Nausicaä de la Vallée du Vent, film fondateur qui tire son inspiration d’auteurs très variés tels que Homère (L’Odyssée a inspiré l’héroïne), Herbert (Dune), Asimov, Tolkien, mais aussi du shinto et de contes japonais, est présenté en parties II et III, avant le plus grand succès du studio, Le Voyage de Chihiro, en partie IV.
De nombreux autres films du réalisateur et du studio Ghibli ansi que des documentaires qui leur sont consacrés sont présentées en cinquième et dernière partie.
Partie I : Introduction
Lundi 21 septembre 2020
Ceci est ma première semaine d’ouverture et j’ai donc souhaité marquer le coup pour remercier la communauté.
Je suis heureux de partager cette semaine mon admiration pour les œuvres du cinéaste japonais Hayao Miyazaki, cofondateur du célèbre studio Ghibli créé en 1985 à Tokyo. Présenté par certains comme l’un des plus grands réalisateurs de film d’animation et par d’autres comme un Akira Kurosawa moderne, les films de Miyazaki ont marqué des générations d’enfants et d’adultes depuis les années 1980.
Une citation résume parfaitement à mes yeux l’œuvre de Hayao Miyazaki, mêlant l’idéal, l’imaginaire et la simplicité du quotidien :
Je dois souligner que le Studio Ghibli a produit bien d’autres merveilles que les films d’Hayao Miyazaki, telles que Le Tombeau des lucioles, Souvenirs goutte à goutte (Isao Takahata), ou plus récemment La Tortue rouge (Michael Dudok de Wit). J’y reviendrai brièvement fin de semaine.« Dans mes films, je représente mon idéal d’être humain. Celui que j’aurais voulu devenir, celui que j’aurais voulu rencontrer, celui que j’aurais voulu voir sur la Terre. » [1]
Hayao Miyazaki mêle dans ses récits les contes européens dont il s’inspire, parmi lesquels ceux de Charles Dickens, Jonathan Swift, Jules Vernes, ou plus récemment Tolkien et Herbert, la culture japonaise, des valeurs universelles comme le pacifisme et l’environnementalisme (marqué par le shinto, ensemble de croyances animistes au Japon), ainsi que ses passions personnelles et son intérêt pour les héroïnes charismatiques, la nature mais aussi les machines, de préférence fumantes ou volantes !
J’ai choisi d’insister cette semaine sur deux films aux héroïnes charismatiques menant des combats désespérés avec un courage inébranlable :
Nausicaä de la Vallée du Vent
Le chef d’œuvre pacifiste et visionnaire à l’origine de la création du studio Ghibli.
Le Voyage de Chihiro
Hommage à l’enfance et au courage, mais aussi satire de la société de consommation, c’est le plus grand succès du studio Ghibli dans le monde.
Découverte ou redécouverte
Je souhaite que ces films et d’autres du studio Ghibli vous ouvrent les portes de cet univers fantastique ou vous le fassent redécouvrir. Je vous invite à vous les procurer (ou à les visionner sur Netlfix si vous êtes abonnés, où ils sont disponibles depuis peu suite à un accord avec le studio) et à les apprécier en famille, seul ou entre amis. Bref, comme il vous plaira !
Un seul conseil, en particulier lorsque vous visionnerez les vidéos partagées cette semaine, mettez vos écouteurs, votre casque ou allumez votre système hi-fi et oubliez vos haut-parleurs intégrés pour les apprécier à leur juste valeur !
Voyage musical
Voici quelques extraits de films de Hayao Miyazaki avec en fond le merveilleux thème musical de Princesse Mononoké :
Et parce ce que les films de Hayao Miyazaki doivent beaucoup à leurs magnifiques bandes son, je vous laisse entre les mains de leur compositeur, Joe Hisaishi et de son orchestre jouant des extraits de la bande originale de Nausicaä, que nous retrouverons demain:
Note :
[1] extrait d’interview à écouter ici https://youtu.be/sPP2-ybAj-A?t=106
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Partie II : Nausicaä de la Vallée du Vent, science-fiction pacifiste et écologiste
Mardi 22 septembre 2020
Après l’introduction d’hier, débutons notre voyage dans l’univers Ghibli avec
Nausicaä de la Vallée du Vent.
Nausicaä de la Vallée du Vent tient un place toute particulière dans la filmographie de Hayao Miyazaki et dans l’histoire du Studio Ghibli. L’œuvre, sortie en salle au Japon en 1984, précède d’un an la création du studio Ghibli.
Acclamé par la critique partout dans le monde depuis 35 ans, le film Nausicaä, adapté d’un manga de Miyazaki qui ne devait pas passer à l’écran, a rencontré un tel succès à sa sortie au Japon qu’il a conduit Hayao Miyazaki, Isao Takahata et le producteur Toshio Suzuki à créer le studio Ghibli à partir de l’équipe du film, afin de créer un cadre indépendant et propice à la création d’autres longs métrages.
À la recherche de la paix entre les hommes et avec la nature, par amour pour la vie
Nausicaä, jeune princesse de la Vallée du Vent peuplée seulement de quelques centaines d’habitants, fait face aux conséquence désastreuses des guerres et de la destruction causée par les générations précédentes. La Fukai, gigantesque jungle toxique, ne cesse de gagner du terrain et de menacer la survie de l’humanité qui continue pourtant de sombrer dans la folie destructrice.
Nausicaä tente par tous les moyens de mettre un terme à la guerre qui divise les hommes et les oppose à la nature, animée par son amour pour toutes les formes de vie.
Le pacifisme, l’amour pour la vie et l’équilibre avec la nature sont indissociables chez Hayao Miyazaki, et au centre de Nausicaä de la Vallé du Vent. Interrogé à ce sujet dans une de ses rares interviews, Hayao Miyazaki ne se considère pas comme écologiste au sens occidental du terme, probablement en raison du caractère plus complexe de cette relation avec la nature, empreinte également de l’animisme japonais (shinto).
On retrouve également ce thème de la réconciliation entre les hommes ainsi qu’entre l’homme et la nature dans Le Château dans le Ciel, Princesse Mononoké qui a beaucoup aidé à faire connaître Hayao Miyazaki en Occident, ou encore plus récemment Ponyo.
Cependant c’est aujourd’hui Nausicaä qui est à l’honneur et j’ai une admiration toute particulière pour cette héroïne des temps modernes.
Voici la bande-annonce accompagnant la sortie de Nausicaä dans les salles françaises, plus de 20 ans après sa sortie au Japon ! La qualité d’image laisse quelque peu à désirer, mais cela n’enlève rien à la grâce de la mise en scène du réalisateur et à la composition musicale de Joe Hisaishi. (l’œuvre est aujourd’hui disponible en haute-définition)
Voici également une courte et belle bande annonce plongeant dans l’ambiance à la fois poétique, apocalyptique et héroïque du film en quarante secondes (présence de quelques textes en anglais):
J’espère vous avoir donné envie de voir ou revoir Nausicaä de la Vallée du Vent, et je vous retrouve demain avec un peu plus de détails qui achèveront peut-être de vous convaincre !
Partie III : Nausicaä de la Vallée du Vent, œuvre prophétique aux nombreuses influences
Mercredi 23 septembre 2020
Je reviens aujourd’hui sur l’œuvre culte de Hayao Miyazaki, Nausicaä de la Vallé du Vent. Nous ferons demain un bond de près de vingt ans pour découvrir Le Voyage de Chihiro.
À la loupe: Nausicaä de la Vallée du Vent, œuvre prophétique ?
Nausicaä est sorti dans les salles japonaises en 1984 (mais seulement en 2005 en France), et n’a pourtant jamais été autant d’actualité, en particulier en matière de conscience écologique. La Fukai, ou « Mer de la Décomposition », notamment inspirée par la pollution au mercure de la baie de Minamata au Japon, symbolise la nature rendue plus hostile que jamais par l’activité de l’homme qui espérait la soumettre.
La guerre et la course à l’armement, omniprésentes dans le film comme dans le manga, sont bien sûr associées au traumatisme nucléaire mais résonnent tout autant au XXIe siècle.
La princesse Kushana, ennemie de Nausicaä, constate la puissance destructrice de sa nouvelle arme…
Comme toujours chez Miyazaki, l’espoir persiste, comme magnifiquement illustré par le jardin de Nausicaä, fruit de ses recherches démontrant qu’un équilibre entre l’homme et la nature est encore possible…
Jardin de Nausicaä
On pourrait également évoquer la tenue de Nausicaä [1], à commencer par le masque hautement symbolique qu’elle est contrainte de porter dans la Fukai…
Anecdote : Nausicaä, Star Wars, et l’influence de Hayao Miyazaki sur le cinéma occidental
Il me semble que les amateurs de Star Wars sont assez nombreux sur ce forum .
Vous remarquerez peut-être que Nausicaä a très visiblement inspiré de nombreuses scènes de l’épisode VII de Star Wars, le Réveil de la Force (premier épisode de l’ère Disney), et le personnage de Rey en particulier. Pour vous en convaincre, voici la bande-annonce avec des images de Nausicaä en parallèle :
ainsi qu’une vidéo commentée en anglais:
Cette source d’inspiration n’est guère étonnante quand on connaît les liens de Disney avec le studio Ghibli et le film Nausicaä en particulier [2]. George Lucas avait par ailleurs lui-même admis s’être inspiré du cinéma japonais et plus précisément de La Forteresse Cachée d’Akira Kurosowa pour l’écriture initiale de Star Wars. Aucune reconnaissance officielle de Nausicaä comme source d’inspiration de la part de l’équipe de Star Wars VII n’a été exprimée à ce jour à ma connaissance, mais quelle importance : Nausicaä ne manquera certainement pas d’inspirer des générations de cinéastes, d’artistes et bien d’autres !
Deuxième anecdote: Nausicaä, un nom d’inspiration homérique
Nausicaä tire son nom et même une partie de sa personnalité de l’héroïne mythologique de L’Odyssée d’Homère. Courageuse, généreuse et amoureuse de la Nature, elle recueille Ulysse naufragé.
Miyazaki se serait également inspiré des œuvres d’Isaac Asimov, J.R.R Tolkien et Frank Herbert (Dune) ainsi que de contes japonais [3].
Nausicaä, en plein vol au-dessus de la Fukai, enlève quelques secondes son masque pour un au revoir
Rendez-vous demain avec Chihiro !
Notes [1], [2], [3] :
Partie IV : Le Voyage de Chihiro, hommage à l’enfance et portrait ironique [?] de la société moderne
Jeudi 24 septembre 2020
Le Voyage de Chihiro de Hayao Miyazaki, sorti en 2001 au Japon, est le plus grand succès mondial du studio Ghibli, et l’un des films du studio que j’ai mis le plus de temps à apprécier à sa juste valeur. J’espère vous encourager à le voir ou à le revoir
Chihiro entre dans le monde des esprits contre son gré et n’a d’autre choix que d’affronter de nombreuses épreuves pour aider ceux qu’elle aime.
La valeur du travail, la transmission des traditions, la critique du matérialisme et du consumérisme, mais aussi l’amour du prochain et le courage sont autant de thèmes au centre de ce film qui Futures le plus grand succès de l’histoire du cinéma japonais. Récompensé par l’Oscar du meilleur film d’animation en 2002 [1] et acclamé par la critique dans le monde, il est souvent cité comme l’un des plus grands films des années 2000.
Voici une bande annonce japonaise (sous-titrée en français), montrant exclusivement le climat anxiogène qui pèse sur Chihiro au début de l’aventure. Comme vous pourrez le constater, Le Voyage de Chihiro n’est pas vraiment un film pour enfant, surtout en dehors du Japon ou sans une présence adulte apte à déchiffrer !
Voici la bande-annonce française, que je n’ai pas pu trouver avec une meilleure qualité d’image :
https://dai.ly/xpwgfi
Et enfin une bande-annonce plus spectaculaire qui vous en dira plus sur l’intrigue (en anglais. Vous remarquerez sans doute la publicité appuyée de Disney, initialement distributeur du film en dehors du Japon) :
Le triomphe de l’enfance, innocente et farouche
Les films de Hayao Miyazaki rendent hommage à l’enfance et éveillent l’âme d’enfant qui sommeille en chaque adulte. À l’image de Chihiro, les enfants sont souvent les héros des récits du studio Ghibli : insoumis, ils brillent par leur volonté inébranlable de défendre ceux qu’ils aiment et ce en quoi ils croient.
Ces enfants farouches sont certes souvent aidés par des aînés plus ou moins bienveillants, la transmission et la relation entre les générations ayant une importance centrale dans les récits de Miyazaki et plus largement du studio Ghibli. Mais c’est bien à ces jeunes héros qu’il revient de braver les dangers et de prendre les décisions difficiles. Les adultes, émoussés par le poids des années, et souvent contradictoires, n’ont que rarement la volonté ou l’énergie d’agir et s’estiment souvent impuissants face aux événements.
Ces jeunes figures du studio Ghibli sont héroïques au sens premier du terme: des efforts démesurés leur sont demandés pour des combats dont la violence les dépasse, à l’image de Sheeta et Pazu dans Le Château dans le ciel, autre film majeur du studio que je présenterai peut-être à une autre occasion.
Chihiro allie la bravoure, la soif d’apprendre et de bien faire, au travers des combats qu’il lui faut mener pour réparer les erreurs des adultes…
À la loupe: Chihiro et le Sans-Visage
Comme toujours chez Miyazaki, le fil conducteur du Voyage de Chihiro ne repose pas sur l’opposition entre le bien et le mal. Le personnage Sans-Visage (Kaonashi), sans attache, anonyme et étranger au monde des esprits, n’est ainsi pas une figure diabolique malgré son caractère parfois effrayant.
Ce personnage, inspiré du théâtre masqué japonais, n’est pas sans rappeler le sort de chaque être humain: influençable d’autant plus qu’il est déraciné, le Sans-Visage se transforme à l’image de ceux qu’ils fréquente et dont il se nourrit (litéralement). Il semble être à la recherche d’un guide dès le début du film lorsqu’il aperçoit Chihiro. Des rencontres décisives et le retour aux choses simples sont susceptible de donner un nouveau sens à son existence.
Pour conclure, et pour montrer à quel point le rejet du manichéisme est très important dans la philosophie et dans l’œuvre de Hayao Miyazaki:
À demain pour la dernière journée de découverte des œuvres de Hayao Miyazaki et du studio Ghibli, avec un florilège de films !« C’est dangereux de faire croire aux enfants qu’ils savent où sont le bien et le mal [...] Une grande partie des problèmes actuels du monde vient du fait qu’on est persuadé que les autres représentent le mal. Dans tout individu le bien et le mal coexistent. Les deux côtés interagissent. Je pense qu’il faut être conscient de cela pour parvenir à la paix. » [2]
Notes [?], [1] et [2] :
Partie V : florilège de films et documentaires
Vendredi 25 septembre 2020
Afin de clôturer cette semaine d’introduction à l’univers du studio Ghibli et aux œuvres de Hayao Miyazaki, je souhaite brièvement partager quelques autres films d’animation aux styles et thèmes variés afin que vous puissiez y trouver votre bonheur.
Autres suggestions de films réalisés par Hayao Miyazaki
Cette liste n’est absolument pas exhaustive ni ordonnée par préférence mais offre des styles très variés [1], et sans doute moins dépaysants que Nausicaä ou Chihiro :
Porco Rosso, beau, sensible et épique, souvent le film préféré des adultes en Occident. Parfait également pour les amateurs d’aviation ! Vous reconnaîtrez sans doute la voie d’un fameux acteur français dans le rôle principal…
Porco Rosso
Le Château dans le ciel, le premier film du Studio Ghibli qui a marqué l’histoire de l’animation. Rythme intense, bande originale merveilleuse, pirates des airs et machines volantes surprenantes. Émerveillement garanti pour tous ceux qui aiment nourrir leur âme d’enfant.
Le Château dans le ciel
J’ai envie de vous dire : si vous ne deviez en regarder qu’un film du studio Ghibli, ce serait Le Château dans le ciel ! (et Nausicaä puisque ce n’est pas un Ghibli à proprement parler ^^) Mais ce serait injustement négliger les autres chefs d’œuvre de Hayao Miyazaki, et c’est pourquoi je ne l’ai pas présenté cette semaine. Ne cherchez pas une bande-annonce, aucune ne lui fait honneur. Lancez-vous !
Mon Voisin Totoro, film culte du studio Ghibli, en particulier au Japon. Totoro est la mascotte du studio, dont le logo est d’ailleurs tiré. Un film familial très apprécié des enfants faisant la part belle à l’imaginaire. Également parfait pour les enfants (et les grands) : Ponyo sur la falaise, belle fable écologiste non dénuée d’ironie et pleine de magie.
J’aurais honte de ne pas citer Princesse Mononoké [1], et Le Château ambulant, à voir absolument, au même titre que Le Château dans le ciel !
Princesse Mononoké
Ghibli par d’autres réalisateurs
Souvenirs goutte-à-goutte, hommage mélancolique à la beauté des choses simples, de la nature, signé Isao Takahata. Un trésor méconnu qui sera surtout apprécié par les adultes.
La Tortue Rouge, coproduction du Studio Ghibli, sur l’idée du très discret producteur et ancien directeur du studio Toshio Suzuki. Salué par la critique, c’est le premier long-métrage du réalisateur néerlandais Michaël Dudok de Wit, et il m’a marqué lorsque je l’ai vu en salle. C’est un récit de vie sur une île déserte, poignant et poétique. Il est accompagné par une bande originale sublime, mise en valeur par l’absence de dialogue. À regarder au calme et sans interruption pour profiter pleinement de l’immersion !
Documentaires
The Kingdom of Dreams and Madness (Le Royaume des rêves et de la folie en français, mais plus facile à trouver en recherchant le titre en anglais), documentaire japonais (dont il existe des sous-titres en français) plongeant dans le quotidien du studio Ghibli et des ses figures phares, Hayao Miyazaki, Isao Takahata et Toshio Suzuki. Comme l’écrit un des critiques cités dans la bande-annonce, c’est comme se retrouver dans l’atelier du Père Noël !
Never-ending man (qu’on peut traduire par « L’homme qui ne s’arrête jamais » en français, mais vous ne le trouverez pas sous ce titre) sorti en 2018, documentaire plus centré sur Hayao Miyazaki, et son éternel désir de créer.
Bonne nouvelle pour les spectateurs : Hayao Miyazaki a une fois de plus renoncé à prendre sa retraite et travaille sur son prochain long-métrage, Comment vivez-vous?
Notes [1] et [2] :
Ghibli