᯾Ce psychologue de l’Université Stanford n’est qu’un des nombreux scientifiques estimant que l’on est encore loin de développer des entités très flexibles dans leurs tâches. Et qui soient surtout dotées de qualités – encore mal définies concrètement – que l’on dit propres à l’homme, comme le libre arbitre, la conscience de soi, la capacité d’abstraction, ou celle d’apprendre par généralisation à partir d’un cas unique. Une pique qu’admet Neil Jacobstein, avant de relancer : «A l’aune de l’évolution humaine, qui a pris des milliers d’années, ce
saut d’évolution là est proche ; il aura lieu au plus dans
quelques décennies. En voyant Watson, il n’est pas déraisonnable de penser que nous aurons bientôt des machines extraordinairement intelligentes.»
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on touchera au but de l’intelligence artificielle dite «générale» lorsqu’on parviendra à fondre ces trois concepts – probabilités, compositionalité et générativité – dans un programme guidant une machine.
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«A mon avis, cette superintelligence ne naîtra pas spontanément dans une machine. Elle sera plutôt générée par un
cerveau augmenté», lance Michael Anissimov. Car un des domaines d’étude de son institut est aussi celui de la symbiose entre le «bio» et le «silico», entre du matériel cérébral et des composants électroniques
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L’amplification artificielle de l’intelligence humaine comme étincelle à la création d’une superintelligence robotisée : c’est aussi l’un des scénarios envisagés par Vernor Vinge, le «père» de la Singularité. Le mathématicien de l’Université de San Diego relève, au téléphone : «Il y a un paradoxe : on sentira peut-être poindre l’avènement de cette intelligence supérieure. Mais saura-t-on seulement si et quand elle se sera développée ? Car une fois ce seuil franchi, il y aura des choses que nous ne pourrons plus comprendre. De même, on peut expliquer le fonctionnement d’une TV à un humain, pas à un chien…»
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entraîner une cascade de conséquences, prédisent certains : «Une fois qu’une machine aura atteint le niveau d’intelligence de l’homme, il y a de fortes chances qu’elle développe une forme d’intelligence beaucoup plus pertinente encore, dit Nick Bostrom, le philosophe d’Oxford. Et cela en quelques heures, au plus en quelques jours.»
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«Qui plus est,
on ne peut déjà plus tirer la prise, avise Frédéric Kaplan, ingénieur de l’EPF de Lausanne, sans catastrophisme, puisqu’il ne croit pas à l’éclosion de machines toutes-puissantes. Les virus informatiques qui se propagent sur le Web ne peuvent plus être éradiqués ; il faudrait éteindre voire détruire l’entier du parc informatique mondial. Cela montre à quel point nous sommes
déjà interdépendants des systèmes artificiels plus ou moins intelligents qui nous entourent.»
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A l’EPFL, ce chercheur s’est beaucoup intéressé à la question sous l’angle sociologique. Il est même arrivé à la conclusion que les humains sont les «organes sexuels des machines» : «Les hommes fabriquent en grande quantité des objets mécaniques ou électroniques qui leur sont utiles, mais abandonnent vite ceux qui montrent leurs limites.» Comme si les lois de la sélection naturelle s’appliquaient aussi au monde de la cybernétique.
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Cette révolution numérique et
l’avènement d’une intelligence artificielle générale, qui surviendront avec certitude, seront plus importants que les révolutions agricole et industrielle. Se poser sérieusement la question des risques et des bénéfices pour l’humanité est crucial. Plus on le fait tôt, plus on aura de temps pour permettre à l’homme d’y réfléchir et de se préparer.»᯾