Extrait d'une groupe Facebook ;
À l’automne 2015, alors que les cours du brut frisent les 30 dollars, l’Arabie saoudite est obligée de mettre les pouces. Elle a perdu son pari de rester le maître incontesté du marché pétrolier. Actant cette défaite, elle renoue avec les usages anciens de régulation de la production de l’Opep et va même chercher la Russie, qui n’est pas membre du cartel pétrolier, pour l’aider à réinstaurer un équilibre sur le marché.
Désormais, la ligne de conduite des pays producteurs est claire : les pays producteurs s’engagent à maintenir une offre pétrolière contenue afin de conserver des cours élevés.
Car cette guerre pétrolière en sourdine a coûtée cher à tous. La Russie a plongé dans la récession dès la fin 2014 et évité de justesse la crise monétaire et budgétaire. L’Arabie saoudite, qui se croyait à l’abri grâce à ses excédents financiers gigantesques (550 milliards de dollars rien qu’aux États-Unis), a découvert en cette occasion ses fragilités.
Avec son économie peu développée et sous-performante, des dépenses militaires exponentielles en raison de la guerre au Yémen, le royaume saoudien n’est pas en capacité de tenir longtemps et encore moins d’envisager l’après-pétrole. D’où le changement de ligne : Riyad vise désormais le prix du pétrole le plus élevé – au moins 80-85 dollars le baril – pour financer son développement et la transition vers la fin du pétrole, conditions impératives pour maintenir la famille Saoud au pouvoir.
Mais les sociétés pétrolières américaines ne sont guère en meilleur état. Certes, elles ont tenu, mais au prix d’une dégradation abyssale de leur bilan et d’un endettement stratosphérique, le monde financier, toujours en mal de rendements élevés, acceptant de les financer en fermant les yeux. « Il existe une bulle de crédit dangereuse dans ce monde de fracturation », disent certains analystes, qui considèrent ce secteur comme un des plus risqués en cas de crise financière.
Ces derniers mois, plusieurs compagnies se sont déclarées en faillite, incapables de rembourser leurs dettes et d’honorer leurs échéances. Selon une étude de l’Institut d’économie de l’énergie publiée en mars 2019, les 29 grandes sociétés cotées du secteur ont cumulé des cash-flows négatifs, représentant un total de 181 milliards de dollars entre 2010 et 2018.
« La révolution de la fracturation a été, à de très rares exceptions près, un désastre indéniable pour tous les investisseurs dans le secteur. En fait, je ne connais aucun autre cas où la technologie porteuse d’un tel changement a fait autant de mal à l’industrie qui a créé ce changement », a déclaré Steve Schlotterbeck, ancien président de la société de gaz de schiste EQT, la semaine dernière. Celui-ci estime que l’ensemble du secteur est destructeur de valeur.
Aujourd’hui, les financiers de Wall Street, qui ont soutenu les sociétés du secteur pendant plus d’une décennie, s’impatientent : ils veulent des résultats et des dividendes. Toutes sont en train de réviser leurs projets d’expansion à la baisse et de gérer au plus serré.
Aussi, toutes ont applaudi quand elles ont appris l’embargo sur le pétrole iranien puis le renforcement des sanctions contre Téhéran. Voir disparaître par le seul jeu des sanctions quelque 3,5 millions de barils par jour de brut iranien sur un marché déjà excédentaire, c’est l’assurance d’une remontée des cours. Entre octobre et aujourd’hui, le prix du baril est remonté de 40 à 60 dollars.
De même, les attaques contre les tankers dans le détroit d’Ormuz ne sont pas pour leur déplaire. En quelques heures, les cours du brut ont gagné 4 %. Plus sûrement, afin de garantir la sûreté de leurs approvisionnements, de plus en plus de clients s’adressent aux fournisseurs américains pour acheter du pétrole. Même la Chine, devenue le premier importateur de pétrole, continue de s’approvisionner en grande quantité sur le marché pétrolier américain, en dépit de la guerre commerciale lancée par Donald Trump.
Dans quelle mesure le président américain se fait-il le défenseur des intérêts du secteur pétrolier américain, devenu essentiel pour l’économie du pays ? La diplomatie trumpienne est si illisible que cela est difficile à évaluer, même si ce facteur est incontestablement présent. De plus, Donald Trump semble avoir évolué sur le sujet.
À l’automne, il multipliait les tweets vengeurs pour demander à l’Arabie saoudite et autres pays producteurs d’augmenter au plus vite leur production afin de faire baisser le prix de l’essence aux États-Unis. Très vite, les lobbys financiers et pétroliers américains sont allés à la Maison Blanche pour expliquer combien la chute des cours du pétrole serait préjudiciable à l’intérêt américain, sous-entendu le leur. Depuis, le président américain garde le silence sur le sujet.
Mais en sous-main, il gère étroitement le dossier, notamment les décisions de l’Opep. Alors que la prochaine réunion du cartel pétrolier doit se tenir les 1er et 2 juillet prochains, l’Arabie saoudite et les autres pays producteurs laissent déjà entendre qu’ils vont reconduire l’accord de production précédent. Il est vrai qu’il y a peu de chose à changer.
Les États-Unis ont déjà décidé pour eux : en renforçant l’embargo sur le pétrole iranien en avril, ils ont de fait diminué l’offre sur le marché pétrolier. C’est autant de réduction de production de moins à demander aux autres pays producteurs pour maintenir des prix élevés. Autant qui bénéficiera à tous.
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Rapport sur l'énergie 2019 (par BP), données intéressantes sur le pétrole ;
Taille : 7,7 MB
https://www.bp.com/content/dam/bp/business-sites/en/global/corporate/pdfs/energy-economics/statistical-review/bp-stats-review-2019-full-report.pdf