cyclistes, celui de devant crée un phénomène d’aspiration pour celui de derrière, qui subit une moindre résistance. Dans le cas d’Airbus, l’avion de derrière nécessite donc moins de puissance et économise du carburant », détaille Marc Weber, responsable de la filière aéronautique de l’école d’ingénieurs ESTACA.

Les premiers essais réels du projet «fello’fly» doivent avoir lieu au courant du premier semestre 2020, avant une démonstration avec passagers et sur long-courrier en 2021.

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Pour l’architecture

Du scarabée à la récolte d’eau là où il ne pleut jamais
Spoiler:
Comment récupérer de l’eau quand il ne pleut pas ? Question ardue et aux milles applications. Andrew Parker et Chris Laurence, deux zoologues anglais, ont un début de réponse…

Pourquoi est-ce bio-inspiré ?

Nos deux zoologues ont en effet décidé de se pencher sur le cas d’un petit scarabée du désert de Namibie. Ainsi, ils espèrent permettre aux ingénieurs de créer des bâtiments qui récupèrent l’eau… du brouillard !

Le scarabée du désert de Namibie n’a en effet pas accès à l’eau douce pour boire. Comment réussit-il donc à s’hydrater ? Il se « fabrique » chaque matin sa goutte d’eau nécessaire à sa survie (50° en journée !). Et pour ce faire, rien de plus « simple et évident » : il parvient à boire l’eau du brouillard, en se servant des petites bosses qu’il a sur le dos et de ses élytres : la carapace de ce scarabée possède en effet des bosses hydrophiles, qui attirent donc l’eau, alternées avec des creux hydrophobes.

Lorsque le brouillard se lève sur le désert, le scarabée se positionne dans la direction du vent. Le brouillard forme une vapeur d’eau qui va se concentrer sur les bosses, formant des gouttelettes. Elles se mettent peu à peu à glisser, via les creux, jusqu’à la bouche du coléoptère !

À l’issue de cette observation, les deux zoologues anglais ont donc eu l’idée de réaliser des filets capteurs de rosée reproduisant cette technique afin d’en équiper les bâtiments. Le scarabée a même inspiré le village de Chungungo, dans l’Atacama, au Chili, pour obtenir de l’eau là où il ne pleut jamais.
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Du lotus aux vitres et peintures autonettoyantes
Spoiler:
Dans les villes, les vitrines et les murs sont constamment salis par les passants, les voitures, la pollution engendrée etc… Ces mêmes salissures créent aussi un milieu idéal plein de nutriments pour certaines bactéries indésirables qui dégradent la peinture avec le temps. Les grands fabricants s’interrogent donc depuis longtemps déjà pour mettre au point des systèmes auto-nettoyants, qu’ils ont commencé à réussir à développer.

Pourquoi est-ce bio-inspiré ?

Prenons un exemple parlant : Lotusan, ces peintures ayant été conçues directement sur le modèle du lotus.

Cette plante vit beaucoup dans des zones marécageuses, où elle est constamment aspergée de poussières. Or, pour pratiquer la photosynthèse, il est indispensable d’avoir ses feuilles propres. Elle a donc trouvé une technique imparable pour enlever les impuretés qui l’asperge tous les jours. En effet, les feuilles de cette plante ne sont jamais mouillées car elles sont composées d’une multitude de petites structures superhydrophobes, autonettoyantes et imperméables, accompagnées d’une cire qui, elle aussi, repousse l’eau. Quand une goutte d’eau vient à tomber sur la feuille, elle roule jusqu’au centre de celle-ci en emportant toutes les saletés avec elle. De plus, quand on observe ces feuilles au microscope, on aperçoit qu’elles sont composées d’une multitude de petites brosses qui vise à limiter le contact entre l’eau et la feuille. Cette propriété existe aussi chez le chou, les feuilles de capucines ou encore les nénuphars, mais dans une moindre mesure.

Il est à noter que cette caractéristique est connue depuis seulement 20 ans dans les pays occidentaux, mais depuis 2000 ans en Asie (et c’est pour cela que le lotus est symbole de pureté dans le religion bouddhiste).
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Les matériaux bio-inspirés n’en sont qu’à leurs débuts. Des bâtiments se construisent en reproduisant les effets thermorégulateurs des pommes de pin, dont les écailles s’ouvrent et se ferment selon les variations d’humidité. L’Eastgate building, à Harare, au Zimbabwe, est un gigantesque centre commercial conçu par un architecte passionné de biologie, sur le modèle d’une termitière et ayant ainsi pu mettre au point une climatisation passive en… 1996 ! L’immeuble consomme ainsi 90% d’énergie de moins que la moyenne d’après son concepteur. Plus impressionnant encore, les modèles essentiels que constituent le bambou ou les coquilles calcaires pour les matériaux de construction sont à base de carbone et fixent donc le gaz carbonique au lieu d’en rejeter ! L’entreprise Calera a déjà réussi à inverser l’équation en fixant une demi-tonne de CO2 à chaque tonne de ciment qu’elle produit, sur le modèle des coraux là encore.


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Pour le quotidien

Du fruit de la bardane au velcro
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Tout le monde connaît le velcro, ce système de fermeture rapide pour vêtement. Plus connue sous le nom de “scratch”, la bande velcro est une invention que l’on doit à l’ingénieur suisse, George de Mestral.

En quoi est-ce bio-inspiré ?

L’histoire raconte qu’en 1941, au retour d’une partie de chasse dans les Alpes, George de Mestral doit enlever quantité de fruits de bardane accrochés à ses vêtements et dans les poils de son chien. La Bardane (Arctium lappa) est une plante sauvage qui possède en effet des fruits qui s’agrippent aux poils des animaux, permettant ainsi la dissémination de ces semences.

George de Mestral eut l’idée d’observer le fruit de la Bardane au microscope, c’est ainsi qu’il constate que les épines du fruit sont terminées par des crochets déformables. Ces crochets se prennent dans les poils et les tissus à boucle et reviennent à leur forme initiale une fois arrachés d’un support.

Cette observation lui donne l’idée de créer un type de fermeture rapide pour vêtement. Après plusieurs années de développement, il obtient le résultat attendu avec une bande de coton doux et une bande de polyester à crochets. Il nomme son invention Velcro, par apocope des mots « velours » et « crochet », et dépose des brevets à partir du début des années 1950 (dépôt de la marque en 1952), et la production industrielle de Velcro sera lancée dans la foulée !
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De nouvelles LED inspirées des lucioles
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Un des problèmes actuels concernant les lampes LED est que leur efficacité est limitée par la capacité de la lumière à s’échapper de la lampe. En effet, une bonne partie de la lumière émise par les LED se reflète dans le fond de la lampe. Mais de nouvelles LED à l’étude permettrait de résoudre ce problème et, incidemment, produire jusqu’à 98% plus de lumière que la normale.

En quoi est-ce bio-inspiré ?

C'est au microscope électronique que les scientifiques étudient les lucioles, et plus précisément la partie de leur exosquelette localisée au niveau de l'abdomen permettant d'émettre de la lumière dans le noir. Une analyse qui a permis de constater que cette zone luminescente est composée de trois parties, une conception étonnement semblable à celle de nos LED actuelles : une source lumineuse entourée d'une lentille et d'une surface réfléchissante.

En traversant l’abdomen d’une luciole, la lumière est confrontée à des conditions similaires à ce qu’il se passe dans une LED. Néanmoins, la luciole émet finalement plus de lumière.

La principale différence mise en avant par les scientifiques étant que la lumière émise par la luciole est canalisée par les crêtes de son exosquelette pour les concentrer en un point unique de rayonnement.

En reprenant ce motif naturel et en l'appliquant à des LED, les scientifiques ont pu créer une LED produisant jusqu'à 98% plus de lumière que la normale. Une nouvelle lentille qui permettrait de réaliser d'énormes économies d'énergies pour des résultats supérieurs. Économies qui seraient également financières, car elle permettrait également de ne plus avoir à appliquer de traitement antireflet aux lentilles, une opération généralement très coûteuse en termes de coût de fabrication.
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lucioles - led.jpg (19.5 Kio) Vu 663 fois
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Sources

Du martin-pêcheur au Shinkansen japonais : https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-planete/20120324.RUE8759/biomimetisme-cinq-inventions-geniales-inspirees-par-la-nature.html
Airbus et le fello'fly : https://www.msn.com/fr-fr/finance/entreprises/comment-airbus-sinspire-des-oiseaux-migrateurs-pour-%C3%A9conomiser-du-carburant/ar-BBYzgQf?li=BBoJvSH
Du fruit de la bardane au velcro : https://www.alsagarden.com/blog/la-bardane-cette-plante-a-lorigine-du-velcro/
De nouvelles leds inspirées des lucioles : https://www.generation-nt.com/biomimetisme-led-plus-performantes-grace-lucioles-actualite-1649362.html
Du scarabée à la récolte d'eau : https://www.consoglobe.com/le-biomimetisme-naturellement-revolutionnaire-cg/3
Le lotus et les matériaux autonettoyants : http://tpe-biomimetisme.1eres.over-blog.com/article-le-lotus-62862726.html

Re: Aperçu : Le Biomimétisme (ouvertures du 23-27/03/20)

par Taylor » 20 mai 2020 10:39

Concernant ce 3ème jour, Gorhyk avait demandé dans la file à avoir plus d'informations concernant les filets récupérateurs d'eau et principalement un ordre d'idée du nombre de litres d'eau par m² qui pouvaient ainsi être récoltés.

Voici ma réponse en complément :

@Gorhyk > Ah ah, oui moi aussi c'est ce qui m'a le plus intrigué de tous, ces attrape-brouillard ! En fait, on en retrouve autant au Népal, au Pérou qu'au Maroc par exemple. Il y a donc de vraies applications pratiques. Les infos varient d'une récuparation de 5 à 30L d'eau par m² de filet posé, j'ai même vu jusqu'à 50 mais ce n'était qu'une donnée théorique, non confirmée sur le terrain donc je m'abstiendrai de la retenir.

Sachant qu'en Afrique la conso moyenne quotidienne est de 50L...

Pour un exemple encore plus poussé :

Pour te donner un exemple concret, à Tsivaha en Afrique du Sud, un grand filet récolte jusqu'à 2500 litres d'eau par jour dans une école quand les conditions sont favorables. Autant dire que c'est énorme mis dans le contexte d'un village qui devrait aller à un puit à des km et ramener quelques bassines sur la tête des habitants... Autant la création que la maintenance ne coûte rien en plus. A Lima, où il pleut très peu mais où on rencontre 90% d'humidité dans l'air, ces filets sont aussi utilisés.

Ce qui donne une meilleure récolte d'eau c'est en fait le vent. Car un filet attrape-brouillard sans aucun mouvement d'air pour venir plaquer les gouttelettes/condensation ne servirait pas à grand chose. C'est pourquoi ils sont souvent installés en régions montagneuses ou sur les hauteurs tout du moins.

MAIS (tant qu'à aller au fond du sujet du biomimétisme)

Devinez comment a été trouvé la solution pour que même les populations en plaines arides puissent en bénéficier ? Et pas le droit d'utiliser de joker :lol:

Oui, à nouveau, des équipes se sont intéressées aux propriétés hydrophiles du.... coton ! Surtout que celui-ci a la capacité naturelle de relâcher cette eau quand il fait chaud. Bon, elles l'ont quand même amélioré et modifié en permettant à celui-ci d'absorber 340% de son poids en eau au lieu des 18% habituels. Mais c'est aussi exactement ça l'innovation par la biomimétique.

Ce coton modifié fonctionne ainsi indépendamment du vent et absorbe, telle une éponge, toute forme d'humidité dans l'air pour la relâcher au-delà de 34°. Je ne comprends pas qu'on en parle pas plus, c'est tellement simple et donc génial.

Re: Aperçu : Le Biomimétisme (ouvertures du 23-27/03/20)

par Taylor » 20 mai 2020 10:46

Jour 4

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Nouveaux exemples de bio-inspiration/biomimétisme aujourd’hui, sur le même modèle de fonctionnement qu’hier.



Pour les systèmes d’organisation

Des fourmis et bancs de poissons pour surpasser nos GPS
Spoiler:
Mieux gérer le trafic routier, diminuer les embouteillages et les accidents, et pourquoi pas faire tout ça en se passant de GPS en plus ? Le rêve n’est plus très loin de la réalité…

Pourquoi est-ce bio-inspiré ?

Les bancs de poissons se déplacent extrêmement vite, sans jamais de collision. Les fourmis, malgré leur cerveau de la taille d’une tête d’épingle, ont développé d’étonnantes facultés (pas encore totalement comprises) pour se repérer et s’orienter, même en marchant à reculons. Les scientifiques essayent d’ailleurs de les décrypter sous la forme d’un « algorithme des fourmis » pour étudier la science de la circulation, leur comportement de recherche d’itinéraire entre la colonie et une source de nourriture, ce qui a déjà été utilisé pour la mise au point des systèmes de guidage GPS. Mais on peut aller encore plus loin. Les abeilles par exemple ont la capacité de cesser d’exploiter une ressource dès qu’elle n’apparaît plus comme suffisante, même si celle-ci n’est pas épuisée.

En matière de biomimétique, les idées fourmillent. En voilà une qui tient vraiment la route :

Les chercheurs du CNRS et d’Aix-Marseille Université ont mis au point un robot à six pattes capable de se repérer sans GPS ni cartographie. Son petit nom : AntBot (aka “Robot-Fourmi”). Il part en vadrouille, explore aléatoirement son territoire, puis rentre au bercail tout seul comme un grand, grâce à une sorte de “boussole solaire”. Son fonctionnement, relativement “low tech” et peu coûteux, s’inspire des fourmis du désert, qui captent les UV du soleil et savent interpréter leur polarisation pour se repérer dans le Sahara. Après avoir parcouru des centaines de mètres pour trouver leur pitance, ces fourmis rentrent sans souci au nid, en ligne droite, sans jamais se perdre. De véritables stars de la navigation, qu’il était temps de suivre à la trace.
Fourmis - Antbot.jpg
Fourmis - Antbot.jpg (60.67 Kio) Vu 659 fois
Le blob, nouvel urbaniste ?
Spoiler:
En 2010, des chercheurs anglais ont réalisé des études sur le Physarum polycephalum, une variété d’amibe qui s’apparente aux champignons sans pour autant en être un. On le surnomme d’ailleurs « blob », en référence au film de science-fiction The Blob de 1958. Ils ont disposé sur des cartes de différents pays des morceaux de nourriture aux emplacements des grandes villes et ont pu observer le réseau de veines du « blob » se déplacer « de ville en ville », privilégiant certains trajets plutôt que d’autres pour être le plus efficace possible. En optimisant le transfert des nutriments entre les parties éloignées de son corps, le Physarum polycephalum retrace ainsi un parcours « optimal ». Une source d’inspiration étonnante mais qui permet d’imaginer comment nous pourrions optimiser des réseaux de transports entre ces différentes zones urbaines par exemple.

Exemple en vidéo avec une carte du réseau japonais de transport (lire la vidéo à 15mn 30s, le forum n'acceptant pas d'intégrer une vidéo Youtube à partir d'un moment précis), c'est édifiant (!) :



Note : ceci est le documentaire diffusé samedi soir sur Arte. Vous pourrez y découvrir le blob et ses étonnantes capacités (une cellule, la seule qui puisse s'observer à l'oeil nu, sans cerveau ni intestin mais qui se déplace et cherche sa "nourriture") et les applications qu'on pourrait en faire.

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Pour la santé

Du requin au revêtement antibactérien
Spoiler:
La société américaine Sharklet a fabriqué un revêtement antibactérien destiné à être utilisé dans les hôpitaux par exemple. Cette technologie pourrait permettre de diminuer fortement, voire d’abandonner totalement, l’usage de produits antibactériens pour nettoyer les surfaces. Elle peut aussi contribuer à diminuer grandement les risques de contracter des maladies nosocomiales lors de séjours hospitaliers.

Pourquoi est-ce bio-inspiré ?

Parce que ladite société s’est, une fois de plus, directement inspirée de la peau des requins.

Le requin des Galapagos ne présente en effet pas une seule bactérie sur la surface de son corps et ne souffre d’aucune infestation d’organismes quelconques. Il ne doit pas cette particularité à sa grande vitesse (à l’inverse, le requin des Galapagos a plutôt tendance à se déplacer lentement), mais au fait de posséder des denticules sur ses écailles, qui forment des motifs bien particuliers empêchant les bactéries de se poser et d’adhérer à sa peau.

Les combinaisons de natation s’inspirent elles aussi des peaux de requins, en imitant ses vertus hydrophobes. George Lauder de l’Université de Harvard, a découvert que si les requins glissent si bien, c’est parce que leurs écailles exercent une forte poussée sur l’eau. Une caractéristique essentielle pour les nageurs.
requins - antibacterien.jpg
requins - antibacterien.jpg (26.46 Kio) Vu 659 fois
Des poissons polaires pour protéger les cellules et plaquettes sanguines
Spoiler:
La médecine régénérative fait face à moult obstacles, dont celui de la conservation et de la préservation des matériaux biologiques (cellules et plaquettes sanguines), généralement plongés dans l’azote liquide avec un risque de détérioration. La solution ? Un antigel !

Pourquoi est-ce bio-inspiré ?

Parce que cet antigel nous vient directement d’un poisson, d’un de ceux qui vivent dans ces milieux peu accueillants…

En s’adaptant aux conditions de vie des pôles, les espèces vivantes ont développé tout un arsenal de réponses morphologiques, physiologiques et comportementales qui inspirent aujourd’hui le biomimétisme. Ces différentes espèces sont confrontées à de très basses températures, à la présence de glaces terrestres et de mer, à l’alternance de jour et de nuit, et à de faibles taux d’humidité. Les poissons des mers polaires, les notothénioïdes, sont des animaux ectothermes, ce qui signifie que leur température intérieure est la même que celle de l’eau, soit 0° ou parfois -1° à cause du sel présent dans l’eau. Pourtant, aucun cristal de glace ne se forme dans leurs corps à cette température. C’est une enzyme présente dans leur sang et sécrétée par le pancréas qui empêche le cristal en formation d’agréger des molécules d’eau. L’architecture chimique remarquable de cette protéine antigel ouvre la voie à des études en médecine régénérative pour la conservation et la préservation des matériaux biologiques, mais aussi en agriculture pour les graines et semences présentes dans des sols gelés etc…
poisson des glaces - azote.jpg
poisson des glaces - azote.jpg (38.03 Kio) Vu 659 fois
Les exemples de molécules extraites du vivant et utilisées comme anti-cancéreux, antibiotiques, antiviraux, anti-champignons… abondent… Pour le milieu marin, les éponges produisent à elles seules plus de 30% de ces produits. On estime à quelque 25 000 le nombre de produits d’intérêt pharmacologique ou cosmétique déjà obtenus de modèles océaniques. Pas moins de treize prix Nobel de médecine ont été acquis à partir de modèles aquatiques.


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Pour la défense

Un papillon de nuit pour détecter les explosifs
Spoiler:
La détection efficace d'explosifs tels que le trinitrotoluène (TNT) constitue un défi en matière de sécurité. Car ces composés, très peu volatils, ne peuvent être détectés à distance qu'avec des capteurs extrêmement sensibles. Les systèmes actuels détectent des concentrations de l'ordre de 1 partie par milliard (soit une molécule pour 109 molécules d'air), performance qui peut se révéler insuffisante pour assurer la sécurité d'un aéroport, par exemple. Un détecteur d’explosifs repoussant d’un facteur mille les seuils de détection atteints jusque-là, allant jusqu’à s’approcher de ceux d’un chien entraîné, a été mis au point.

Pourquoi est-ce bio-inspiré ?

Des chercheurs du CNRS se sont inspirés du Bombyx du Mûrier, un papillon de nuit originaire de Chine et dont la chenille est communément appelée ver à soie. Ils ont copié la structure de ses antennes pour créer un micro-levier en silicium où s’alignent près de 500.000 nanotubes en dioxyde de titane, capable de détecter des concentrations de TNT jusqu’à 1.000 fois inférieures aux quantités que la technologie actuelle est en mesure de repérer.

Le CNRS précise que cette même technologie pourrait être utilisée pour détecter les drogues ou les substances toxiques comme les COV. Quel flair !
papillons - explosifs.jpg
papillons - explosifs.jpg (42.25 Kio) Vu 659 fois
Des caméléons et céphalopodes pour changer un objet de couleur et de texture instantanément
Spoiler:
A l’heure des hautes-technologies de détection, il ne suffit plus de quelques coups de peinture aux couleurs bien choisies pour camoufler un véhicule ou même un homme. Camouflage ne veut pas dire invisibilité non plus, et c’est pourtant ce à quoi les militaires de tous temps aspirent pour mieux surprendre l’ennemi… Des scientifiques ont réussi à obtenir des textures au relief modifiable sur une peau synthétique à base de silicone. Les possibilités de transformation de ces surfaces sont encore rudimentaires, mais, par exemple associées à un réseau de neurones artificiels, elles laissent entrevoir un nouveau champ du possible.

Pourquoi est-ce bio-inspiré ?

Pour ce faire, ces équipes ont analysés caméléons et céphalopodes (pieuvres, seiches, calamars) qui disposent d’une capacité exceptionnelle : l’homochromie variable. Ceci leur donne la faculté de changer de forme et de couleur en fonction de leur environnement, et même d’exprimer des sentiments. Tout ça de manière quasi instantanée. En quelques millisecondes ils sont ainsi capables de modifier la texture de leur peau et d’imiter la granularité de leur environnement. Il faut le voir pour le croire, c’est parfois stupéfiant.

En s’inspirant de l’animal au célèbre camouflage, le caméléon, les chercheurs de l’industriel de l’armement Nexter développent une peau hautement technique capable de reproduire les couleurs et textures environnantes, en temps réel, pour échapper à l’œil des technologies de plus en plus invasives. Ce projet à la pointe des technologies de furtivité dont le principe de « peau active », composée de macro-pixels qui changent automatiquement de couleur en fonction de leur environnement, a été breveté par la DGA.

Regardez plutôt ce que ça donne en vidéo :

Octopus Hunting Crab and Using Camouflage
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Spoiler:
Sources
Fourmis et GPS : https://www.soonsoonsoon.com/fr/detections/remplacer-son-gps-par-un-cerveau-de-fourmi/
Requins et revêtement antibactérien / Papillons de nuit et détecteurs d'explosifs : https://www.consoglobe.com/le-biomimetisme-naturellement-revolutionnaire-cg/2
Poissons polaires et antigel : livre Biomimétisme, il y a du génie dans la nature ! de Jean-Philippe Camborde
https://www.sudouest.fr/2018/04/16/biomimetisme-et-bio-inspiration-quand-la-nature-nous-inspire-4377573-10275.php
Caméléons et céphalopodes pour le camouflage : https://up-magazine.info/index.php/technologies-a-la-pointe/technologies/8458-cameleon-le-camouflage-high-tech-de-l-armee/ et Wikipédia

Re: Aperçu : Le Biomimétisme (ouvertures du 23-27/03/20)

par Taylor » 20 mai 2020 10:55

Jour 5

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J’ai voulu vous faire découvrir quelques exemples de ce sur quoi planchent les biomiméticiens aujourd’hui, un très petit aperçu, parce que ça m'a fasciné. Par là même, c'était l'occasion de s'émerveiller de choses astucieuses, ingénieuses, et de se rappeler qu'il y a bien des trésors cachés à découvrir si on se donne la peine de s'y intéresser, ou plutôt si on en a l'humilité devrais-je dire. J'essaye de toujours cultiver la faculté à s'émerveiller, même de peu, à s'enthousiasmer, de résister au cynisme et à la sinistrose. Malgré tout ce tragique, il y a toujours quelque part de quoi trouver un élan positif. Le biomimétisme est peut-être une des voies permettant de faire enfin se rencontrer l'homme et la nature, sans en contraindre aucun.

Fût-il utile de rappeler que la biomimétique n’est pas un retour en arrière, et ne prône pas non plus que tout ce qui existe déjà suffit à notre développement, mais bien que tout est à portée de main ! C’est la science dont le credo est avant tout d’innover toujours plus, ou plutôt toujours mieux…

Cela ouvre plus généralement le débat et nous ramène à notre état véritable : celui d’une espèce parmi d’autres sur Terre qui doit collaborer, composer avec son environnement pour s'y intégrer et survivre. Nous ne sommes fondamentalement ni plus, ni moins que d’autres. Nous avons certes eu une habileté manifeste à tirer parti de chacune de nos compétences, plus ou moins uniques, dont le langage ou la conscience, mais nous avons aussi besoin de sortir de notre idée de suprématie et d’égocentrisme pour savoir regarder un peu plus autour de nous et respecter cet écosystème extraordinaire et tout ce qu’il peut nous apprendre.

Loin de moi l’idée d’une critique purement rétrograde de l’Homme, je ne cherche pas à nier nos facultés, simplement j’aime la remise en question et celle-ci me paraît d’envergure. Nous ne sommes pas les seuls aptes à faire et réussir. La coopération et la prise de recul ne sont pas des aveux de faiblesse ou d'échec, même s'ils s'exercent avec un monde animal, végétal ou microbien, mais révèle bien plus l'intelligence. Surtout quand cette expérience provient d'itérations, d'essais-erreurs, réalisés depuis des milliards d'années... D’autre part je ne considère jamais rien pour acquis et surtout pas notre vision du monde, élaborée sous nos propres œillères et donc nécessairement partiale et incomplète.
Einstein - intelligence.jpg
Einstein - intelligence.jpg (136.01 Kio) Vu 658 fois
J’aimerais pour finir partager avec vous cette vidéo documentaire d’Arte. Si leur contenu est généralement de très bonne qualité, ils ne sont pas toujours les plus attrayants à regarder. Mais celui-ci est absolument fascinant et rempli de très belles images et informations mises en scène. A l’heure du confinement, je vous invite à dédier 30 minutes de votre temps à visionner cette vidéo très instructive, qui va progressivement du plus général au plus spécifique (nous), et qui pourra à coup sûr générer quelques discussions avec vos proches ce soir, vous ne le regretterez pas !

Vidéo (rien à voir avec une vie extraterrestre malgré le titre...) :

Une espèce à part (intégrale) | ARTE


Note : pour entrer un peu plus vite dans le vif du sujet, il faut débuter vers 6mn40s

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Et un petit spoiler bonus comme je les aime :lol: Je l'ai cité lundi, et il me paraissait indispensable de retranscrire un extrait de ses propos ici en tant que pionnière du sujet :
Spoiler:
Extrait du livre « Biomimétisme : quand la nature inspire des innovations durables », J. Benuys

« Plus notre monde se rapprochera de la nature, plus nous aurons de chances d’être acceptés sur cette Terre dont nous ne devons jamais oublier que nous ne sommes pas les seuls propriétaires.

[…] Maintenant que nous pouvons synthétiser ce dont nous avons besoin et manipuler l’alphabet génétique à notre convenance, nous avons acquis ce que nous pensons être l’autonomie. Cramponnées au rouleau compresseur de notre technologie, nous nous prenons pour des dieux, très loin de notre planète. En réalité, loin d’avoir échappé à la pesanteur, nous sommes toujours soumis aux lois écologiques qui régissent toute forme de vie. Selon la moins révocable de ces lois, une espèce ne peut occuper une niche écologique et s’emparer de toutes ses ressources : un certain partage est nécessaire. Toute espèce qui ignore cette loi finit par détruire sa communauté pour nourrir sa propre expansion. Malheureusement, c’est le chemin que nous avons pris. Au départ, une faible population occupait un très vaste espace, puis nous nous sommes multipliés et avons étendu notre territoire jusqu’à faire voler ses frontières en éclats. Nous sommes trop nombreux, et nos modes de vie ne sont pas durables. Cependant, je suis persuadée, comme beaucoup d’autres avant moi, qu’il ne s’agit que d’une tempête avant l’accalmie. Les nouvelles sciences du chaos et des systèmes complexes nous apprennent que moins un système est stable, plus il est prêt à changer. L’évolution elle-même se serait produite par à-coups, stagnant pendant des millions d’années avant d’accéder à un niveau de créativité entièrement nouveau suite à une crise. »

« Nous souvenir de la jeunesse de notre espèce par rapport à l’ancienneté des fougères, c’est nous permettre de nous réconcilier avec nous-mêmes. »

Re: Aperçu : Le Biomimétisme (ouvertures du 23-27/03/20)

par Benoist Rousseau » 20 mai 2020 11:57

merci énormément Taylor :top:

Re: Aperçu : Le Biomimétisme (ouvertures du 23-27/03/20)

par Ghibli » 20 mai 2020 13:24

Un grand merci Taylor, j’avais beaucoup apprécié tes ouvertures. :mercichinois:
Très pratique de pouvoir les consulter au même endroit !

La biodiversité est un trésor d’ingéniosité et un bonheur à contempler.

Re: Aperçu : Le Biomimétisme (ouvertures du 23-27/03/20)

par ChristelleP » 20 mai 2020 13:30

Merci Taylor :mercichinois:

Re: Aperçu : Le Biomimétisme (ouvertures du 23-27/03/20)

par Amarantine » 20 mai 2020 16:17

ça c'est une excellente initiative, merci Taylor.

Re: Aperçu : Le Biomimétisme (ouvertures du 23-27/03/20)

par Taylor » 22 mai 2020 10:32

Merci à vous pour vos retours durant la semaine et ici, c'est toujours un plaisir de partager :top:

Re: Aperçu : Le Biomimétisme (ouvertures du 23-27/03/20)

par tradegirl » 22 mai 2020 16:21

J'en parlais justement avec une amie hier, merci pour les infos :)

Re: Aperçu : Le Biomimétisme (ouvertures du 23-27/03/20)

par bujinkan34 » 24 mai 2020 18:31

Bonjour,

Je découvre petit à petit le forum et je tombe sur ce post très intérèssant :mercichinois:

Merci Taylor, je me coucherai moins bête ce soir et je ferai voir ça à mes filles, elles adorent regarder quand il y a des bébètes, j'entends des ouah c'est trop bien qui font plaisir à chaque fois.

:merci:

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