À l'époque, la morgue se visitait car la mort était un spectacle. Le genre humain défilait quai de l'Archevêché pour y frissonner, voir ce que l'au-delà laisse derrière lui.
Et admirer cette jeune femme rapidement baptisée la Joconde de la Seine tant elle était aimable, calme et tranquille comme sa soeur aînée du Louvre.
Que nous disait-elle de neuf, la noyée mystérieuse? Que la mort n'a pas tous les droits. Que Blanche Neige attendait son Prince charmant, à tout jamais. Qu'un sourire n'offrait pas de prise au temps.
Jamais son charme n'a cessé d'opérer. Rilke, Nabokov, Supervielle, Aragon, Céline lui ont inventé ou réécrit une vie vivable.
Patrick Modiano, Lars von Trier aussi. Elle est au générique du film Amélie Poulain et Serge Gainsbourg lui a écrit une tendre balade ("La noyée") que Yann Tiersen ou Benjamin Biolay ont repris.
Voila un siècle qu'elle fait rêver celles et ceux qui se sont noyés dans son sourire. Et qu'elle sauve une foule de gens ayant bu la tasse
Car Asmund Laerdal, l'industriel norvégien a utilisé ce beau visage aux yeux fermés, en 1960, quand il a réalisé un mannequin pour apprendre et diffuser les gestes d'urgence qui sauvent.
Depuis plus de soixante ans, les infirmiers, les sauveteurs, les pompiers, les médecins répètent sur elle le Ba Ba du massage cardiaque et le bouche à bouche qui nous ramènent à la vie.
Anne la Joconde de la Seine, est ainsi devenue la princesse morte la plus et la mieux embrassée du monde.