Comment faire pour devenir un trader régulier ... un trader qui s'est débarrassé de son ego ? Ou du moins, comment faire du trading sans être sous l'empire de son ego ? Ou bien encore, est-ce possible de faire cohabiter harmonieusement trading et ego ?
Mais d'abord, qui est cet ego dont on parle tant, mais qu’on ne peut voir ni toucher? Existe-t-il vraiment? Et comment peut-on mesurer son impact dans le trading ? Il fait penser aux termites qui s'infiltrent sournoisement dans les maisons, qu’on ne voit pas, mais qui laissent des traces au bas des murs. L’ego agit de cette façon : c’est par les traces destructrices qu’il laisse dans notre vie qu’on peut attester de sa réalité. Et dans le trading, c'est tous ces petits, et trop grands moments où la souffrance, la rage, les émotions négatives se manifestent. Dans le trading, les traces, les résidus sont ces pertes qui sont importantes au lieu d'être insignifiantes, ces épisodes où nous perdons le contrôle de... où nous sommes dans le manque de ... absents à nous-même, pas ici et maintenant, ni d'ailleurs véritablement dans le trading. Force est de constater que l'ego existe et se manifeste quand il y a manque de discipline. L'ego se niche dans l'immédiateté de toute distance à des objectifs rationnels prédéfinis. Comme si notre psyché ne supportait pas le vide. Alors, dès qu'il y a un vide, se crée une réaction affective à notre champ d’expérience. Un mouvement de recul, basé sur la peur. Cette peur nous fait nous retrancher dans une bulle pour nous protéger. L’ego est le résultat d’une activité mentale qui crée et maintient une entité imaginaire dans notre esprit. L'ego est un corps matériel, une sorte de moi immature, confronté aux objets et aux autres, et qui a besoin d’approbation. Quand mon ego prend le dessus il ne me fait penser qu'à moi (c'est à dire qu'à lui), et donc dans le trading, il provoque des réactions inadaptées telles que cupidité, peur, euphorie, orgueil, impulsivité, trades d'ennui ... Finalement, la discipline, la maîtrise de l'ego, son enfermement et son maintien en captivité, ou le fantasme de pouvoir un jour se saisir complètement soi-même (de lui), et atteindre par là un état permanent de sécurité et de possession, est voué à l’échec. Nous ne pourrons qu’être déçus, car c’est impossible.
La confusion existe entre un ego fort (qui prend le dessus) et la confiance en soi et la liberté d’être. De l'ego, moi immature, ennemi du trader, au soi, passons par le Je. De ce : moi, moi je, à moi, mon, mes, essayons le simple je. Cette distinction dans le langage fait une grande différence dans la perception que l’on peut avoir de soi-même. Une façon de s’exprimer mettant immédiatement l’attention sur le sens des responsabilités plutôt que sur la possession. Je fais du trading, j'ai des pertes, j'ai des gains ... ce n'est pas mon trading, mes pertes, mes gains.
Essayons de remplacer l'ego, le moi fort (illusion immature) par le non-moi.
Le moi imaginaire est la réponse que donne la psychanalyse.
Le moi est une erreur de point de vue. L’envers de la conscience fondée sur l’ « ego cogito » cartésien est l’inconscient, qui force le sujet moderne, le sujet de la science, à reconnaître qu’il n’est pas le maître en sa demeure. Le moi est une surface qui ignore les profondeurs. Jamais l’être humain ne peut s’y limiter, encore moins s’y identifier sans tomber dans une forme ou une autre de folie. Lacan insiste : il faut en finir avec le moi. La psychologie est une impasse. Tout l’enjeu est d’accepter que notre être est plus grand que tout ce que pourra en dire le moi. L’idée même de se construire n’est possible qu’à partir du fait que le moi est non-solide. Dans un travail analytique, on s’ouvre de manière réelle à quelque chose de plus vaste que soi. Il ne saurait y avoir de jugement de valeur en ces domaines, il nous faut au contraire sortir des catégories et entrer dans l’expérience. Le travail de Lacan va dans le sens du non-moi. L’homme est habité, par exemple, par le langage, et la parole le parle sans qu’il puisse la maîtriser de l’extérieur. Le moi, pour Jacques Lacan, est une instance imaginaire de contrôle et de méconnaissance. L’ignorance, l’illusion, la tromperie le caractérisent. La cure analytique permet la traversée des apparences, pour se retrouver de l’autre côté du miroir et échapper à l’emprise du narcissisme qui prend le reflet pour un être existant en soi. On ne peut donc pas dire qu’il faut un moi solide pour entrer dans le non-moi. Au contraire, c’est quand il y a du non-moi, du non-ego, de la vacuité, que l’on respire, que l’on peut accéder à une certaine liberté.
Ici les distinctions entre bouddhisme et psychanalyse ne sont pas si étanches qu’on le croit.
La tradition bouddhiste et l’école de la psychanalyse, en apparence si éloignées, se rejoignent sur l’essentiel. La vérité de l’homme est le non-moi, rien d’autre – ce qui n’est pas sans rapport à sa nature éveillée.
Pour les bouddhistes, le moi n’existe pas. L’ego est une illusion sans fondement qui nous emprisonne et nous tue, en nous faisant croire à une personne stable et rassurante, que chacun situe quelque part vers l’intérieur de soi, et appelle affectueusement son moi. Ce qui est une drôle d’idée, les textes précisant bien que s’attacher à un moi revient à traîner derrière soi un cadavre. Les notions d’impermanence et de non-ego sont des enseignements fondamentaux du Bouddha, et constituent avec la souffrance les « trois marques de l’existence ». Le « non-ego » est un terme, loin d’être négatif, qui désigne plutôt une liberté qu’une privation. Le non-ego est une notion positive, contrairement aux idées reçues. Le non-ego c'est la vraie liberté.
Notre être est absolument insaisissable, car quelque chose d’ouvert se tient toujours en nous, et donc un accès possible à la liberté. On peut opposer l'ego au soi. Le soi, ou moi intérieur et mature, qui devient impersonnel, se confond avec le grand tout, qui provient de l’esprit, qui est immatériel et invisible. Doté des raisons de l'âme, notre soi est positif. Il cherche toujours à optimiser toute situation qui se présente.
Pour résumer, le trader doit observer son ego, petit moi immature, récurrence incontournable mais insignifiante, ayant une place circonscrite dans son trading. Le trader doit œuvrer, développer et permettre sa transformation en non-moi pour pouvoir réaliser de manière fluide tous les actes du trading. Le trader ré-gulier est un trader ré-veillé.
Son ego est devenu quantité négligeable. Le trader, bien réveillé, avec un observateur interne vigilant et disponible, maintient son ego à l'écart lorsqu'il trade, et aussi le plus souvent possible dans le reste de sa vie. Le trading ne peut se résoudre ni à moi, je, ni à lui. L'expérience est pour le trader une transcendance où son soi s'appuie sur les métaphores (marchés financiers, argent, ...) pour s'épanouir.