Témoignage :
"Vous savez d'où elles viennent les tomates bio qui se vendent en grandes surfaces ? Je vais vous raconter.
Avant de travailler dans ce potager, j'ai été, entre autres, saisonnière agricole pendant plus de 10 ans et j'en ai arpenté des champs, des vignes et des vergers mais le truc le plus absurde que j'ai fait, c'est de bosser dans une serre à tomates bio en Bretagne !
Ca se passe comme à l'usine : chaque ouvrier à son boitier de pointage, tu pointes quand tu arrives le matin, à la pause et quand tu pars. Tu enregistres chaque action que tu fais en notant ton numéro de rang au début et à la fin (ça permet de calculer la rentabilité des gens)
Chacun à une tâche à effectuer : récolte, taille, attachage, traitements, etc...
Ma tâche c'était de tailler les bouquets floraux pour que les grappes vendues au magasin soit toutes identiques et les tomates de même calibre, par 5 ou 6 tomates. Toute la journée sur un petit chariot élévateur électrique avançant sans s'arrêter sur des rails.
8h/jour à tailler des fleurs avec mes petits doigts pendant 3 mois...
Et je vous parle pas des traitements bio qui étaient appliqués à grands coups de pulvérisateur pendant qu'on était en train de bosser, de la chaleur extrême en plein été on travaillait jusqu'à 40C°, température à partir laquelle on nous autorisait à arrêter et de l'état sanitaire des plantes qui étaient quasiment toutes malades, maintenues en vie, sous perfusion.
Pour la pollinisation, des ruches en cartons contenant des bourdons étaient disposées de ci de là et jetées en fin de saison, de toute façon, les bourdons finissaient tous par mourir d'épuisement condamnés à vivre leur courte vie enfermés dans la serre.
Serre chauffée la nuit bien entendu...
Je travaillais chez un bio, c'est à dire que les plants sont posés (et pas plantés) sur un sol avec pour chacun leur petite perfusion de solution nutritive étiquetée BIO.
Mes collègues étaient Espagnols, Italiens, Polonais ou réfugiés Tibétains, seuls les chefs étaient bretons.
Environ 250kg de tomates par jour partaient à la poubelle parce que non conformes.
En plus de ravager des terres agricoles, ces serres défigurent le paysage, offre des emplois précaires et produisent des tomates sans goût et avec peu de valeur nutritive.
C'est après cette saison vraiment pourrie que j'ai décidé de passer un BPREA et de m'engager dans une agriculture différente de celle qu'on nous vend dans les supermarchés"