Les bons résultats de Wall Street sont-ils un leurre ?

21 4 2013 - 3 commentaires
ProRealTime

Comment lire entre les lignes des bons résultats de Wall Street ?

Les résultats du premier trimestre 2013 des entreprises américaines sont bons. De nombreuses sociétés battent le consensus des experts, les profits augmentent et les indices américains, S&P 500 et Nasdaq en tête, sont sur leur plus hauts historiques.

Le secteur des bancaires en est l'exemplum : au bord de la faillite il y a deux ans, JP Morgan voit ses bénéfices bondir de 33% ce trimestre, Citi Goupe dépasse les espérances des investisseurs, Bank of America a dévoilé des bénéfices en forte progression, elle a réalisé un bénéfice net multiplié par 4 à 2,6 milliards de dollars à comparer avec une perte de 9,1 milliards de dollars un an plus tôt, tout va très bien madame la marquise...

Ce type de résultat semble contrasté fortement avec le ressenti de la population américaine ou européenne où le seul horizon semble être le chômage qui augmente et le pouvoir d'achat qui décline. Mais il ne faut se leurrer, quand on regarde en détail les résultats des groupes financiers américains la situation n'est pas si idyllique.

 Les bons résultats de Wall Street se base sur une réduction des coûts

Les bons résultats actuels reposent essentiellement sur une réduction drastique des coûts et sur des réorganisations en interne : ainsi après avoir réduit ses effectifs de 7% l'année dernière (le chômage touche aussi durement le monde des traders), Morgan Stanley voit ses profit baisser de 1,4 milliard de dollars au premier trimestre 2012 à 1,2 milliard au premier trimestre 2013. L'exemple du secteur bancaire se répète à toutes les branches de l'activité américaine : la "crise" a été une aubaine pour restructurer, dégraisser, rationaliser sans trop de contestation dans les entreprises américaines. Les bons résultats actuels sont en partie des effets d'aubaines liés à une diminution de la masse salariale via des plans de licenciement mais aussi des pressions sur les salaires. Beaucoup de cadres ont accepté de diminuer parfois de plus de 20% leur salaire pour conserver leur emploi.

 Les origines de la crise

alan greenspan

Alan Greenspan : Attention aux salaires qui progressent trop vite

Rappelons ironiquement qu'en 2005 2006, la principale crainte des économistes était la croissance trop rapide de l'économie américaine qui favorisait une situation de pleine emploi. La productivité américaine était alors en danger car les salaires augmentaient plus rapidement que les gains de productivité et les craintes inflationnistes se faisaient jour. La Fédérale Réserve Américain avec Alan Greenspan ne cessait de s'émouvoir de cette situation et l'objectif était de faire "atterrir en douceur l'économie américaine" (sic) qui croissait trop rapidement afin de stabiliser les salaires et l'inflation. Pour cela, la FED a augmenté les taux d'intérêts, trop rapidement, pour "ralentir" la croissance provoquant la crise des subprimes et son effet boule de neige à l'échelle mondiale. L'atterrissage en douceur de l'économie américaine a plutôt été un joli krach mais une partie de l'objectif est finalement atteint : la productivité américaine est revenue forte, Airbus n'hésite pas à ouvrir des usines aux États-Unis d'Amérique saluant la qualité des ouvriers américains qui sont bien formés et pas chers...

 Les limites du cost cutting

Le seul problème est que le "cost cutting" n'est pas infini et ne parviendra pas à préserver les marges de ces entreprises bien longtemps. L''économie réelle finira par se retrouver dans les comptes des entreprises. Il arrivera un moment où couper dans la masse salariale et les efforts de rationalisation montreront leurs limites... Par exemple, malgré une progression de 33% de ses bénéfices ce trimestre, JP Morgan annonce que son activité des prêts immobiliers continuent de baisser et que les activités bancaires de ses clients stagnent alors que celles-ci représentent 50% de son activité. Et oui, il faut des consommateurs avec un pouvoir d'achat pour faire tourner une économie...

Article pour Atlantico.fr

Auteur de l'article :

Benoist Rousseau est diplômé de l'université Paris-Sorbonne en histoire économique contemporaine et de la Certification Professionnelle des Acteurs des Marchés Financiers de l'AMF. Il a été professeur d'histoire pendant 12 ans avant de devenir trader en compte propre. Ancien Conseiller en Investissements Financiers, il est aussi écrivain. Son ouvrage "Devenez Trader Pro" est numéro 1 des ventes dans la catégorie bourse depuis de nombreux mois. Intervenant régulier sur TV Finance et divers médias, il est suivi par plus de 150.000 personnes sur les réseaux sociaux.

3 Commentaires pour Les bons résultats de Wall Street sont-ils un leurre ?

  1. VinceMan dit :

    Bonjour,

    A lire cet article je ne peut que faire le parallèle avec la théorie des cycles économiques de Weinstein qui décompose l'évolution des cours en phases:
    - 1 Fondation ou consolidation,
    - 2 Avancée ou montée,
    - 3 Plafonnement,
    - 4 Chute.
    et retour à la phase 1

    Sommes nous encore en phase 2 ou avons nous commencé la phase 3 ?

    En partant du principe que le chômage est directement lié à l'évolution des phases alors la baisse de celui-ci devrait accompagner le passage en phase 3. Ce qui est logiquement compréhensible, en effet les bons résultats font entrevoir des perspectives de croissance qui se traduiront par des investissements tant en terme de moyens que de main d'œuvre.

    La productivité s'en trouvera forcément impactée et toute baisse de la consommation conjointe à la baisse du chômage entraînera la phase 4. Sur une large échelle temporelle c'est l'auto régulation de notre système. D'ailleurs l'histoire boursière récente est jonchée de krachs (2011,2008, 2000,1991...) et la résultante de ces krachs est la plupart du temps un retour aux plus hauts historiques.

    D'un point de vue macro, le marché à encore de la marge de progression en termes de création de besoin à la consommation (émergeants en tête, Afrique et Asie ensuite ...), mais il faudra plusieurs phases de contractions (4 puis 1) pour aller les chercher.

    Pour en revenir au futur proche, la phase 2 n'est pas forcément finie principalement car le chômage progresse et que la consommation est en hausse. On peut tout à fait entrevoir une progression à plat en attendant les chiffres de septembre puis une reprise de la hausse.

  2. Benoist Rousseau dit :

    Merci pour ce beau résumé de la pensée de Weinstein

  3. KarlosBank dit :

    Les réductions de coûts ne peuvent expliquer à eux seuls la hausse des cours boursiers américains. Les investisseurs reprennent des risques en bourse parce que l'économie s'améliore (un peu) mais aussi et surtout parce que les perspectives économiques sont bonnes et que l'horizon se dégage. Récemment les USA sont redevenus l'économie la plus compétitive du monde, aidés sans doute par une énergie devenue très bon marché grâce aux gaz de schistes. Aussi, la bourse bénéficient de l'appui de la Réserve Fédérale américaine qui continue à inonder le marché de ses liquidités. Pas étonnant de constater que les marchés financiers restent haussiers étant donné que la FED se charge d'acheter les titres que personne ne veut. D'ailleurs, l'attitude de la FED est scrutée par les investisseurs qui redoutent par dessus-tout une inflexion de sa doctrine économique.
    Je voudrais terminer en disant que les réductions de coûts ne traduisent pas simplement une amélioration mathématique de la rentabilité, à défaut du chiffre d'affaires. Économiser ses moyens représente à terme un facteur d'innovation et de créativité. En effet, réduire un budget déterminé de façon contraignante conduit à la longue à repenser l'activité à travers un progrès technique (une innovation de procès) ou une innovation de produits (ou service). Si les réductions de coûts se traduisent par une hausse de la productivité, il me semble qu'ils représentent également une source d'innovation.

    Voici le lien vers mon blog

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