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Je compile ici la semaine d'ouverture de Taylor qui nous a fait découvrir des choses fantastiques sur les plantes qui sont loin d'être des choses inertes !
Je rempile pour une nouvelle semaine d'ouvertures. La dernière fois, je vous ai fait découvrir le monde du biomimétisme, riche source d'innovations et de découvertes. Le sujet ayant été bien reçu, et la visite d'une expo intrigante entre temps, font que je vous propose cette fois-ci une petite semaine de curiosités autour de la biologie végétale... sur le thème plus spécifiquement polémique de la sensibilité des plantes.
Spoiler:
Non pas que la nature soit un thème de prédilection chez moi (quoique !), mais, comme la dernière fois, ce sujet spécifique soulève énormément de questions demeurées sans réponse. Car nous pensons tous de prime abord que les végétaux sont des êtres immobiles et inertes, mais la communauté scientifique nous révèle aujourd'hui bien d'autres choses. Pour percer le mystère et appréhender s'il existe chez les plantes une « intelligence sans cerveau » et éviter tout « anthropocentrisme » (je précise bien qu'il ne s'agit pas de cela ici), l'Inra collabore même désormais avec des spécialistes de l'intelligence artificielle.
Voici donc la semaine des 5 sens du monde végétal
////////////////////////////// La vue //////////////////////////////
Presque toutes les plantes se penchent en direction de la lumière, ce qu’on appelle le phototropisme. A priori, une plante ne « voit » pas d’image ou ne fait pas la différence entre un homme et une petite fille, mais vous pourriez être surpris d’apprendre qu’elle perçoit pourtant bien des choses, qui nous sont même invisibles (quand nous possédons 4 types de récepteurs, elles en possèdent parfois plus de 11). Vous l’aurez compris, nous allons parlez du sens de la vue.
Spoiler:
Rendons d’abord à César ce qui lui appartient : Charles Darwin, suite à la parution de son monumental « De l’origine des espèces », s’est fasciné avec son fils pour les effets de la lumière sur la croissance des végétaux. Ses expériences influencent encore la recherche en biologie végétale. Aujourd’hui, nous en savons plus sur les « yeux » des plantes, appelés photorécepteurs.
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Passons d’abord rapidement sur la partie « théorique », c’est-à-dire en éclaircissant cette histoire de « vision » des plantes :
/// Quelle est la partie de la plante qui voit la lumière ?
Spoiler:
Après avoir cultivé des plants d’alpistes laissés plusieurs jours durant dans une pièce plongée dans le noir, puis en ayant allumé une minuscule lampe à gaz si éloignée des pots que la source lumineuse était difficilement perceptible, Charles Darwin et son fils ont détecté que seulement 3 heures après cet ajout, les plantes se courbaient vers la source de lumière. La courbure prenait naissance toujours au même endroit, à 2/3cm au-dessous du bourgeon.
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Ils ont donc mené une seconde expérience sur 5 jeunes plants d’alpiste des Canaries afin de déterminer quelle partie était en mesure de « voir ».
Le plant A n’avait subi aucune manipulation. Il se dirigea vers la source lumineuse.
Ils coupèrent le bourgeon du plant B qui resta immobile.
Le plant C a été muni d’un capuchon qui recouvrait le bourgeon, il resta également de marbre.
Le plant D portait un capuchon transparent, il se courba vers la lumière.
Enfin, le plant E était muni d’un cylindre opaque qui cachait la base de la pousse et pas le bourgeon. Ce dernier se courba en direction de la lampe.
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Résultat, quand le bourgeon est rendu inopérant, le plante ne réagit pas à la présence de la lumière. Le bourgeon est donc capable de voir la lumière et de transmettre l’information pour que la plante s’oriente vers elle.
/// Que distinguent les plantes ?
Vous le savez certainement déjà, mais les plantes perçoivent l’intensité lumineuse, d’où provient sa source, depuis combien de temps il fait jour, si une nouvelle ombre provient de la pousse d’une autre plante etc… Des chercheurs ont alors souhaité savoir si celles-ci pouvaient distinguer autre chose qu’une simple luminosité ?
Il s’avère alors que les plantes différencient effectivement les couleurs :
Spoiler:
Elles utilisent la lumière bleue pour connaître la direction dans laquelle elles devraient s’orienter et la lumière rouge pour mesurer la longueur de la nuit (ce sont donc des flashs rouges qui sont utilisés pour stimuler la floraison).
Plus étonnant, la lumière rouge lointain (ayant une longueur d’onde plus longue que le rouge vif), a le pouvoir d’annuler les effets de la lumière rouge sur les plantes.
« Pour le dire plus clairement, si l’on prend des iris, qui normalement ne fleurissent pas pendant les nuits longues, et qu’on leur apporte un petit coup de lumière rouge au cours de la nuit, ceux-ci produiront des fleurs aussi vives et aussi belles que n’importe quel iris dans une réserve naturelle. Mais si on les met en présence de lumière rouge lointain juste après les avoir soumis au rouge, ils ne fleuriront pas, exactement comme s’il n’y avait jamais eu de lumière rouge. » explique Daniel Chamovitz. Qu’on apporte encore une lumière rouge et la floraison aura lieu, mais si on y rajoute à nouveau du rouge lointain, tout sera annulé. Cela fonctionne vraiment comme un interrupteur ! Et quelques secondes d’une couleur ou de l’autre suffisent à observer ces effets.
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Le rouge lointain correspond effectivement à la dernière lumière que percevra une plante quand le soleil se couche, signal de se mettre en veille. A l’inverse, la lumière rouge du matin est celle indiquant l’heure du réveil.
Si les expériences de Darwin suggèrent que « l’œil » de la plante se situe au niveau du bourgeon, cela n’est que partiellement exact. Il suffit qu’une seule feuille de la plante voit de la lumière rouge pendant la nuit, et c’est comme si toute la plante avait été éclairée.
/// La plante caméléon
Les plantes perçoivent donc la lumière et certaines couleurs. Mais me voient-elles ?
Suite à une étude en 2016, les feuilles des plantes pourraient être dotées d’ocelles comme certains animaux (insectes, étoiles de mer, vers). Un ocelle est un œil simple sensible à la lumière.
Prenons par exemple le cas stupéfiant d’une espèce de vigne vierge (boquila trifoliolata), une plante caméléon. Elle prend l’apparence de la plante sur laquelle elle grimpe. Elle copie la forme, la couleur des feuilles de son hôte ainsi que leur taille. Si son hôte forme des épines, elle peut aussi les imiter ! Le but de ce stratagème mimétique serait d’éviter la prédation.
Les chercheurs ont même observé une seule plante grimpante sur 3 végétaux d’espèces différentes, copiant leur aspect au passage ! Si la plante hôte n’a pas de feuilles, la plante caméléon garde cependant son aspect d’origine.
On les pensait silencieux et stoïques, indifférents au vacarme qui les entoure. Alors que la nature regorge de bruits, les végétaux y sont-ils vraiment sourds ? Ou sommes-nous simplement aveugles à leur réponse ?
Aujourd’hui, on s’intéresse donc à la capacité du monde végétal à « entendre ».
Des chercheurs ont pu démontrer que les plantes étaient capables de mettre en place des mécanismes de défense face aux insectes quand elles entendaient le son de leurs prédateurs qui dégustent leurs feuilles.
Pour cela, ils ont étudié par exemple comment une plante réagissait quand une chenille venait la dévorer. Grâce à un laser, ils ont fait quelques expérimentations en situation réelle, puis ils ont décidé de retirer les chenilles et de les remplacer par un enregistrement sonore des vibrations qu’elles font quand elles croquent les feuilles. Je vous le donne en mille : ce seul son a suffi aux plantes testées pour produire une substance chimique qui repoussera l’ennemi !
/// "Le silence n'est pas vide, il est plein de réponses..."
Une autre équipe a étudié plus spécifiquement les primevères du soir et ont constaté que seulement quelques minutes après la détection des vibrations des ailes des pollinisateurs, les plantes augmentaient temporairement la concentration de sucre dans le nectar de leurs fleurs. Après test en laboratoire, il s’est révélé là encore qu’un simple enregistrement du son de ces ailes suffisait à déclencher le mécanisme (la concentration de sucre augmentant alors de 12 à 20%).
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Pour vérifier encore cette hypothèse, des observations sur le terrain ont permis de constater que les insectes pollinisateurs étaient plus de 9 fois sur 10 plus présents autour des plantes qu’un autre insecte pollinisateur avait visité dans les six minutes précédentes.
/// Par quel biais une fleur va capter les sons ?
Fait également intriguant, nous qui pouvions penser que des oreilles étaient nécessaires à tout mécanisme d’écoute, bien qu’il existe une multitude de formes et de tailles de fleurs, on peut observer que la plupart d’entre elle sont concaves ou en forme de coupe. Formes qui sont effectivement parfaites pour recevoir et amplifier des ondes sonores, à la manière d’une parabole…
Il a été posé que ce seraient les pétales des fleurs qui agissent en tant que réceptacles et se mettent à vibrer à la même fréquence que la source sonore perçue, là encore un peu comme notre tympan. S'il venait cependant à manquer des pétales, les capacités de la fleur diminuent grandement.
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/// Si elles perçoivent des sons, les plantes peuvent-elles aussi en émettre ?
Spoiler:
On est ici à un pas de l’anthropomorphisme, ce qui suit est exposé toute raison gardée et avec de grandes réserves quant aux interprétations pouvant en être faites à ce stade, le débat étant plutôt très agité à ce sujet chez les scientifiques car il est encore difficile de pouvoir établir avec exactitude ce qui suit, notamment sur l’hypothèse d’un « langage intentionnel » à destination de congénères. De plus, la recherche quant à l’hypothèse d’une réponse aux sons du monde végétal a largement été délaissée comparativement aux autres sens, et seules quelques études nous parviennent, parfois pas avec toute la rigueur qui serait normalement de mise.
Toujours est-il que l’expérience suivante a semblé démontrer que les végétaux pouvaient bien émettre des (ultra)sons. L’équipe en charge de cette expérience a placé des microphones à 10cm de plants de tomate et de tabac, en chambre sourde, puis ont perçus très nettement une série d’ultrasons. Si les plants étaient soumis en plus à un quelconque stress, comme un manque d’eau ou une taille, ces sons se multipliaient. « Nous ne savons pas encore comment ils sont générés. […] Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’ils sont porteurs d’informations sur l’état de la plante et qu’ils seraient audibles jusque 3 à 5m de distance pour de nombreux organismes. » explique Lilach Hadany, de l’équipe de recherche. Les plants de tomates dont la tige était coupée ont ainsi par exemple émis en moyenne 25 « vocalises » ultrasoniques par heure, contre moins d’1 par heure pour les plants non stressés.
Suite à ces observations étonnantes, les chercheurs ont eu recours à l’intelligence artificielle pour analyser ces enregistrements. Ils ont constaté qu'après entrainement, le système était, dans la plupart des cas, capable d'identifier la nature du stress en se référant à l'intensité et à la fréquence des sons émis. Les plants de tabac assoiffés ont ainsi semblé émettre des sons plus graves que les plants coupés.
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Des réserves existent quant à cette étude qui n’a pas encore été publiée, donc évaluée par ses pairs. Certains scientifiques se demandent par exemple si les sons obtenus ne proviendraient pas d’autres phénomènes (la cavitation pour le cas du manque d’eau par exemple), bien que n’étant pas dans le rejet formel de l’hypothèse première.
/// La phytoacoustique
Quoi qu’il en soit aujourd’hui l’étude de la perception des sons par les végétaux retrouve un peu plus d’écho, de telle sorte que la phytoacoustique est née et qu’il s’agit d’un champ de recherche encore à explorer, ou en tout cas à confirmer grâce à de nouvelles études établies avec toute la rigueur d’usage. L’expérimentation citée plus haut n’étant pas la première à identifier des réactions sonores chez les plantes, l’absence de preuve formelle ne vaut pas infirmation totale de l’hypothèse. Des personnes aux résultats controversés font par ailleurs également état de réactions de croissance différentes sur des plants soumis à de la musique (classique), je ne m’étendrai donc pas sur ces dernières.
Imaginez aujourd’hui que demain soir vous recevez des amis. Vous vous mettez en tête de leur préparer un bon guacamole et partez faire les courses pour cela. Mais en arrivant, vous vous rendez compte qu’on vous a servi des avocats encore trop fermes, impossible d’en faire quoi que ce soit de bon !
Pas de panique car petit(e), vous avez entendu/vu votre chère maman placer ces mêmes avocats dans un sac en papier avec des bananes bien mûres pour accélérer le processus. Le lendemain soir, vos avocats sont effectivement à point.
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Alors non, je ne vous parlerai pas aujourd’hui d’un super pouvoir des végétaux pour vieillir à la demande, mais simplement… d’odorat :
Petit retour en arrière pour vous expliquer ce qu’il se passe en réalité : dans les années 1900, des agriculteurs de Floride ont découvert que leurs agrumes mûrissaient bien plus vite s’ils les plaçaient dans des abris chauffés au kérosène. Plutôt logiquement, ils en ont déduit que c’était la chaleur qui permettait d’accélérer les choses. Mais quand ils ont alors voulu utiliser un jour des radiateurs électriques pour chauffer leurs abris, quelle ne Futures pas leur surprise de constater que leurs agrumes ne mûrissaient plus du tout à la même vitesse !
/// Une histoire de bananes et de kérosène
Si ce n’était pas la chaleur qui faisait mûrir les fruits, se pouvait-il vraiment que ce soit le kérosène qui en soit la cause ?! Eh bien oui, c’est presque ça.
Mais il n’y a pas de kérosène me direz-vous dans nos bananes… Pas de panique, aucun scandale alimentaire en vue :
En 1924, des chercheurs ont mis en évidence que la fumée de kérosène contenait une minuscule quantité d’éthylène, et que le gaz d’éthylène était un facteur déclenchant du mûrissement des fruits.
Dans nos bananes bien mûres, comme dans tous les fruits en train de mûrir, on retrouve aussi cette molécule d’éthylène qui se dégage et vous comprenez alors que les fruits environnants « sentent » cette infime quantité et y réagissent en accélérant eux aussi leur maturation.
Comme nous, quand nous nous mettons à saliver après avoir senti une délicieuse odeur de barbecue, une plante qui détecte de l’éthylène attendrit sa chair !
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Dans la nature, ce processus permet de maximiser les chances de dispersion des graines. Si une bonne quantité de fruits arrivent à maturité, ils vont en effet attirer plusieurs petits animaux qui propageront ensuite les graines via leurs excréments (bon appétit)
/// La cuscute, une plante qui a du flair
La cuscute est une plante particulière : elle n’a pas de feuille, ni de racine, ni de chlorophylle. Une plante sans chlorophylle, c’est par définition une plante qui n’est pas capable de photosynthèse, et donc dans l’incapacité de fabriquer sa nourriture. Pourtant, cette plante est loin de mourir de faim. Comment fait-elle ? Elle ne peut compter que sur son flair !
Maline, cette plante parasite ne va pas s’embêter et elle va capter sa nourriture (la sève) directement chez ses voisins. Elle n’a cependant que 72h à partir de sa germination pour trouver un hôte à abuser, sinon elle meurt.
Des chercheurs ont découvert que cette plante, pourtant dans l’urgence de sa survie, se révélait fine gourmet et capable de comparer les odeurs de ses congénères. Sans « victime » à sa portée, la tige s’allonge au hasard dans une direction, mais qu’un plant de tomate ou de carotte se trouve à proximité, et la cuscute l’attaquera en une vingtaine d’heures. Mieux, entre un plant de tomate ou de blé, la cuscute se tournera toujours vers la tomate par exemple.
Pour déterminer si elle opérait ses choix seulement grâce à « l’odeur », on a imbibé un coton d’une « eau de tomate » et la cuscute a bien été leurrée. Idem avec une « eau de blé », et la plante fait à nouveau le choix de l’ « eau de tomate » si elle est mise en présence des deux choix (pourtant, d’un point de vue strictement chimique, les deux sont assez semblables). Reste encore à déterminer combien de composés ce « nez » végétal peut détecter, et de quelle manière…
Certaines plantes seraient plus sensibles au toucher que nous autres humains (jusqu’à 10 fois plus pour le concombre anguleux, capable de sentir un filament pesant à peine 0.25 grammes). Voyons voir de quoi il en retourne :
////////////////////////////// Le toucher //////////////////////////////
/// Le cas étonnant du mimosa pudique et de la dionée
Certaines plantes ont une réaction directe au moindre effleurement. Regardez ce qu’il se passe quand on touche une feuille de mimosa pudica (ou la bien nommée « sensitive ») : ses feuilles se replient effectivement au moindre contact ! (l'image n'est pas accélérée)
Plus connue, la dionée « attrape-mouche » sait aussi se refermer sur un insecte ou un petit animal pour en faire son repas. Surtout, elle distingue un simple effleurement de la présence d’une vraie proie en son sein grâce à ses cils tactiles… (son piège se referme en un dixième de seconde, à la seule condition qu’il y ait bien eu une double stimulation de poils sensitifs dans un laps de temps défini)
>>>>>> Pour ceux qui veulent, je vous résume simplement et rapidement le mécanisme de la thigmonastie (pour effectuer un mouvement sans muscle) dans le spoiler au bas de cette ouverture + une vidéo où on voit mieux la réaction du mimosa pudica au toucher !
/// Ne touchez pas trop souvent vos plantes, il est probable qu’elles n’apprécient pas !
Si la réaction du mimosa pudica est très parlante pour illustrer la capacité d’une plante à sentir qu’on la touche, la plupart des végétaux n’ont pas une réaction aussi visible. Pour autant, cela ne signifie pas qu’ils ne possèdent pas ce sens aiguisé.
Pour preuve, il existe des études à ce sujet. Des scientifiques ont par exemple mené l’enquête avec des plantes comme l’Arabette des dames, qu’ils ont stimulé en les caressant avec un pinceau pour analyser leur réponse à ce stimuli :
« Le moindre effleurement de la part d’un humain, d’un animal, d’un insecte ou même d’autres plantes bousculées par le vent déclenche une énorme réponse génétique dans la plante. […] En trente minutes, 10% du génome de la plante est altéré. » rend compte Jim Whelan.
En répétant ces stimuli, l’équipe se rend même compte que cela suffisait à diminuer de 30% le taux de croissance de ladite plante par rapport aux autres ! Et cela peut en fait se comprendre, car comme les plantes ne peuvent se déplacer en cas de menace, elles utilisent beaucoup d’énergie pour se protéger autrement, énergie qui n’est donc plus dépensée pour croître.
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Pour d’autres l’issue est plus tragique « Nous fûmes confrontés à la remarquable découverte qu’il est possible de tuer une feuille de lampourde rien qu’en la touchant quelques secondes chaque jour ! » déclarait Salisbury.
/// Les végétaux ne font pas que « ressentir » le toucher, ils s’y adaptent
Diverses études ont permis aujourd’hui de prouver que les arbres sont capables de distinguer différentes impulsions d’air et de s’adapter en conséquence. Ainsi, un arbre saura anticiper une tempête en percevant parfaitement le vent, son intensité, et son caractère inhabituel. « Un arbre qui va se trouver confronté à un vent inhabituel va réduire sa croissance en hauteur et augmenter sa croissance en diamètre et faire plus de racines », explique Bruno Moulia. De façon que l’arbre puisse s’adapter et survivre à son environnement bien sûr.
Dans la canopée, le phénomène de « timidité des cimes » est également bien connu : les arbres savent arrêter leur croissance pour éviter de toucher les autres arbres et ainsi venir en concurrence. L’hypothèse de la réaction au toucher des feuilles déclenchant par la suite des signaux chimiques transmis par les racines, dans le sol, semble se confirmer grâce à une étude suédoise sur de jeunes plants de maïs :
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Là encore, les scientifiques ont stimulé certains plants en les effleurant régulièrement au pinceau, puis ont récupéré les molécules sécrétées par les racines. Ils ont ensuite introduit ces molécules dans une solution de croissance au niveau de jeunes plants qui venaient de germer, la racine principale de ces plants a su faire la différence en préférant pousser dans la solution de plantes qui n’avaient pas été touchées.
Etant dépourvus de cerveau, les réactions que les végétaux peuvent mettre en place face à un stimuli ne leur servent pas à éviter ou contrer la douleur, qu’ils ne ressentent a priori pas, mais à moduler leur développement pour s’adapter au mieux leur environnement ambiant.
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Pour ceux que cela intéresse, vous trouverez ci-dessous le mécanisme qui permet aux plantes, comme le mimosa pudica ou la dionée, d’opérer ce mouvement rapide avec leurs feuilles, bien que n’ayant pas de « muscles » pour cela : la thigmonastie.
Spoiler:
Petite introduction théorique sur quelques lignes comme préalable pour rappeler ce qu’est un tropisme en biologie : « réaction d’orientation ou de locomotion orientée, causée par des agents physiques ou chimiques ».
En d’autres mots, vous connaissez indirectement l’hydrotropisme (modification de la croissance d’une plante en fonction de la ressource en eau), le phototropisme (modification de la croissance en fonction de la lumière à disposition), le gravitropisme (modification liée à la gravité, une plante poussant toujours vers le haut) etc…
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Eh bien maintenant vous allez connaître le thigmotropisme ! C’est un mot compliqué pour indiquer simplement une réaction suite à une stimulation tactile…
MAIS, pour nos exemples précis, on parle de thigmonastie car, contrairement au thigmotropisme et aux autres tropismes, la thigmonastie est indépendante de la direction du stimulus, mais dépend plutôt d’un élément de la structure de l’organe (la feuille par exemple).
Thigmotropisme = la plante réagit en fonction de la direction du stimulus (une plante grimpante va former des vrilles au contact d’un hôte et autour de lui pour s’y attacher)
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Thigmonastie = la plante met en œuvre un mécanisme offensif (la dionée qui attrape une proie), ou défensif (le mimosa pudica qui se replie immédiatement pour se protéger des prédateurs ou des intempéries)
Bref, comment ces plantes peuvent-elles alors se replier si rapidement (pour rappel, les gif et vidéo présentées ne sont pas en accéléré) ?
Eh bien ceci est causé par une modification brusque du contenu en eau des cellules impliquée dans le mouvement. Celles-ci se rapetissent alors et la foliole se ferme (je vous passe la technique !)
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Le phénomène inverse se produit quand les feuilles se rouvrent, mais cette fois beaucoup plus lentement (15 à 30 minutes).
C’est grâce à ce même phénomène de perte d’eau et de repli aussi observé sur de nombreux végétaux la nuit venue (non lié à la thigmonastie cette fois), que des scientifiques étudient actuellement la possibilité d’un « sommeil » végétal (voir les études sur google sur le mimosa pudique, le sainfoin oscillant, le lotier corniculé ou encore les bouleaux).
Pour clore cette semaine, je vais d’abord finir par vous parler du dernier sens de notre liste, à savoir :
////////////////////////////// Le goût //////////////////////////////
Ce sens est beaucoup moins inattendu que les autres, puisqu’il nous est aisé de comprendre qu’il se rencontre essentiellement via le système racinaire des végétaux. Je n’en ferai donc qu’un court paragraphe car il n’y a rien de particulièrement nouveau ou énigmatique à ce sujet.
Si les végétaux n’ont pas de bouche, on devine donc que ce sont leurs racines qui peuvent faire office de « langue ». En effet, les racines d’une plante explorent le sol et absorbent l’eau et les minéraux nécessaires à sa nutrition, à sa croissance et à son développement. Elles captent également les messages chimiques envoyés par des racines voisines ou des micro-organismes. Mieux, elles savent pousser en direction de l’eau (par un mécanisme encore mal connu) ainsi que réguler leur ingestion de certains minéraux (par exemple en captant plus de magnésium quand le pH du sol s’acidifie). Elles adapteront finalement leur croissance et leur direction en fonction de leurs besoins et préférences.
Ceci fait, permettez-moi maintenant de finir sur une petite digression en me penchant sur un dernier point plus déroutant :
/// La mémoire
Il existe bien des sortes de mémoires : la mémoire à court terme ou à long terme, la mémoire sensitive, la mémoire musculaire, immunitaire etc… Alors vous aurez compris que non, je n’irai pas jusqu’à dire que les végétaux frissonnent du souvenir de nos sécateurs, mais il a été démontré qu’ils savent néanmoins faire preuve d’une forme de mémoire :
Nous avons vu hier que les dionées referment leur piège seulement après une double stimulation de leurs poils sensitifs afin de confirmer qu’elles sont bien en présence d’une proie vivante et non d’une simple goutte d’eau par exemple.
Mais combien de temps un piège de dionée se souvient-il avoir été stimulé la première fois ? On a découvert que si on espace de plus de 20 secondes les deux stimulations, le piège ne se ferme pas complètement et d’autres stimulations seront nécessaires pour une fermeture totale. On peut donc dire raisonnablement que la dionée a la mémoire plutôt courte !
Spoiler:
Les scientifiques estiment que cette « mémoire » est liée à la production d’une substance chimique sécrétée lors du toucher d’un poil sensitif, lorsqu’une seconde stimulation augmente suffisamment l’accumulation de cette substance dans la plante, cela déclencherait une action électrique (comme dans les nerfs) et donc la fermeture du piège.
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De même, qui ne sait pas que les tournesols ont leur tête qui se couche en suivant la course du soleil, à l’Ouest, mais que chaque matin ils savent également se repositionner face à l’Est pour capter les premiers rayons ? Nous sommes là encore en présence d’une forme de mémoire végétale de court terme faisant que la plante « se souvient » du matin précédent.
Pour le mimosa pudica, les études montrent que ceux-ci sont en revanche capables de se souvenir entre un et plusieurs mois du caractère inoffensif d’une stimulation. Leur mémoire est donc bien plus longue !
En plaçant des électrodes sur la tige de jeunes peupliers, des chercheurs ont enregistré des réactions électriques, similaires à l’influx nerveux chez l’être humain, lorsqu’ils se courbent sous l’action du vent. Les arbres peuvent ainsi également enregistrer « en mémoire » des informations sur une durée variant d’une semaine à un an !
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Plus troublant, on a retrouvé chez les plantes des récepteurs qui ont une importance déterminante pour la communication neuronale, la formation du souvenir, ainsi que l’apprentissage chez l’homme. Des tests ont été menés sur des pousses d’arabettes pour déterminer si les plantes étaient alors sensibles aux drogues neuroactives qui altèrent l’activité de ces récepteurs. Cela a été le cas.
Mais alors, à quoi ces récepteurs peuvent bien leur servir puisqu’elles ne possèdent pas de neurones ??
Des études ultérieures ont montré que dans la communication de cellule à cellule des plantes, ces récepteurs fonctionnaient de manière très semblable à celle dont les neurones humaines communiquent entre eux…
Permettez-moi de m’amuser un peu en finissant sur une conclusion un brin provocatrice, en questionnant l’hypothèse darwinienne d’un cerveau-racine ?
“Et si les plantes cachaient bien leur jeu ? De la mémoire des légumineuses à la sensibilité musicale du Desmodium girans, un aperçu renversant de l'intelligence végétale.
Selon les classifications naturalistes, il existe un véritable abîme entre le monde animal et le monde végétal. Pourtant, sur les traces de Charles Darwin, des biologistes réputés sont en train de montrer que l'intelligence des plantes est peut-être une réalité. Les plantes mettent en oeuvre des stratégies sophistiquées pour vivre leur sexualité, mais aussi pour voyager. Elles éprouveraient des sensations. Elles auraient même de la mémoire. Jacques Mitsch met en scène avec humour la vraie vie des plantes pour nous révéler leurs talents cachés, sans jamais se départir de sa rigueur scientifique. Nous entraînant aux frontières mouvantes qui séparent les règnes animal et végétal, il nous tend au passage un miroir drolatique et passionnant.”