La rentrée du Trader

Description d'une rentrée chez un trader qui ressemble à toutes les rentrées quelque soit son age, on a toujours la boule au ventre

C’est la rentrée des classes, c’est la rentrée des traders. Après quelques semaines de vacances, il faut s’y remettre, quand on était gamin on vérifiait 10 fois son cartable, quand j’étais enseignant je vérifiais 10 fois mes cours et maintenant comme trader je vérifie 10 fois ma station de trading. Le rituel est le même, on essaie de se rassurer quel que soit son âge ou son métier. Le temps des vacances est fini et il faut remonter au front avec cette petite boule dans l’estomac.

Rentrée des classes du trader

J’ai longtemps pensé que plus j’allais trader et moins j’aurai cette petite boule de peur et/ou de tension. Mais après 20 ans de trading et six années à ne faire quasiment que cela 60 à 70 heures par semaine, je dois bien admettre que j’aurai à chaque rentrée ce petit avertissement. Le temps n’y fera rien, cela fait partie de moi il faut faire avec. J’ai renoncé depuis longtemps à être un trader parfait, une seule fois dans ma vie j’ai réussi à acheter au plus bas du jour et à vendre quasiment au plus haut du jour, plusieurs années après je m’en souviens encore, j’étais en apesanteur comme touché par la grâce. Et au final, chaque matin, quand je suis devant ma station de trading, j’espère revivre ce moment parfait, un peu comme les musiciens qui recherchent la note bleue. Cette peur, cette tension, j’en fais maintenant une alliée, si le matin je n’ai pas cette petite alarme, je commence à m’inquiéter, je deviens trop confiant, ce n’est pas normal, le marché va me mettre une bonne baffe pour me remettre les idées en place.

Généralement les traders n’aiment pas parler de cela, ils aiment donner d’eux une image de certitude, de gens professionnels, sûrs de leur fait… sûrement un égo de mâle mal placé. Mais c’est aussi ce que veulent les gens, quand vous dites en société que vous êtes trader, après avoir subi les bêtises d’usage, les traders sont responsables de la crise… inévitablement les mêmes personnes vont vous questionner sur ce que vous pensez sur l’action X, W ou l’indice Z. Et quand vous répondez que vous n’en savez rien parce que vous tradez le Dax 30, le Dow Jones 30 et un peu le CAC 40, que les actions vous n’y touchez pas parce que c’est trop dangereux et que depuis 5000 ans on a encore trouvé personne capable de prévoir le futur, il y avait bien l’Oracle de Delphes, mais cela n’a pas servi beaucoup aux grecs au final, généralement vous déstabilisez pas mal de monde et pour se rassurer ils vont chuchoter entre eux « ce n’est pas un vrai trader, il ne sait pas » ou « tu vois, c’est un égoïste, il garde ses tuyaux pour lui ». Et non, c’est pour cela que l’on a cette petite boule au ventre tous les matins devant ses écrans, on remet chaque jour ses résultats en jeu. Le trading est à la fois passionnant (tout peut arriver, on ne possède aucune certitude, on ne revit jamais deux fois la même chose, on s’ennuie extrêmement rarement) et épuisant, stressant… Il faut s’habituer à vivre perpétuellement dans le doute, à combattre ses certitudes, à évoluer perpétuellement car si on ne s’adapte pas, aux changements techniques des marchés, à la volatilité… on risque de disparaître. Le trading finalement c’est la quintessence du darwinisme, tu t’adaptes en permanence où tu disparais.

Au final, la journée de lundi s’est bien déroulée, j’ai été un trader bien sage et studieux, j’ai bien respecté mon règlement, j’ai bien fait mes devoirs, mon scalping sur les niveaux clés sur le Dax 30. J’ai pu gagner 89 points sur le Dax 30 avec 63 trades. Mais cela ne veut rien dire, demain on recommence tout à zéro, c’est une nouvelle journée, tout peut arriver. Et mon amie, la petite boule dans le ventre, sera toujours là, fidèle au poste et j’espère encore longtemps.