@ano, si je reprends tes points:
1-Je pense qu'il faut s'entendre sur quelle est la meilleure mesure pour estimer le PE ratio, tu nous parles du forward PE qui n'est qu'à 17, mais d'autres méthodes de mesure le donne à 25
Sur ce point il y a pas de doute. La seule manière de valoriser des résultats à travers un multiple c'est de regarder devant soi: ce que va faire la boîte dans le futur. La bourse est un mécanisme d'actualisation (
discounting chez Shakespeare) des flux futurs et regarder en arrière en prenant le résultat publié est absurde et je peux te l'assurer ce n'est pas comme ça que travaillent les financiers pros et autres banques d'affaires. (Au passage le CAPE de Shiller est une abomination au
carré, puisqu'il prend
carrément 10 ans d'historique dans ses calculs... Rober Shiller est un formidable économiste comportemental - je crois même avoir posté une fiche de lecture ici de son splendide "Irrational Exuberance", mais il ne passerait pas les entretiens d’embauche en banque. Il est bien meilleur psychologue que financier

).
Avant internet, la seule raison "acceptable" pour un non-professionnel de prendre le PE historique était d'ordre méthodologique: il était beaucoup plus simple et surtout moins cher d'avoir accès aux résultats publiés des sociétés qu'au consensus des prévisions des analystes sur celles-ci. Désormais cette contrainte est levée, Yardeni calcule en continu le Forward PE en publiant gratuitement (sur les indices principaux) le consensus des analystes sur l'année en cours, l'année n+1 et en faisant la péréquation pour calculer un 12 mois rolling.
En tout état de cause qu'on choisisse le
forward PE (à raison, donc

) ou l'historique (
trailing dans ton lien) la chose la plus importante c'est de ne pas les mélanger car par définition leurs niveaux ne sont pas semblables (ils ne pourraient l'être par construction qu'en cas de croissance 0 des résultats)
2- Les marchés sont chers principalement aux US en effet en le comparant avec les PE des pays émergents et de plus l'écart ne fait que croitre ces derniers temps
Oui mais c'était déjà le cas en Novembre 2016 par exemple. Et si tu avais fait le choix alors de surpondérer le reste du monde vs les USA, tu aurais perdu de l'argent
La vérité c'est qu'il n'y a pas de valeur absolue juste d'un PE qui existe dans le temps, pas plus qu'à travers des géographies. Parce qu'il ne faut pas perdre de vue qu'un PE a mécaniquement une relation inverse avec les taux d'intérêt (cf le calcul d'un taux d'actualisation - MEDAF), ce que méconnait complètement Shiller quand il fait des comparaisons dans le temps et avec des moyennes 10 ans.
On a vécu une extraordinaire descente des taux d'intérêts depuis le tout début des années 80, qui aurait dû d'ailleurs faire progresser le PE bien au-delà d'où il se trouve en ce moment. Le marché depuis 2002 se comporte comme s'il trouvait que la baisse des taux d'intérêts allait trop loin et refusait de le prendre en compte pour re-rater le PE en se gardant un coussinet de sécurité. Ce qui laisse à l'inverse pas mal de marge de manœuvre en cas de remontée des taux pour que le PE ne soit pas impacté au premier jour.
Je te laisse apprécier la courbe comparée des
Earnings yield (c'est à dire l'inverse du PE) et des taux du 10 ans aux USA. Découplage depuis 2002 qui s'il n'avait pas eu lieu aurait dû entraîner dans sa chute le
Earnings Yield (et donc faire flamber son inverse: le PE)
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- Merci encore yardeni.com
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3- En ce qui concerne l'inflation elle peut exploser rapidement, à la faveur d'une hausse généralisée des salaires (dernier exemple en date amazon et d'autres) puis vient le prix du pétrole qui peut aller vers les 100 et il y a beaucoup d'autre facteurs
4-Dire que la courbe de Philips est définitivement brisée serait aussi une erreur
Oui bien sûr, mais force est de constater que
pour le moment rien dans les observations (chiffres publiés) ni dans les attentes (inflation implicite via TIPS) ne permet de constater une reprise alarmante de l'inflation aux US.
Quant à la courbe de Philips je n'ai pas dit qu'elle était définitivement morte, car je me méfie de 'toujours' et 'jamais'. Mais en ce moment et depuis un petit moment elle ne donne plus rien. Le taux de chômage baisse depuis longtemps et l'inflation des salaires reste sous contrôle.
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- La courbe de Philips donc, et toujours chez yardeni.com
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Dans les propres mots du Chairman de la FED(discours ici: https://www.federalreserve.gov/newsevents/speech/powell20181002a.htm) ça donne:
"As I mentioned, the FOMC carefully monitors a wide array of early indicators of inflation pressure to evaluate this risk. Wages and compensation data are one important source of information. These measures have picked up some recently, but in a way that is quite welcome. Specifically, the rise in wages is broadly consistent with observed rates of price inflation and labor productivity growth and therefore
does not point to an overheating labor market.
Further, higher wage growth alone need not be inflationary. The late 1990s episode of low unemployment saw wages rise faster than inflation plus productivity growth without an appreciable rise in inflation.”
L'explication la plus déterminante semble bien être la démographie. Le pic de la classe d'âge la plus nombreuse au travail a eu lieu aux Etats-Unis au tout début des années 80 (les
babyboomers au bureau) ce qui a coïncidé avec le pic d'inflation. Depuis les deux courbes se sont assagies dans une corrélation assez spectaculaire, qui me laisse sans voix à chaque fois que je la regarde.
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- Yardeni.com
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Bref, pas encore tout à fait la fin du monde.
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(ps sur ton ps (parallélisme des formes oblige

) 2009 c'est la plus grosse crise financière depuis 29 et un forward PE de 9x dans un contexte d'inflation/taux bas, soit le point le plus bas depuis les années 70/début 80 à l'époque où l'inflation et les taux étaient beaucoup plus élevés)
@Kero:
this time is different est effectivement pour moi une des phrases les dangereuses en bourse si on l'applique aux comportements humains (cf le bitcoin qui n'est jamais qu'une tulipe digitale). En revanche s'intéresser aux leviers macro éco pour voir ce qui a effectivement changé d'avec le passé ne relève pas de cette même démarche. En un mot, le monde change effectivement, la psyché humaine non.