C’est une première pour moi de faire une ouverture (d’autant que je suis assez discret et passe souvent en coup de vent), alors j’espère ne pas vous décevoir.
J’ai longuement hésité quant au sujet : plusieurs idées me semblaient intéressantes vis-à-vis du trading.
Finalement, mon choix s’est porté sur le Taoïsme ! J’affectionne particulièrement ce courant, que j’étudie et dont je me suis imprégné depuis plusieurs années, et je considère qu’il s’agit davantage d’un courant de pensée et d’un état d’esprit au sein de notre monde que d’une doctrine religieuse. Mais il serait présomptueux de prétendre pouvoir aborder le sujet de fond en comble en si peu de jours, je préfère donc vous présenter les origines du mouvement ainsi que quelques concepts fondamentaux sur lesquels repose le taoïsme.
Il m’arrivera de compléter des éléments par quelques informations qui pourront peut-être en intéresser certains, n’hésitez pas à vous référer au nombre correspondant en bleu pour la “note de bas de page”.
Laissez-moi donc vous conter une histoire. Légende ou vérité, peu nous importe ...
Nous sommes à Huhsien (1), dans la province de Henan (“Au Sud du fleuve”), en Chine, quelque six cents ans avant la naissance de Jésus Christ. C’est ici que naît Lao Tzu (“Vieux sage” ou “Vieil enfant”) (2), homme qui devint par la suite le gardien des archives impériales de la capitale de Luoyang. Lao Tzu est un individu brillant, considéré comme un sage parmi les siens. Sa parole est écoutée et respectée. On dit que ses yeux voient au-delà de ce qu’accepte de nous montrer le monde, que son esprit a su saisir l’essence même de toute chose.
Anecdote 1 :
Confucius aurait un jour voyagé dans le but de rencontrer Lao Tzu, dont on lui avait vanté la clairvoyance et la compréhension du monde. Il décrivit ainsi leur rencontre :
“Je sais qu’un oiseau peut voler, qu’un poisson peut nager, qu’un animal peut courir.
Pour ce qui court, nous fabriquons un filet.
Pour ce qui nage, nous fabriquons une ligne de pêche.
Pour ce qui vole, nous fabriquons une flèche.
Mais l’ascension du dragon au paradis, à travers vent et nuages, dépasse mes connaissances.
Aujourd’hui, j’ai rencontré Lao Tzu, qui est peut-être bien un dragon.” (3)
Le temps passant, Lao Tzu comprend que sa société est en déclin et devine que de terribles événements vont survenir. Il prend la décision de quitter à jamais les siens, s’en allant en direction du désert, de l’autre côté du fleuve. Pour ce faire, il doit traverser le col de Hangu. Mais il y est arrêté par un certain Yin Xi, gardien du col, dont l’oreille a déjà entendu parler de la sagesse de Lao Tzu. Le gardien demande une faveur au sage : “Puisque vous nous quittez, écrivez-moi l’essence de votre savoir.”
C’est ici que voit le jour le Tao Te Ching (“Le livre de la voie et de la vertu”) (4). Ce livre exprime ce qui s’approche au plus près, à l’aide de mots, du Tao, sans pouvoir parfaitement le définir (attention, ce point est important). Au travers des siècles, des extraits de ces écrits ont pu être retrouvés (5). Le texte a été reconstitué aussi fidèlement que possible. Mais le temps a joué sa musique, et les mots ne suffisent pas à transcrire un concept aussi profond que le Tao. Nombreux sont ceux qui, forts de leur compréhension du texte, en ont proposé une interprétation. Elles ont toutes leur intérêt, sont nuancées par la culture contemporaine de l’auteur, sont toutes à la fois proches et lointaines du texte original.
Anecdote 2 :
Lorsque quelqu’un s’initie au taoïsme, il n’est pas rare qu’il pose la question suivante : “J’ai lu le Tao Te Ching, et maintenant ?”
Il est coutume de lui répondre : “Recommence, et ce chaque jour. Tu auras ta réponse lorsque tu ne te poseras plus la question.”
Chers amis, je tiens quand même à terminer mon histoire du jour : notre sage, son texte rédigé, traversa le col et disparut.
Le Tao Te Ching, ultime trace de l’existence de Lao Tzu, contient entre 5000 et 5500 caractères chinois répartis par les interprètes en 81 chapitres pour en rendre la lecture accessible. Il est vraisemblablement scindé en deux parties : la première traitant du Tao (“Le chemin” ou “La voie”), la seconde du Te (“La vertu”). Le style se veut court mais poétique, précis dans le choix des mots mais suffisamment vague pour laisser place à une myriade d’interprétations. Sa structure grammaticale est complexe à déchiffrer, ce qui étonne souvent au regard du nombre réduit de caractères employés.
Pour parachever mon propos du jour, j’aimerais attirer votre attention sur un dernier élément important, qui interroge bien souvent. Voici une traduction de la première phrase du chapitre 1, la première phrase du Tao Te Ching :
“Le Tao qui peut être exprimé par des mots n’est pas le vrai Tao.”
Ainsi, quand bien même nous lirions et analyserions avec la plus grande des volontés les mots de Lao Tzu, cela ne suffirait pas à saisir l’essence du Tao. Selon moi, le Tao se vit plus qu’il ne se comprend, il se perçoit dans le croisement de l’imperceptible et de l’évidence. Il semble être à la fois le lien qui unit toute chose, mais aussi le chemin qu’entreprend toute chose du début à la fin, quand bien même il y aurait un “début” et une “fin”.
Séquence Trading :
Nous pouvons d’ores et déjà établir un parallèle intéressant avec les paroles longtemps répétées par notre hôte Benoist jusqu’à ce jour. Je vais oser le pastiche suivant :
“Le Trading qui peut être exprimé par des mots n’est pas le vrai Trading.”
Autrement dit, tout comme pour le Tao, chacun doit se faire sa propre idée de son trading et du trading en général. Il est vain de penser que c’est en lisant ou en écoutant les traders parler de leur trading que l’on comprend ou apprend à trader. Vivez cette expérience par vous-même et pour vous-même.
On peut légitimement s’intéresser à la façon de faire de Benoist, mais souhaiter la reproduire n’amènera en aucun cas un résultat identique.
Mais nous pouvons encore aller au-delà : il est plausible que vous-même ne puissiez jamais expliquer parfaitement votre propre trading. Que vous n’ayez pas conscience de certains facteurs qui le constituent et le régissent. Et ça n’est pas un mal, loin de là ! Il est très sain que certaines choses nous restent inconnues ou subconscientes.
Ce sera la seule phrase du chapitre 1 que je présenterai, car il s’agit selon moi de l’un des chapitres dont la compréhension nécessite le plus long cheminement. Nous reparlerons du concept même du Tao en fin de semaine. Cela ne nous empêchera pas de discuter des autres chapitres (principalement les premiers, dans un souci de clarté), dont les concepts magnifiques peuvent permettre de voir la vie différemment, tout comme le trading !
Merci pour votre attention ! Je ne le répéterai jamais assez. J'espère vous avoir intéressés, n'hésitez pas à me faire des retours pour que je sache si je dois adapter certains points ! Il m'arrive fréquemment, comme tout passionné qui se respecte, de m'égarer.
Notes de bas de page :
(1)