Nous avons vu hier que :
- notre perception et nos réactions sont reliées et indissociables : la perception oriente l’action et le retour d’information sur l’action modifie la perception. Perception et réaction s’influencent mutuellement.
- ce que nous faisons et orienté par les buts que nous nous fixons
- ce que nous faisons pour résoudre un problème, nos tentatives de solutions, ne font bien souvent que générer voire amplifier le problème.
Prenons un exemple simple.
Victor est un enfant de 5 ans qui ne veut pas manger avec sa fourchette. (Je fais une parenthèse, mais c’est tout à fait normal : il est dans ce qu’on appelle la « phase d’opposition », qui peut durer quelques mois à quelques années… J’y reviens…)
Quelle est la perception des parents, leur but conscient ? Leur but conscient va être « tu dois absolument manger avec ta fourchette ». La vision du monde qui est la leur et qui va orienter toutes leurs tentatives est qu’il est normal d’apprendre à manger avec une fourchette. Il est vraisemblable qu’en insistant, ils ont aussi le sentiment de faire leur « devoir de parent », d’inculquer les « bonnes bases » à leur enfant, d’être en accord avec leurs valeurs. Peut être même ont ils un peu peur d’être jugés si leur entourage ou leurs amis s’apercoivent que Victor « à son âge », ne mange pas avec sa fourchette.
Oui mais voilà… plus ils insistent, moins Victor mange avec sa fourchette : il les nargue, s’en amuse, fait des grimaces, il continue à manger avec ses doigts… En réalité, ce qui est très stimulant et plaisant pour lui… c’est qu’il est en train de monter en compétence sur la manière de prendre le contrôle des adultes.
Ce qui évidemment agace ses parents, qui, constatant leur impuissance, vont redoubler de stratagèmes et de tentatives pour essayer qu’il mange avec sa fourchette. Ils vont essayer de l’amadouer, d’être gentils, de hausser le ton, de menacer de le punir, de « faire l’avion » avec la fourchette…
Toutes ces tentatives de solution ont exactement le même point commun, le même but : elles contiennent toutes le même message implicite « tu dois manger avec ta fourchette »… Message que Victor a évidemment parfaitement décodé et dont il joue.
Et plus les parents insistent, plus l’enfant résiste. Plus les parents imposent, plus l’enfant s’oppose. (Je fais une parenthèse, mais c’est un mécanisme parfaitement connu aujourd’hui de la montée en compétence dans l’opposition et parfois même jusqu'à la délinquance…)
Alors que faire…
Vous avez bien compris que ce sont les tentatives des parents qui en réalité sont le moteur du problème, qui tendent la relation et ne font qu’accroitre la jubilation de Victor.
D’accord… mais ils ne peuvent quand même pas ne rien faire !... Je suis bien d’accord avec vous…
Et bien la solution, bien qu’elle ne relève pas du tout du « bon sens commun », est en réalité désarmante de simplicité : il suffit qu’ils fassent simplement l’inverse ! en demandant à Victor de « ne pas manger » avec sa fourchette.
Je prends évidemment le risque que ma santé mentale soit rudement questionnée. Mais c’est un risque qui vaut le coup d’être couru si cela peut soulager un certain nombre de situations.
En réalité, faire l’inverse et prescrire l’opposition est d’une efficacité redoutable pour 2 raisons :
- soit Victor s’oppose à ce que lui demandent ses parents (de ne pas manger avec sa fourchette) : dans ce cas il va les provoquer…. en mangeant avec sa fourchette. Ce qui correspond exactement au but de ses parents. Bilan de l’histoire : les parents ont gagné et repris les rênes de la relation
- soit Victor fait ce que ses parents lui demandent (de ne pas manger avec sa fourchette) mais dans ce cas il perd le pouvoir, puisqu’il fait ce que ses parents lui demandent. Et c’est beaucoup moins amusant… Là encore, les parents ont gagné et ont repris les rênes de la relation. Si vraiment il ne s’y met pas, ses parents auront beau jeu de le féliciter de faire ce qu’ils lui ont demandé
Dans tous les cas, quoi que fasse Victor, ses parents ont gagné et repris les rênes de la relation. Et l’expérience montre que tous les enfants remangent avec leur fourchette.
Ce qui fonctionne remarquablement pour une situation aussi simple fonctionne en réalité de manière tout aussi efficace pour tous les problèmes éducatifs. Il est tout aussi efficace de prescrire une bonne colère, de prescrire de ne pas faire les devoirs, de ne pas mettre la table, de ne pas se laver les dents, de rester au lit le matin… Cela permet de désamorcer le moteur du problème.
C’est étonnant, mais la plus grande difficulté ne résulte pas dans la réponse des enfants… mais dans la capacité des parents de prendre ce type de position, qui parait tellement « inverse » au bon sens commun.
Loin de moi l’idée de vous convaincre… je vous invite juste à essayer. Ce sera le retour d’information sur votre action qui modifiera votre perception : vous aurez changé.
Mais Grégory Bateson et d’autres chercheurs de l’institut de recherche mentale de Palo Alto, en Californie (Paul Watzlawick notamment) ne se sont pas arrêtés là : il vont montrer que les tentatives de solutions sont le moteur de la plus grande partie des troubles dits « mentaux » :
- la dépression, les attaques de panique, les phobies, la plupart des additions relèvent d’un excès d’évitement, c’est-à-dire de tentatives répétées dans le temps d’éviter des situations ;
- les tocs, la paranoïa, l’anorexie, la jalousie, les violences conjugales… relèvent d’un excès de contrôle, c’est-à-dire de tentatives de solutions répétées dans le temps de contrôler une situation.
L’excès des tentatives de solutions est le moteur du problème. Même pour de troubles aussi intenses et qui parfois font un peu « peur », le fait de couper les tentatives de solution est d’une efficacité redoutable.
Prenons juste un exemple : celui d’une personne déprimée.
Ses tentatives de solutions les plus communes sont :
- elle se plaint
- elle se projette et voit l’avenir tout noir
- ellecsollicite de l’aide
- elle prend des médicaments… etc etc
Ce sont toutes des tentatives d’évitement des situations.
Les tentatives de solution de l’entourage, des amis, des collègues, sont aussi classiques :
- ils encouragent, ils motivent
- ils aident
- ils exhortent, essaient de faire bouger
- ils essaient de faire relativiser « la vie n’est pas si triste »…
- etc etc
Alors que faire pourriez-vous me dire ?
Et bien c’est assez simple. Il est possible d’obtenir déjà un très grand soulagement par exemple :
- en expliquant à la personne (et à l’entourage) que quand on demande de l’aide et qu’on en reçoit, on reçoit en réalité 2 messages. Le premier message, c’est « je suis là et tu peux compter sur moi ». Mais le problème, c’est que la personne qui reçoit de l’aide reçoit un 2ème message implicite, que son inconscient va retenir « je ne suis pas capable de faire les choses toute seule ». Et la fois d’après, confrontée à une situation similaire, quel message croyez-vous que son inconscient va rappeler ? Evidemment le second, ce qui va accentuer la propension à l’évitement, abimer la confiance en soi et l’estime de soi de la personne, et parfois faire émerger culpabilité et colère. Expliquer que chaque demande d’aide ou d’apport d’aide ne va faire qu’amplifier le problème est déjà généralement un puissant moteur de changement
- en expliquant par exemple qu’on regarde l’avenir avec nos yeux du présent : si notre présent est triste, il est très peu probable que nous arrivions à voir un avenir radieux. Expliquer cela à la personne déprimée en l’invitant pout cette raison à ne pas trop se projeter et aussi une source importante de soulagement.
Je n’aurai pas le temps de développer ici, mais vous l’avez compris, pour chaque problème, tout l’enjeu va être de couper l’ensemble des tentatives de solution, voire de faire l’inverse… ce qui en quelque sorte va « dissoudre » le problème.
Nous pourrons peut-être nous retrouver sur la file sur laquelle seront archivés les opens pour continue à échanger si vous le souhaitez, par exemple sur des problèmes relatifs au trading.
Cette semaine s’achève. J’espère vous avoir intéressés, même si j’ai bien conscience qu’il fallait un peu lire et beaucoup réfléchir. Mais si je l’ai fait, c’est que je pensais que vous sériez à la hauteur.
Je voulais vous remercier de m’avoir lu. J'ai eu un très grand plaisir à cheminer à vos côtés sur les sentiers de la connaissance.
« Points de vue » (petite synthèse des connaissances de la semaine)
Nous ne percevons pas les mêmes informations ;
Nous ne les classons pas de la même manière ;
Elles n'évoquent pas les mêmes choses pour nous ;
Nous ne les rappelons pas de la même manière ;
Le processus de mémorisation dépend du projet que l'on a pour l'avenir ;
La perception est relative, c'est une construction.
La processus de perception est toujours doublement orienté :
- par nos expériences antérieures d'une part. Passer de nombreuses heures à chercher des ressemblances dans les graphiques sur différentes ut ou dans les screens des traders d'exception du forum peut par exemple améliorer grandement notre connaissance
- par le projet que l'on a d'autre part. Revoir son projet "à la baisse" permet par exemple de trader plus sereinement
Une information c’est une différence qui fait une différence
La valeur d’une information c’est son improbabilité
Certaines informations ont plus de valeur que d’autres (la violence notamment)
L’excès d’information et l’absence d’informations sont les deux sources de l’angoisse et de l’anxiété
La cybernétique est la science qui étudie le fonctionnement des systèmes complexes
La caractéristique de ces systèmes complexes, c’est que se sont des systèmes à l’intérieur desquels de l’information circule, qui va faire des différences
Le retour d’information est ce qui permet aux systèmes complexes de s’adapter
Les systèmes vivants, et l’être humain en particulier sont des systèmes complexes. A ce titre, évoluent et s’adaptent en traitant des informations internes et externes
Ce sont les retours d’informations qui les font réagir pour évoluer et s’adapter
Selon que l’action est possible ou empêchée, il existe 3 modalités de réaction (d’adaptation) par rapport à une situation : l’évitement, le contrôle, l’inhibition de l’action.
Aucune de ces modalités d’adaptation n’est problématique en soi : toute la journée nous évitons certaines situation, nous en affrontons d’autres, ou ne ne savons pas quoi faire
Notre système de perception/réaction est conditionné par nos « buts conscients » ;
-Il existe 2 types de buts conscients :
- « tout sauf ca »
- ou « impérativement ça et rien d’autre »
Ces buts que nous nous assignons focalisent notre attention et nous font mettre de côté certaines informations
La prise de conscience n’est pas suffisante pour produire un changement de comportement
Les tentatives de solutions, c’est tout ce que nous faisons de manière volontaire et consciente pour essayer d’atteindre notre but.
Elles contiennent souvent le même message implicite (le même but conscient)
Ces tentatives de solution peuvent générer les problèmes et les amplifier
Pour sortir du problème, il suffit le plus souvent de faire l’inverse de ce que nous faisons avec insistance : mais en aurons-nous l’audace ?
Calendrier du jour :