Le PIB américain et Alan Greenspan
Aujourd'hui à 14h30 nous avons les résultats du PIB américain pour le troisième trimestre 2012. Je le répète tous les trimestres, c'est l'événement le plus important de l'année avec les trois autres trimestres.
En effet, les résultats du PIB américain permettent d'avoir une image réelle de l'économie américaine, fait une sorte de point, un check-up. Pour mesurer l'impact de ce PIB sur la bourse, le dernier PIB américain fin juin 2012 a plus 1,5 % à très largement permis aux bourses mondiales de monter pendant trois mois. En effet l'économie américaine est primordiale pour l'économie mondiale : les Américains représentent plus de 20 % du commerce mondial, ils sont la première puissance industrielle, technologiques, militaire, agricole, financière… Et la liste est encore longue.
Ainsi quand Bob a du travail et qu'il consomme, c'est toute l'économie mondiale qui se met en branle : des emplois se créent dans le monde entier, les usines chinoises tournent à plein, les pays en développement se développent (qui a réalisé en France que le Brésil et la sixième puissance économique au monde devant le Royaume-Uni ?)… Et cela crée aussi de l'emploi en France puisqu'un cinquième des salariés privés français travail directement ou indirectement pour une entreprise américaine car les USA sont le premier investisseur en France. Quand leur économie va mal, ils arrêtent leurs investissements à l'étranger et le BTP par exemple est touché de plein fouet.
Au niveau boursier, les quatre trimestres du PIB américain marquent assez souvent des ruptures de tendance. Il est le prétexte d'investir ou de prendre ses bénéfices, nous sommes donc à une date charnière où les marchés peuvent continuer sur leur lancée haussière si le PIB américain est meilleur que prévu ou bien rechuter et nous faire perdre en quelques semaines les trois mois de hausse.
Le chiffre est donc extrêmement attendu, tant au niveau des traders de Wall Street que des chargés de commande en Chine.
Je reste souvent fasciné par la capacité qu'ont les États-Unis d'Amérique à créer de la croissance, ils ont réalisé plus 1,5 % de croissance alors que nous espérons 0,2 % de croissance au mieux pour cette année e. En une année, ils progressent plus que nous en 5 ans... C'est d'autant plus impressionnant que comme ils sont la première puissance économique au monde, il est plus difficile de progresser. Un pays en sous-développement qui fait plus 5 % par an, c'est raisonnable car il est facile de progresser quand on part de très bas. Si les résultats du deuxième trimestre se confirment, les États-Unis repartiraient sur un trend de + 6 % par an.
Allez, je vais être méchant : la crise n'est pas venue des subprimes comme les journalistes le répètent à loisirs, les origines viennent d'Alan Greenspan : avant 2007, l'économie américaine progressait tellement vite que par peur de l'inflation la fédérale réserve américaine avec comme président Alan Greenspan s'est mis à monter les taux d'intérêt de manière extrêmement rapide pour réduire la croissance. Tout le monde semble l'avoir oublié, c'était seulement il y a sept ans, on parlait alors d'atterrissage de l'économie américaine en douceur. Les taux d'intérêt étaient tellement élevés qu'il suffisait de prendre une position put pour encaisser de l'argent chaque nuit. C'est en faisant monter les taux d'intérêt pour ralentir le boom de l'économie américaine que la crise des subprimes est apparue. Ben Bernanke essaie juste de réparer les erreurs d'Alan Greenspan, c'est pour cela que maintenant nous avons des taux d'intérêt extrêmement bas dans l'espoir de faire repartir l'économie qui a été cassée par notre bon Alan qui avait tellement peur de l'inflation qu'il a presque créé une récession
Auteur de l'article :Benoist Rousseau est diplômé de l'université Paris-Sorbonne en histoire économique contemporaine et de la Certification Professionnelle des Acteurs des Marchés Financiers de l'AMF. Il a été professeur d'histoire pendant 12 ans avant de devenir trader en compte propre. Ancien Conseiller en Investissements Financiers, il est aussi écrivain. Son ouvrage "Devenez Trader Pro" est numéro 1 des ventes dans la catégorie bourse depuis de nombreux mois. Intervenant régulier sur TV Finance et divers médias, il est suivi par plus de 150.000 personnes sur les réseaux sociaux.
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8 Commentaires pour Le PIB américain et Alan Greenspan
Intéressant , effectivement c'est la première fois que j'en entend parler , les médias répètent tout le temps "le commencement de la crise est dû aux subprimes, bla bla ..."
La crise des subprimes a été déclenché par le faite que beaucoup d'Américains n'ont pas pu rembourser leurs prêts. Ils n'ont pas pu rembourser leurs prêts parce que les taux d'intérêt ont explosé, pour te donner une idée ils ont été divisés par six ou sept depuis la crise par la fédérale réserve.
L'économie américaine était sur un trend de plus 10 % par an de croissance, ce qui est mathématiquement une croissance inflationniste. Alan Greenspan a donc décidé d'augmenter les taux d'intérêt pour ralentir l'activité économique et pendant deux ans on a eu ce débat constant à savoir est-ce que l'économie américaine ralentissait suffisamment vite pour éviter l'inflation ? Quand le PIB baissait, la bourse montait car le spectre de l'inflation se réduisait. Ils ont juste monté des taux d'intérêt trop haut ce qui à enclencher la crise des subprimes, comme la majorité des Américains n'avait pas de crédit fixe mais des crédits à taux variable, ils n'ont pas pu rembourser et tu connais la suite, expulsion, moins de consommation, montée du chômage… Maintenant on se posera cette question : qu'est-ce qui est pire ? L'inflation ou la récession ?
Merci benoist pour ces détails.
Ce qui est étonnant c'est qu'ils n'aient pas trouvé un juste compromis entre hausse des taux et capacité des ménages à rembourser leurs prêts.
C'est de la haute voltige, on a du mal à maitriser l'économie. C'est « une science » récente, pour te donner une idée en 1928 on ne savait pas ce que c'était que l'inflation ni comment la combattre. Ils sont avant tout des équilibristes et aucune décision en économie est évidente, limpide. La politique de la FED à l'époque était raisonnable pour Alan Greenspan car il avait une peur énorme de l'inflation, fils aîné de mémoire en 1926 et il a connu les ravages de l'hyperinflation et ses conséquences (montée du nazisme…). Il a donc lutté avec trop de force contre l'inflation et provoquée indirectement un début de récession ou de stagflation. L'avenir nous le dira.
J'ai le souvenir que l'on reprochait à Greespan d'avoir des taux trop bas avant qu'il les relève brutalement. C'est peut-être là son erreur : il faut sans doute limiter les excès au maximum.
On lui reprochait avec des taux trop bas de favoriser l'inflation et la croissance à crédit, donc il les a remonté (c'est le spectre de beaucoup d'hommes de sa génération, l'inflation, ces discours sont assez saisissants sur ce point), il fallait faire ralentir le moteur de l'économie américaine sans le faire caler. Il a calé. Je pense qu'il n'avait pas perçu l'importance de la bulle immobilière créée par les taux bas et l'impact d'un relèvement trop rapide sur la classe moyenne américaine. Actuellement, nous sommes aussi dans des excès quand les taux courts sont à 0.50% aux USA... Bref, je partage ton avis, il faut limiter le excès dans les deux sens...
Rappelons que lorsque Greenspan est parti, cela s'est fait plutot dans la bonne humeur.
Pourtant, il y a 2 reproches que l'on peut faire à Greenspan :
- Il a voulu corriger la crise internet avec une baisse des taux forte. On notera que vouloir "corriger" une crise n'est pas une démarche vraiment libérale (alors que Greenspan se dit libéral) puisque les libéraux ont tendance à penser que les crises sont justement là pour corriger les excès, et qu'il faut donc "laisser faire". On peut toutefois admettre un interet à vouloir en diminuer la force. C'est ce que préconisait Keynes (à qui on a fait dire par la suite ce qu'il n'a pas dit ). Mais pas au point de repartir vers de nouveaux excès. Or c'est probablement ce qui s'est passé. On peut donc dire que Greenspan a fait l'erreur de vouloir corriger la crise, au moins de façon trop brutale.
- Ensuite Greenspan n'a pas vu (ou fait semblant de ne pas voir) arriver la bulle immobilière américaine dans certains états (rappelons qu'elle s'est cantonnée à certains états seulement). De la part d'un Président d'une Banque Centrale c'est assuremment une faute. Certains se demandent d'ailleurs si cela n'était pas volontaire, car c'était une idée du moment que de dégonfler une bulle en en créant une autre. Ainsi certains allaient jusqu'à préconiser cela de façon expresse : « Pour combattre cette récession la Fed a besoin de plus qu’une volte-face, elle a besoin d’une explosion des dépenses des ménages pour compenser les investissements moribonds des entreprises, et pour cela, Alan Greenspan doit créer une bulle immobilière pour remplacer la bulle du Nasdaq. » (Paul Krugman, 2002). Il n'a cependant jamais dit avoir souhaité cela. Mais on peut malgré tout s'étonner qu'il n'ait rien vu venir. D'autant plus qu'il avait bien vu venir la bulle immobiilière espagnole de même nature au même moment.
Pour sa défense, il est vrai qu'il n'est probablement pas la cause de la bulle immobilière ( h**p://www.lalibre.be/economie/actualite/greenspan-accuse-l-administration-bush-d-etre-responsable-de-la-crise-51b8ba52e4b0de6db9baf56a) . Effectivement depuis plusieurs années, les gouvernements successifs poussaient les organismes d'état liés au crédit immobilier à "favoriser" l'accession à la propriété sans plus tenir compte des réalités économiques. Et quand le politique s'occupe de diriger l'économie ... on connait la suite. Mais à mon sens, Greenspan aurait du le voir, le dire et en tenir compte. Je ne dis pas que c'était facile, mais c'était sa mission.
PS :
@ Benoist. Bravo pour votre blog. Très qualitatif, bien documenté. J'ai grand plaisir à lire les articles un par un depuis quelques jours. Merci !