La bourse et les attentats ou l'effet de plasticité

17 11 2015 - 3 commentaires
ProRealTime

Comment réagit la bourse face aux attentats de Londres, Paris ou Madrid ? Comment se comporter face à ce risque sur les marchés financiers ?

Les bourses européennes ont clôturé sur une note stable ou légèrement positive après la première journée de cotation post attentat à Paris.

Le rebond après les attentats

Comme je l'indiquais hier en direct à 8h30 et à neuf heures dans TV finance, il n'y avait de fortes chances que les gaps baissiers de - 3 % allaient être comblés, ce qui fut le cas pour tous les indices européens. Je vais revenir un peu plus en détail sur cette « analyse » qui n'a rien d'un hasard. La bourse est psychologique avant tout, les mêmes effets produisent bien souvent les mêmes réactions.

Lors des attentats du 11 septembre, j'étais en train de trader les marchés. Lors du premier avion qui s'écrase sur l'une des tours, les marchés n'ont pas réagi. Lors du second avion qui s'écrase sur l'autre tour du World Trade Center, les marchés financiers ont mis plusieurs minutes avant de réagir à la baisse. Nous étions tous sur CNN, hébétés, frappés de stupeur, ce fut un choc, une sidération au sens psychanalytique. La réalité dépassant la fiction, il nous a fallu quelque temps pour surmonter cette stupeur. Le "rebond" après un événement traumatisant est un classique, on retrouve dans la dépression le même phénomène.

Introduction au principe d'élasticité et de plasticité en bourse

plasticité

Cependant, depuis que nous avons compris que la guerre nous a été déclarée depuis le 11 septembre, les réactions aux différents attentats reprennent un schéma récurrent :

Ouverture en très forte baisse des marchés en -3 % -4 % -5 %… puis comblement de ce gap dans la journée. Nous avons eu le même schéma pour les attentats de Londres, de Madrid et maintenant Paris… une fois passée l'émotion, les fondamentaux reviennent rapidement. Ce type d'attentat, bien que douloureux, horrible… ne remet pas en cause l'économie de la société, les profits des entreprises… tout au plus, cela ralentira le tourisme à Paris pendant quelques semaines mais ce sera compensé dans quelques mois par un afflux de touristes supplémentaires car on aura parlé de Paris dans le monde entier intensivement et cela suscite bien souvent un regain d'intérêt (parfois morbide) pour la ville touchée.

Alain Minc parlait de la capacité de résistance des sociétés occidentales grâce à leur plasticité, on retrouve cette même plasticité sur les marchés financiers qui intègrent l'idée qu'il y aura d'autres attentats dans d'autres capitales occidentales, il n'y a plus la sidération du 11 septembre. Plus il y a d'attentats et plus nous nous "habituons", plus cela est intégré dans notre schéma émotionnel et comportemental. Lors de la chute des Phallus du World Trade Center, nous avons perdu ce jour-là notre innocence et notre sentiment de puissance.

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Exemple pulsion de mort et de vie en Bourse

Donc passé l'effet "psychologique" qui crée de l'élasticité classique sur la bourse, nous rentrons alors dans une zone de plasticité psychologique (une forme de rigidité / résistance mentale) qui fait que le "rebond" est généralement plus fort que la peur (pulsion de vie > pulsion de mort) donc que l'on peut aller chercher les comblements des gaps baissiers avec une très belle probabilité de réussite et au delà (du fait de l'effet "d'habitude" des attentats, les réactions baissières seront de moins en moins fortes (en mettant en rapport l’intensité égale de l'attentat, un autre 11 septembre aura bien plus d'impact qu'un attentat du type Madrid ou Paris).

C'est le schéma récurrent que nous retrouvons dans le comportement humain, pulsion de mort suivie d'un rebond, d'une pulsion de vie souvent plus forte. La bourse n'est qu'un fonctionnement groupal où les règles de base de la psychologie s'appliquent en permanence. Je reviendrai si j'ai le temps sur ce concept notamment dans le cas des krachs où là il y a rupture de la plasticité (du barrage du pare excitation freudien à titre individuel) et déferlement avec la rupture de la digue psychique collective.

Auteur de l'article :

Benoist Rousseau est diplômé de l'université Paris-Sorbonne en histoire économique contemporaine et de la Certification Professionnelle des Acteurs des Marchés Financiers de l'AMF. Il a été professeur d'histoire pendant 12 ans avant de devenir trader en compte propre. Ancien Conseiller en Investissements Financiers, il est aussi écrivain. Son ouvrage "Devenez Trader Pro" est numéro 1 des ventes dans la catégorie bourse depuis de nombreux mois. Intervenant régulier sur TV Finance et divers médias, il est suivi par plus de 150.000 personnes sur les réseaux sociaux.

3 Commentaires pour La bourse et les attentats ou l'effet de plasticité

  1. Laurent1 dit :

    Intéressant cette notion de plasticité : finalement Draghi ou d'autres événements ont beaucoup plus d'impact que des attentats, surprenant ?!
    J'ai hâte de lire la suite sur le "pare excitation freudien"

  2. Matthieu L dit :

    "on retrouve cette même plasticité sur les marchés financiers qui intègrent l'idée qu'il y aura d'autres attentats dans d'autres capitales occidentales, il n'y a plus la sidération du 11 septembre. Plus il y a d'attentats et plus nous nous "habituons", plus cela est intégré dans notre schéma émotionnel et comportemental."

    Je me suis surpris à avoir complètement zappé les attentats de Nice de 2016 lors du feu d'artifice de 2018; alors que le jour de l'attentat en 2016 j'étais persuadé que j'associerai désormais les 14 juillet avec l'attentat de Nice, et que les terroristes avaient réussi leur coup en souillant à jamais la date de cette fête nationale.

    Mais non je me souvenais même plus de l'année...

  3. Benoist Rousseau dit :

    Oui classique. Effet de plasticité

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