L’idée de cet article m’est venue avec l’affluence de nouveaux membres, souvent débutants, chez lesquels on observe fréquemment les mêmes idées reçues. Il est probable que ces dernières les empêchent, au moins partiellement, d’avancer.
Je ne prétends surtout pas détenir quelque vérité absolue, mais j’espère que ces quelques lignes vous feront voir différemment votre apprentissage du trading.
Les traders chevronnés auront certainement l’impression que j’enfonce des portes ouvertes, mais j’ai découvert hier le journal d’un membre et ai dû m’arrêter après à peine quelques pages remontées en arrière car je me sentais peiné pour ce membre, ce qui a d’ailleurs concrétisé le besoin de pondre cet article pour moi.
N’y voyez aucun mal, le but est vraiment d’aider les uns et les autres. Chaque idée listée a été observée maintes fois, il n’y a pas un individu de ciblé en particulier (je ne me le permettrais surtout pas, et moi le premier, je fais un paquet d’erreurs).
Pourquoi s’être arrêté sur “12” points ? Pour que vous luttiez contre ces pièges classiques avec la même hargne et volonté qu’Héraclès au cours de ses douze travaux, bien sûr !
I – Croire que “Dépenser de l’argent à travers ses erreurs en apprenant à trader” = “Perdre de l’argent”.
Faux.
Comme tout apprentissage, celui du trading requiert un certain nombre de sacrifices. On en dénombre communément a minima trois : le temps, l’argent, la charge cognitive.
En France, on est aseptisés à tout un tas de difficultés (souvent car elles sont considérées comme “dangereuses” pour nous (ciel !)). On paye très faiblement pour l’éducation, pour la santé, etc. Grand bien nous fasse, soyons-en satisfaits.
Un modèle plus réaliste pour comparer les sacrifices à faire pour l’apprentissage de toute profession, c’est celui des US. Les études supérieures représentent là-bas un coût bien plus élevé que celui que nous connaissons.
Pour rappel : une année d’étude là-bas, c’est au minimum $20.000. Pour les écoles les plus prestigieuses, ça peut aller jusqu’à $100.000 par an.
Prenons une profession très rémunératrice pour comparer équitablement au trading : les études de médecine. Minimum 8 ans d’étude, maximum 15 ans. En moyenne 80 heures de travail par semaine.
Sans parler de la possibilité de ne pas aboutir au terme de ses études pour plusieurs raisons (tout comme certains ne seront jamais profitables dans leur trading, c’est une réalité qu’il faut accepter).
=> Cet étudiant a donc déboursé au minimum $160,000 (140.800€ au cours actuel) pour exercer sa profession. Au minimum (je ne vous dirai pas le maximum pour ne pas vous effrayer).
Donc cet étudiant a dépensé plus de 140.000€, 8 ans de sa vie, 80h/semaine, pour aboutir à une profession qui lui offre une rémunération approximativement comparable aux gains d’un bon trader.
Etes-vous prêts aux mêmes sacrifices ?
Comment peut-on concevoir qu’il est possible d’aboutir à une profession hautement rémunératrice sans des sacrifices conséquents à la fois en temps, en argent, et en efforts mentaux ? Il faut redescendre sur terre…
Des exemples français, comme je le disais, il y en a peu. Malgré tout, certaines écoles de commerce prestigieuses proposent des formations de 5 à 7 ans pour 15.000€ par an. C’est minimum 75.000€ de déboursés, sans nécessairement avoir la même rémunération à la clé qu’un très bon trader.
Soyons réalistes à un moment ! Est-ce que vous avez vu un seul des bons traders de ce forum qui ne soit pas passé par une grosse perte au cours de sa progression ? Pourquoi feriez-vous exception ?
II – Croire que l’on peut outrepasser certaines étapes dans son cheminement, qu’on n’empruntera pas le même chemin que les autres parce que “ça ne m’arrivera pas à moi !”.
C’est le classique “Moi, je compte pas attendre 5 ou 10 ans pour être profitable !”
Faux.
Surtout lorsqu’on n’avait pas de bagage initial. A nouveau, interrogez-vous sur l’énormité de ce propos : vous croyez vraiment qu’on peut déboucher sur la profession de trader sans passer par un très long processus d’apprentissage et d’expérimentations ?
L’apprentissage du tading, c’est long. C’est difficile. C’est du travail, du travail, et encore du travail. Une montagne de travail. Je reprends mon exemple de l’étudiant en médecine de tout à l’heure : il a passé 8 ans de sa vie, 80h par semaine, à apprendre ce qui lui était nécessaire pour exercer sa profession. Pourquoi en serait-il différent pour la profession de trader, considérée unanimement comme hautement difficile elle aussi ?
On parle souvent de la célèbre règle des 10.000 heures pour devenir efficace dans un domaine. Ceux qui peuvent se targuer d’en avoir autant au compteur ne se posent plus de questions.
III – Croire qu’en copiant le trading de quelqu’un de profitable, on le sera également.
Faux.
Ce trader ne l’a pas lui-même copié, il l’a pensé à sa manière.
Question évidente qu’il ne devrait même pas y avoir besoin de se poser : les bons traders de ce forum ont-ils bêtement copié leur technique quelque part ou l’ont-ils découverte à leur manière, à la sueur du front et du nombre d’heures considérables à étudier les graphiques sans se faire influencer ?
On crée sa méthode par et pour soi-même. C’est du sur-mesure : soyez tous de grands couturiers dans l’âme. Vous créez votre costume de trading personnel à partir de rien, si ce n'est votre matière brute découverte à la sueur du front et des heures passées seul devant ses graphiques (oui, la répétition, c’est important ). Mais gardez à l'esprit que ce costume n'est bien qu'une enveloppe de tissu, le plus important c'est la personne qui le porte.
On peut trouver 100 méthodes gagnantes, tout comme on peut trouver 100 personnes perdantes avec n'importe laquelle de ces 100 méthodes gagnantes.
Si ça n’est pas votre méthode, vous ne connaîtrez pas certains paramètres, vous ne maîtriserez pas certains enjeux, vous ne saurez pas pourquoi vous avez fait ça comme ça.
Votre méthode est la résultante de vos propres réponses à vos propres questions.
On dit souvent qu'un trader doit notamment avoir pour qualités la rigueur, la remise en question, la persévérance. Moi j'aime à croire qu'il faut aussi un soupçon de créativité. Point trop n'en faut, on ne construit pas une usine. Mais tout de même, on construit son trading personnel et pas celui d'un autre.
IV – Croire qu’en posant toutes les questions qui nous passent par la tête à un trader profitable, parce qu’on n’a pas spontanément et immédiatement la réponse, on progressera.
Faux.
On apprend en cherchant soi-même, en testant soi-même. On ne devient pas forgeron en demandant au maître forgeron "Et pour une cimeterre, tu chauffes à combien ?". Non. On fait une première tentative, on échoue : trop chaud. On corrige, on échoue : trop lent dans le mouvement de poignet. On corrige, on échoue encore. Dix fois, cent fois, mille fois. On compare la millième cimeterre à la première. Ah oui, elles n'ont plus rien à voir. Pourtant on n'est toujours pas satisfait, et on a bien raison de ne pas l'être. Alors au boulot, on commence la 1001ème.
Mettez-vous un coup de pied aux fesses et bouffez du graphique, enfin ! Arrêtez de perdre votre temps à vous dire "Tiens, aujourd'hui je vais essayer la méthode d'untel. Tiens, mais si je tombe sur ce cas spécifique ... Je devrais poser la question à untel autre pour savoir comment lui réagirait."
Non. Toi, tu réagirais comment ? C'est tout ce qui compte. Et puis franchement, faire répéter la personne 10, 100, 1000 fois... Ca montre uniquement qu'on n'a pas pris le temps de s'intéresser à ce qu'elle a pu dire par le passé.
Par ailleurs, relisez votre question avant de la poser : est-ce vraiment pertinent ? Quelle réponse aurais-je apporté ? Vous seriez surpris de vous rendre compte que bien souvent, soit vous trouveriez un petit nombre de réponses possibles par vous-mêmes, que vous élimineriez facilement en vérifiant par vous-mêmes ... soit vous réaliseriez que votre question n'a en fait pas grand intérêt pour progresser.
(Exemple d'une question qui me fait rire et revient souvent : "Mais toi, à quel moment tu as eu un déclic ?" ... Euh, qu'est-ce que ça change pour toi en fait ?)
“Less talk, more action”, ça ne vous dit rien ?
Ca n'est pas en parlant ni en lisant qu'on progresse, c'est en expérimentant soi-même, en observant soi-même le marché. Quand on s'interroge sur un point de trading, la meilleure réponse est bien souvent trouvée en tâtonnant par soi-même sur le marché, pas en s'attendant à recevoir un petit mot sur un plateau d'argent.
V – Vouloir tout compliquer inutilement.
"Oui mais attends si je fais un peu de ci avec un peu de ça, vu que les deux individuellement fonctionnent, ça peut être sympa ! Ca m'ajoute une corde à mon arc !"
Non. Si t'es précis, t'as pas besoin d'une deuxième corde. Tu tires peu mais bien, tes flèches ciblent le centre, basta. tu es un sniper ou pas ?
La très large majorité des traders profitables n'embrayent pas sur une nouvelle méthode ou un mélange complexifiant de méthodes à mesure qu'ils en découvrent. Non, ils sont spécialisés dans LEUR trading, UNIQUEMENT celui-ci.
De surcroît, je le rappelle : ce qui marche en trading, c'est ce qui est simple et facilement observable. Parce que plus il y aura de gens qui regarderont au même endroit, plus il y aura de chances qu'un certain nombre d'entre eux réagissent.
Tracez deux niveaux horizontaux à 25.000 et 23.487. Lequel a été tracé par le plus grand nombre de traders à votre avis ?
Tracez une oblique en contre-tendance en 100 ticks et une autre dans la tendance en 4h. Laquelle aura été la plus tracée ?
Prenez un RSI 14 classique VS un RSI 35 avec double croisement de moyennes mobiles longues et courtes de l'indicateur, quels signaux auront été les plus suivis ?
Pourquoi aller chercher un indicateur farfelu utilisé par 0,00001% des traders (c’est en fait le créateur de l’indicateur qui l’utilise, ça gonfle la stat’ qui devrait normalement être plus proche de 0 ), alors que les indicateurs classiques sont bien plus connus et regardés ? Vous croyez vraiment pouvoir trouver un avantage statistique grâce à ce genre d’indicateur ? Vous croyez que ceux qui s’y sont essayé avant n’y sont pas parvenus, mais vous oui ? :roll:
Attention, cela ne contredit pas le fait d'inventer et de faire son propre trading. Mais son propre trading n'a pas forcément besoin d'être un trading nécessitant 16 écrans, quatre paires d'yeux, trois cerveaux dont celui de Newton et une patte de lapin.
Ca a déjà été dit sur le forum, mais les gens aiment se compliquer la vie. C’est difficile de faire simple. Pourtant la simplicité sur votre écran amènera la simplicité dans votre esprit. La lisibilité vous fera voir l’essentiel, ce qui importe vraiment.
“Se rendre à l’évidence”, c’est aussi aller vers l’évidence.
VI – Croire que notre échec est dû à un trade spécifique.
"Et voilà, j'ai fait 6 beaux trades et sur le 7ème je prends un rouge et je reviens à 0 ! J'aurais pas dû prendre ce trade, je le savais !"
A nuancer.
Qui vous dit qu’il n’y en aurait pas eu un autre, plus tard dans la journée, qui aurait abouti au même résultat ? Le problème ne vient pas de ce trade spécifique. Il est d’ailleurs bizarre de se plaindre d’avoir pris ce trade.
6 trades gagnants sur 7 = 85.7% de réussite. Or, il n'existe pas de système à 100% de réussite. Sinon, tout le monde serait déjà riche et, par voie de conséquence, personne ne le serait donc.
85%, c'est plus que suffisant pour un système viable, le problème n'est pas là.
Apprenez à identifier l'origine du problème : dans le cas présent, le RR (mais ç’aurait pu être autre chose). Car si le 7ème trade avait été coupé plus tôt, la question ne se poserait plus.
VII – Croire que ça y est, après une belle journée de gains sortie de nulle part, on a forcément passé un cap. Et quelques jours plus tard, grosse perte.
“Mince, je croyais avoir step up !”
Faux.
S’attendre à un déclic spontané, sans raison ni aucun travail en amont qui puisse le justifier sur la durée, c’est souvent illusoire. Un step up, ça se perçoit sur la durée.
VIII – Croire qu’il est important de pouvoir expliquer l'origine de tout mouvement sur le marché / que tout mouvement a une explication par une news, des fondamentaux, etc.
“Oulah, il se passe quoi là, les amis ?!” sur un mouvement de 50 points sur le Dax en cette période (juin 2020).
D'une, il ne se passe probablement rien. C'est juste un mouvement de 50 points, pas de 5000.
De deux, on n'est pas là pour chercher une explication à tout. "Le marché marque de belles impulsions haussières", rien qu'avec ça, vous avez ce qu'il vous faut. Et ça, ça se voit sur les graphiques, pas ailleurs.
IX – Croire qu’on peut expliquer la plupart de ses trades perdants d'un point de vue technique (j'englobe au sens large : méthode, MM, etc.) alors que bien souvent le problème est ailleurs.
Gageons qu'avec le même geste technique, le vous d'hier aurait pris ce trade différemment. Que le vous de demain le prendrait lui aussi différemment.
Le contexte, les conditions mentales, physiques, sociales, plus largement environnementales dans lesquelles vous tradez ont une importance. Un grand nombre de détails de votre vie auxquels vous n'avez pas prêté attention impactent votre trading.
Je vous garantis que vous pourrez vous expliquer avec plus de justesse pourquoi vous n'êtes pas sorti de position alors qu'il aurait mieux valu, pourquoi vous n'êtes pas entré ici mais là alors qu'il ne fallait pas, etc., en vous interrogeant sur ce qui s’est passé dans votre vie aujourd’hui ou récemment (même des détails qui peuvent avoir un impact important sur notre inconscient, qui lui-même influence grandement notre trading).
“Pay attention to the bigger picture”, comme on dit ! The bigger picture, c'est votre vie.
X – Vouloir que le marché s'adapte à VOTRE façon de trader au lieu de VOUS adapter à sa façon d'évoluer.
"Rholala, ce genre de journée, ça va pas du tout avec ma méthode ! Je sais pas quoi faire sérieux, ça m'énerve !"
Que faire ? C'est simple, deux façons de s'adapter : ne pas trader ni se sentir concerné par le marché ces jours-là, ou faire évoluer sa façon de trader.
Sachant que de toute façon, je le rappelle : il n'existe pas de méthode qui soit toujours, toujours efficace. Chacun pourra identifier des forces et faiblesses partout.
Comme on l'entend souvent : "Ne pas trader, c'est aussi trader." Oui, c'est même davantage trader que "trader de façon têtue quand rien ne va".
C'est un peu en lien avec le FOMO en fait. Vouloir à tout prix être "in". Bah non, parfois il n'y a pas de raison d'en être. Et "parfois", ça peut être plusieurs jours d'affilée. Rien de grave, rassurez-vous, on n'en meurt pas !
XI – Dire "J'ai pas eu de chance !" / "Le marché fait n'importe quoi aujourd'hui !" / "Non mais la chasse au stop loss quoi !"
Faux.
C'est pas le marché qui fait n'importe quoi visiblement dans ce cas. Et ça n'est pas une question de "pas de chance". Quand on fait une erreur, il faut l'assumer (dur pour l'égo ? Ca passera). Que ce soit parce qu'on n'a pas coupé assez tôt (objectifs irréalistes), qu'on attendait le prix légèrement plus bas (mauvais positionnement de sa zone d'intervention + ne pas avoir tenu compte de la dynamique du marché, de sa nervosité), etc.
On assume ses erreurs, personne d'autre n'est fautif. Mais on ne se décourage pas pour autant. On apprend, on rectifie, on réajuste, on affine. Bref, on s'adapte (cf. point précédent).
D'ailleurs, allons plus loin : pourquoi dire "J'ai pas eu de chance" quand on n'a pas pu entrer dans un mouvement intéressant ? Après tout, si on ne l'a pas pris, c'est :
- soit parce qu’on n’était pas attentif ;
- soit parce qu'il n'appartient pas à notre plan de trading : vous n'avez donc pas pris un trade que vous ne deviez pas prendre selon votre plan. En vérité, c'est bien, vous faites preuve de rigueur. Si vraiment cela se produit plus que de raison, alors je le répète, il faut en tenir compte et repenser son plan autrement.
XII – Croire qu'il y a un aboutissement, un terme.
Faux.
On est en constante évolution. Heureusement, les meilleurs continuent eux aussi à évoluer, ils ne sont pas figés dans le temps (quel ennui sinon). Si certains sont déjà impressionnants aujourd'hui, attendez donc de les voir dans 5 ans. Attendez donc de vous voir, vous qui persévérerez à votre façon, par vous-mêmes et pour vous-mêmes, dans 5 ans.
Mais attention à nouveau : le trading, c’est des sacrifices permanents. Dans 5 ans, vous en ferez toujours, des sacrifices. Ils ne prendront peut-être pas la même forme, mais il seront toujours présents.
Etre trader professionnel, c’est loin d’être parfait, ça n’est pas le graal. Heureusement, car la perfection, ça aussi c’est ennuyeux.
XIII – Confondre discipline et rigidité.
“Tu avais dit 12 et tu en mets 13 !”
Justement, c’est pour ça que je le fais.
Certes, il faut suivre son plan, ne pas trader n’importe où, n’importe quand, n’importe comment.
En revanche, il ne faut pas croire qu’un plan ou une méthode sont des éléments figés.
C’est amusant parfois de lire certains dire :
"Je comprends pas, j'ai fait ça comme tu as dit et pourtant ç'a n'a pas marché ! Tu trouves ça normal ?!"
“Oui mais untel, à cet endroit dans ta méthode tu n’as pas suivi à la lettre ce que tu avais expliqué avant !”
Il n’y a pas à suivre à la lettre. Il faut être flexible, apporter de la souplesse et du dynamisme dans notre raisonnement et notre vision des marchés. Ca bouge, c’est rarement parfaitement identique. L’immobilisme c’est la mort du trader.
Rien n'est jamais figé dans le marbre.
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Et c’est ici que s’achève cet article ! A nouveau, j’espère qu’il apporte un petit quelque chose à certains pour leur progression ! J’ai pensé qu’il serait plus intéressant de travailler ce sujet plutôt que certains aspects techniques qui, au final, important peu selon moi.
Merci pour votre lecture !