Après la démocratie et l'entreprise, Pluchino et Rapisarda, avec le soutien de deux comparses, viennent d'attaquer à l'acide de l'aléatoire une autre des grandes institutions de nos contrées : la Bourse. Dans une étude qu'ils ont mise en ligne le 18 mars sur le site de prépublications scientifiques arXiv, ces chercheurs expliquent qu'au grand dam des traders et autres analystes financiers, en quête perpétuelle de justifications rationnelles aux fluctuations des cours boursiers, les marchés demeurent obstinément imprévisibles. Pour Pluchino et compagnie, le cac 40 est une loterie, ce que les spécialistes ne veulent pas admettre parce qu'ils construisent des liens de cause à effet là où il n'y a que des coïncidences.
En partant de ce constat, on arrive à la question suivante : quelles seraient les performances d'un trader aléatoire ? Monsieur Duchemol, choisissant ses placements comme une bille de roulette choisit sa case, ferait-il jeu égal, mieux ou moins bien qu'un golden boy aguerri et appâté par la perspective de bonus mirifiques ? Pour le déterminer, nos chercheurs ont mis en compétotoon quatre stratégies courantes sur les marchés (et probablement mises au point à prix d'or par la crème des physiciens et mathématiciens recrutés par wall street et la City) avec une recette financière d'un nouveau genre, l'APBLC : au petit bonheur la chance.
Puis, ils ont testé les capacités de ces modèles à prévoir le comportement quotidien (hausse ou baisse) de quatre grands indices boursiers - celui de Milan, le Indice anglais londonien, le DAX allemand et le S&P 500 américain - sur des périodes allant de quinze à vingt-trois ans. Au bout du compte, ces chercheurs se sont aperçus que le taux de réussite moyen de chaque modèle classique tournait autour de... 50 %, c'est-à-dire le score attendu et obtenu en tirant à pile ou face. Le fortuit faisait donc aussi bien que le savant - ou aussi mal si l'on se place du point de vue de celui qui débourse chaque année des fortunes en analystes financiers.
Autre enseignement de l'étude, l'aléatoire est un bon père de famille. Il gagnera moins sur une fenêtre temporelle restreinte... mais il perdra moins aussi. A écouter les auteurs de l'article, on s'aperçoit que l'introuvable régulation financière est là : avec le hasard comme boussole, on obtiendrait une moins grande volatilité des marchés, la disparition des périlleux comportements moutonniers, l'éclatement des bulles financières avant qu'elles ne soient dangereuses et une plus faible exposition aux manipulations des gourous de la Bourse. La roulette comme martingale, en quelque sorte.