Salut à tous,
Comme convenu j'apporte ma petite pierre à l'édifice
"Les mouvements baissiers ne sont pas plus violents" : que veut-on dire par là ? Que signifie "violent" ? Parle t'on d'amplitude ? De vitesse ? Les 2 ? Sur quelle fréquence (UT) ? Sur quelle période (durée) ? Sur quels actifs ?
Je vais essayer d'aller à l'essentiel. Exercice difficile tant il y a d’éléments à évoquer sur le sujet. Je ne rentrerais pas nécessairement dans les détails, mais serais ravis de répondre par la suite à des questions précises.
Pour essayer d'apporter une réponse constructive, je pense qu'il convient de commencer par le commencement et notamment d'aller voir ce que la recherche a pondu sur le sujet.
1. Analyse de la problématique sous l'angle de la recherche
Sauf erreur de ma part, il s'agit ici de débattre de l'existence ou de l'absence d'une forme de "symétrie" entre les mouvements haussiers et baissiers. Dit autrement : les mouvements haussiers ont-ils des propriétés semblables aux mouvements baissiers ?
A cet effet, la recherche a été très prolifique, avec en tête de gondole, les analyses liées aux rendements et à leur distribution. Que dit la recherche sur le sujet ?
- Les distributions des rendements des actifs financiers ne sont pas "normaux" i.e :
* ils ne suivent pas une loi normale (moyenne nulle, variance de 1, symétrie parfaite)
* leur variance est hétéroscédastique = elle n'est pas constante dans le temps
* ils tendent à être étalés (skewness) sur la droite de la distribution et avec des queues épaisses (kurtosis). Les rendements positifs sont plus nombreux en moyenne et plus petits en amplitudes. Les rendements extrêmes négatifs sont plus nombreux que les rendements extrêmes positifs
- Les rendements des actifs financiers tendent à être auto-corrélés, cela veut dire que des rendements positifs (négatifs) tendent à être suivis par des rendements positifs (négatifs). On perçoit ici le typique biais momentum
- La volatilité tant également à être auto-corrélée. On a ainsi montré qu'il existait des "clusters" de volatilité, i.e que les périodes à faible (forte) volatilité tendent à être suivies par des périodes à faible (forte) volatilité , à court terme. Ce type de phénomène est par exemple assez bien expliqué par des mesures de volatilité type GARCH (voir en référence à cette mesure mon intervention en page 4 de la file
je-backteste-le-dax-au-tick-pres-sur-2- ... 00-30.html). Vu sous l'angle de la volatilité implicite, on observe aussi le même phénomène. A très court terme le Vix est lui aussi autocorrélé. Une faible (forte) valeur de Vix tends à être suivie par une faible (forte) valeur.
2. Conclusions de la recherche sur le sujet
- La volatilité tends à être plus forte sur les périodes (tendances) de baisse VS période de hausse. Cela signifie mathématiquement que l'écart type (= déviation par rapport à une moyenne) des rendements est en moyenne supérieur en phase de baisse VS phase de hausse
- Bien évidemment, une tendance est marquée par des rebonds/pullback. En phase de baisse, le trend principal est baissier, mais les rebonds sont eux haussiers
- Comme on parle de volatilité (et pas de semi volatilité = ne prenant en compte que des rendements négatifs ou positifs), on considère donc les rendements positifs et négatifs dans une phase de marché considéré sans distinction. Il apparaît à cet effet que les rendements positifs en phase de marché baissier sont moins importants (logique) mais que leur amplitude tant à être semblable aux rendements baissiers
- En revanche les phases de baisses tendent à être plus courtes que les phases de hausses. Attention bien garder à l'esprit que phases de baisses et de hausses comprennent des rendements à la fois haussiers et baissiers. Le nombre de papier sur le sujet est conséquent. Voir à titre d'information les bears market au sens du NBER qui a mis en place tout une méthodo pour considérer qu'est ce qu'un marché baissier vs haussier en s'appuyant sur des données macro
- Ces études portent dans leur immense majorité sur des rendements calculés sur des fréquence quotidienne et au-delà. Il y a beaucoup moins de papiers de recherche sur l'analyse des rendements intraday. Point important ici car l'analyse de toto porte sur des fréquences de 5mn donc en intraday et donc du très très court terme
3. Les bonnes pratiques d'analyse
- Utilisation d'un échantillon ayant une taille significative. Par exemple si on s'intéresse au SP500, on va considérer que l'échantillon sera représentatif si il comprends un nombre significatif de marchés haussiers et baissiers. Sur une fréquence daily, on pourrait dire que 30 ans serait significatif (élément subjectif bien entendu). En se basant sur une fréquence en intraday, on a généralement besoin de moins de données. Mais pour autant retenir que 8 mois, comme c'est le cas dans l'analyse de Toto, s'est vraiment trop court
- Faire l'analyse sur plusieurs actifs. Je l'avais évoqué au début de cette file. Les propriétés varient selon les classes d'actifs (action, taux, forex, commos....) d'une sous classe d'actifs à l'autre. J'en ai parlé au début de cette file
- Les analyses se font en % et non en pts d'indice pour rendre comparable les études dans le temps, entres actifs et surtout entre classes d'actifs
- Pour les analyses graphiques, privilégier une unité de mesure en log(prix) que prix
- Les intuitions graphiques permettent de se poser des questions et de faire des études, etc... Mais rien ne remplace une analyse statistique sérieuse
4. Conclusion personnelle
- La recherche a clairement démontré que les phases de marchés baissiers étaient plus volatiles et plus courtes que les phases de marchés haussiers et également plus volatils. Les marchés baissiers sont plus "violents" en terme de volatilité que les marchés baissiers. Par exemple prendre un graphe très long terme sur le Dow, mettre en log. Vous verrez tout de suite les bears markets majeurs (octobre 29, octobre 87, etc...). Plus courts et plus violents. Imparable
- Marchés haussiers et baissiers contiennent à la fois des rendements positifs et négatifs. A très court terme, leur structure tend à être semblable. Argument confirmé par la recherche et l'analyse des rendements (voir point 1-2, en particuliers les clusters de vol). Cela explique sans doute pourquoi l'analyse de Toto sur la période considérée a du sens (fin de marché haussier puis début bear market avec fort rebond à partir du 26 dec 18). En effet c'est cohérent avec ce qui a été évoqué ci-dessus
- En définitive :
* je suis plutôt d'accord avec Toto quand il s'agit de comparer la structure des rendements haussiers vs baissiers dans une même phase de marché à très court terme. Dans ce contexte, les rendements baissiers ne semblent pas plus violents que les rendements baissiers
* pour ce qui est de la méthodo (8 mois 2 actifs), c'est en revanche trop peu. Dès que j'aurais un peu de temps je passerais au scanner statistique les 6 ans de données de tick de Takapoto. Et là on aura des données chiffrées complémentaires pour confirmer/infirmer ce point de convergence dans l'analyse
Je pense enfin qu'il y a une forme de dialogue de sourd sur cette file. Finalement ceux qui sont plutôt du "côté" de toto semblent avoir raison sur la dimension "pas plus violent" à très court terme. Les autres ont plutôt une vision volatilité marchés baissiers vs haussiers et ont clairement raison, notamment quand on voit les conclusions de la recherche sur le sujet.
En espérant avoir apporté un peu plus de clarté au sujet, au du moins un angle d'approche un peu plus "global"